Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre d’État, ministre de la défense et des anciens combattants, qui représente en ce moment même le Gouvernement aux obsèques du second maître Jonathan Lefort, tué le 17 décembre dernier en Afghanistan, lors d’une opération.
Vous le savez, quatre militaires du rang sur cinq quittent l’institution avant d’avoir accompli un parcours professionnel leur ouvrant droit à une pension de retraite. Ces carrières courtes sont une condition indispensable pour conserver une armée jeune et opérationnelle.
Dans ce contexte, l’aide à la reconversion est à la fois un droit et une nécessité : un droit pour les jeunes militaires, qui doivent pouvoir regagner la vie civile dans les meilleures conditions après avoir rempli leur mission au service de la patrie ; une nécessité pour le ministère qui doit, pour satisfaire ses besoins en recrutement, être en mesure de proposer une seconde carrière à son personnel, principalement aux hommes du rang et aux sous-officiers.
Cette nécessité est aujourd’hui plus criante que jamais : d’abord, parce que le financement des allocations chômage des anciens militaires pèse de plus en plus lourdement sur le budget de l’État – en six ans, cette charge est passée de 75 millions à 110 millions d’euros –, mais surtout parce que la loi de programmation militaire pour 2009-2014 prévoit une diminution des effectifs du ministère de 54 000 personnes, dont environ trois quarts de militaires.
Face à cette situation, depuis plusieurs années déjà, le ministère de la défense a pris des mesures fortes. Je pense au renforcement du dispositif d’aide à la reconversion des militaires, au sein des fonctions publiques comme dans le secteur privé. Je pense aussi à la création, en 2009, de l’agence de reconversion de la défense et à la mise en place d’une vraie politique d’orientation, de formation professionnelle et de recherche d’emploi.
Aujourd’hui, si les résultats sont globalement satisfaisants, avec un taux de reclassement des militaires qui atteint 69 % en moyenne – 71 % pour les officiers, 73 % pour les sous-officiers et 50 % pour les militaires du rang – ce dispositif présente cependant deux faiblesses : d’une part, 35 % seulement des militaires du rang quittant l’institution avec quatre ans d’ancienneté trouvent un emploi ; d’autre part, les reclassements dans la fonction publique sont inférieurs de moitié aux objectifs fixés initialement.
Pour pallier ces carences, nous devons prendre des mesures complémentaires : c’est tout le sens du projet de loi qui vous est soumis.
Ce texte doit nous permettre d’améliorer notre dispositif d’aide à la reconversion grâce à deux leviers.
Le premier est le congé de reconversion. L’article 1er du projet de loi tend à en assouplir les règles, de façon à permettre aux militaires de suivre une formation segmentée dans le temps. Le congé serait désormais fractionnable par journées, dans la limite de cent vingt jours ouvrés cumulés, contre six mois consécutifs au maximum actuellement.
En outre, le projet de loi ouvre le droit au congé de reconversion, dans la limite de vingt jours, aux volontaires ayant moins de quatre ans de services. Il s’agit d’un progrès important pour cette population fortement exposée au chômage, puisqu’elle ne disposait auparavant d’aucun dispositif complet d’accompagnement.
Le deuxième levier de progrès est l’aide à la création d’entreprise. Deux dispositifs expérimentaux ont été prévus en ce sens.
D’une part, est prévu à l’article 2 le congé pour création ou reprise d’entreprise, directement inspiré du dispositif existant pour la fonction publique. Ce congé d’une durée maximale d’un an, renouvelable une fois sur demande agréée, est destiné aux militaires ayant huit ans d’ancienneté.
D’autre part, le cumul d’activité entre l’activité de militaire et celle d’auto-entrepreneur a été autorisé par l’Assemblée nationale pour les militaires en fin de carrière. Prévue à l’article 3, cette mesure est très encadrée : elle est réservée aux militaires qui sont à moins de deux ans de la limite d’âge ou de durée de services ou bien aux militaires bénéficiant d’un congé de reconversion. Naturellement, ces activités d’auto-entrepreneur doivent être agréées par le commandement, car elles doivent être compatibles avec le bon fonctionnement des services.
Au-delà de ces mesures, le Gouvernement a souhaité que le projet de loi comporte deux séries d’articles additionnels, qui ont d’ailleurs tous été adoptés par l’Assemblée nationale.
La première série d’articles vise à assouplir et à rendre plus attractif le dispositif des emplois réservés de la fonction publique ouverts aux invalides de guerre et militaires blessés en opération, aux veuves, aux orphelins, aux enfants de harkis, ainsi qu’aux militaires en activité ou libérés depuis moins de trois ans. Il s’agit notamment de permettre aux candidats d’effectuer leur année de stage dans leur emploi réservé en conservant – j’insiste sur ce point – la rémunération qu’ils auraient perçue s’ils étaient restés en position d’activité au sein des armées ; cela signifie qu’ils ne subiront aucune perte à cet égard.
La deuxième série d’articles est destinée à permettre aux agents du ministère de la défense de se reconvertir dans le cadre d’opérations d’externalisation. Les personnels qui le souhaiteraient pourraient ainsi être mis à disposition des prestataires privés liés par un contrat de partenariat. Cela pourrait notamment être le cas dans le cadre du grand projet Balard.
En outre, les personnels des établissements publics du ministère de la défense pourraient désormais bénéficier des mises à disposition prévues par la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de conclure, je tiens à remercier le président Josselin de Rohan, ainsi que tous les membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour leur fructueuse coopération avec le ministère. Je pense en particulier – personne n’en sera surpris – à l’éminent président André Dulait, rapporteur du texte au Sénat, qui a effectué un travail de préparation très efficace