Intervention de Philippe Wahl

Commission des affaires économiques — Réunion du 12 février 2014 : 1ère réunion
Bilan d'activité et présentation de la stratégie à horizon 2020 — Audition de M. Philippe Wahl président-directeur général du groupe la poste

Philippe Wahl, président-directeur général de La Poste :

Je vais m'efforcer de répondre à l'ensemble des questions posées en respectant les contraintes de temps auxquelles nous sommes soumis.

S'agissant du volet « transition énergétique » de notre action, je rappelle que nous contribuons au programme, lancé par l'État, de transformation de cinq millions de logements qui apparaissent aujourd'hui comme des « passoires énergétiques ». Tout le problème est de les recenser avec précision et, au cours de nos discussions avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), nous en sommes venus à la conclusion que les postiers peuvent jouer un rôle majeur pour les identifier.

Nos facteurs pourraient remplir ainsi remplir trois rôles : la promotion des actions d'isolation, l'identification des logements mal isolés et, à condition d'y former les facteurs, le diagnostic et la réalisation de premières mesures, voire d'une thermographie, à l'aide d'outils fournis par EDF et GDF. Je saisis l'occasion pour rappeler que d'ici la fin de l'année 2015, la Poste disposera de 10 000 véhicules électriques, ce qui correspond à la première flotte européenne et démontre bien nos préoccupations en matière de développement durable.

S'agissant du dialogue social et du moral des postiers, le point central de notre action est de fixer des objectifs ambitieux de développement qui leur donnent envie de se mobiliser. L'inquiétude des postiers est compréhensible car ils perçoivent, très concrètement, la diminution du courrier distribué, en constatant chaque jour que leur sacoche est deux fois moins remplie qu'il y a quinze ans.

Je rappelle aussi que les 250 000 postiers forment un corps social qui vit des drames de toutes natures, auxquels nous sommes très attentifs, et les deux suicides que vous avez évoqués ne se rattachent pas nécessairement à leurs conditions de travail. La principale source d'angoisse professionnelle, pour les postiers, se rattache au déclin historique du volume de courrier à distribuer. Mon rôle, dans ce contexte, est de bien montrer que je ne reste pas inerte face à cette chute en essayant de développer des nouveaux services.

Dans une logique d'expérimentation, nous assurons, par exemple, des prises de photographie en cas de dégât des eaux. Dans plusieurs villes, par exemple à Arras, où les autorités de santé souhaitent favoriser le maintien à domicile plutôt que l'hospitalisation, nous participons à des actions de visite aux octogénaires financées par l'assurance maladie et les communes. Pour venir en aide à des personnes éloignées d'un supermarché, nous assurons également, par exemple en Haute-Saône, le transport des courses et, dans le Loiret, les livraisons de médicaments. Nous développons de telles actions de service en coopération avec les intercommunalités, les communes, les départements et les régions.

Par ailleurs, le thème de la compensation entre courrier et colis appelle quelques observations. Certes, la distribution de colis croît fortement : 277 millions en 2013 contre 270 millions l'an passé. Cela correspond cependant à un milliard d'euros de chiffre d'affaires contre onze milliards pour le courrier postal. J'attire votre attention sur le fait que la croissance du colis ne suffit nulle part au monde à compenser la chute du courrier.

La Banque Postale, dans notre modèle économique, est devenue le premier métier de la Poste, en prenant le relai de la distribution de courrier mais sans pour autant parvenir, en dépit de sa croissance, à en compenser la baisse de volume.

D'où la nécessité de poursuivre la baisse des coûts et de trouver une trajectoire économique plus frugale. Les postiers sont tout à fait conscients de cette situation difficile, le poids des sacoches ayant été divisé par deux ; nous devons traiter avec eux de cette situation de façon objective.

S'agissant de la distribution du courrier cinq jours ou six jours sur sept, l'annonce par les postes canadiennes de la fin de la distribution à domicile, et la décision des Pays-Bas de ne plus distribuer le courrier le lundi, ont donné une tonalité nouvelle au débat. Dans ce contexte, nous avons affirmé que la caractéristique fondamentale de notre engagement reste « pour tous, partout, tous les jours ». Nous souhaitons donc ne pas entrer dans la logique malthusienne du « cinq jours sur sept », qui remettrait en cause le fondement de notre action.

A propos d'Amazon, je rappelle que cette entreprise est notre premier client, et, à ce titre mérite toute notre attention. J'observe qu'au Royaume-Uni et en Californie, Amazon s'est lancée dans la livraison à domicile, y compris des courses alimentaires, avec une grande rapidité d'intervention : le concept « same day » permet d'être livré avant 18 heures si on déclenche un appel téléphonique avant midi. Nous nous préparons donc soit à nous associer avec Amazon, si cette dernière introduit ces formules sur notre territoire, soit à anticiper cette évolution en mettant en place une offre similaire. Toutefois, je crains que nos moyens ne soient insuffisants pour faire face à cette deuxième hypothèse : je rappelle qu'Amazon a investi cinq milliards de dollars l'an dernier dans l'amélioration de ses plateformes, nos capacités sont sans commune mesure.

Pour autant, nous poursuivons notre réflexion sur notre développement numérique. S'agissant de la confiance numérique, nous explorons trois idées avec, tout d'abord, celle du trousseau unique accessible à tous les français, comprenant un coffre-fort et une adresse électronique utilisable dans les correspondances avec les administrations. En second lieu, un espace numérique postal, qui satisferait la demande de nos concitoyens en matière de protection des données. En troisième lieu, nous travaillons sur la cyber-sécurité pour offrir des protections renforcées aux usagers de la Poste.

En ce qui concerne la modernisation des administrations publiques, nous nous préparons à accompagner la réorganisation des collectivités territoriales et la transformation de leurs relations avec nos concitoyens. Par exemple, j'ai indiqué à la ministre en charge de l'égalité des territoires que notre contribution serait précieuse pour mettre en oeuvre le plan de développement de 750 maisons de service public qu'elle a annoncé. La Poste dispose en effet d'ores et déjà, avec 17 000 points de contact, de locaux et de personnels compétents partout où la ministre souhaite implanter ces nouvelles entités.

S'agissant des effectifs, je rappelle que La Poste compte aujourd'hui 267 000 salariés, dont 245 000 en France et 22 000 à l'étranger. Il est impossible de promettre que ces effectifs seront préservés à l'horizon 2020. La création annoncée de 1 000 postes de conseillers professionnels représente un travail considérable. Il pourra être privilégié de proposer des évolutions de carrière à 1 000 postiers plutôt que de procéder nécessairement à des embauches supplémentaires.

Le recrutement de plus de 5 000 personnes chaque année, depuis 2012, permet d'honorer les engagements pris par mon prédécesseur, mais ces embauches ne pourront pas se poursuivre en 2015 si elles ne correspondent plus à des besoins avérés.

Je confirme également que nous travaillons avec l'ensemble des services publics et je signale qu'à la suite de l'extinction progressive du Crédit immobilier de France (CIF), nous avons repris une partie du personnel ainsi qu'une participation majoritaire dans la filiale qui intervient dans le crédit aux cheminots.

Vous avez évoqué les distributeurs automatiques de billets : nous restons à peu près les seuls à les implanter dans les communes isolées. Je précise qu'il ne s'agit pas seulement de consentir des dépenses d'investissement à cet égard ; il faut aussi s'inquiéter de la rentabilité de leur fonctionnement car, en cas d'utilisation insuffisante, les pertes financières doivent être compensées.

L'année 2013 a été très bonne d'un point de vue financier pour la Banque Postale : en particulier, 6 milliards de crédits ont été alloués aux collectivités locales contre zéro en 2012, et le groupe a augmenté ses parts de marché dans le crédit immobilier.

Afin de mieux garantir la sécurité du courrier et des colis, nous avons des objectifs précis. Et nous projetons d'ajouter des cryptogrammes sur les médicaments et d'autres objets sensibles pour bien les identifier.

Nous poursuivons la transformation des agences postales communales et nous nous engageons également à maintenir les 17 000 points de contact sur l'ensemble du territoire.

En ce qui concerne les reclassés, je rappelle qu'en 1990, à l'occasion de transformation du statut de la Poste, 92 % du personnel avait choisi, en toute liberté, le statut dit Quilès. Ceux qui ne l'ont pas choisi ne peuvent pas prétendre aujourd'hui à une reconstitution de carrière : le juge administratif l'interdit. Nous ne refusons pas pour autant toute discussion, comme nous y invite la représentation nationale.

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