Intervention de Jean Desessard

Réunion du 13 février 2014 à 15h00
Assistance médicalisée pour une fin de vie digne — Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Photo de Jean DesessardJean Desessard, rapporteur :

… qui peut certes aller jusqu’au terme de la vie, mais qui est utile dès le début de la prise en charge des maladies engageant le pronostic vital.

Je dois rappeler que les futurs médecins, madame la ministre, ne reçoivent qu’une heure de formation par an aux soins palliatifs. On est donc bien loin d’avoir intégré une dimension palliative à l’ensemble des prises en charge.

Si tous les malades pouvaient avoir accès aux soins palliatifs, les images de souffrances qui sont associées aux derniers moments de certains malades, notamment atteints du cancer, cesseraient de marquer de manière indélébile les familles. Toute expérience d’une mort douloureuse renforce l’idée qu’il faut mettre en place le moyen d’obtenir une mort douce et rapide.

Il faut donc être clair : la proposition de loi du groupe écologiste, pas plus que celles qui l’ont précédée, n’entend proposer l’assistance médicalisée pour mourir comme une solution de substitution aux soins palliatifs. Au contraire, ce texte réaffirme le droit d’accès à ces soins, un droit qui devrait déjà être effectif depuis la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs.

De même, il est incontestable qu’un certain nombre de choix sociaux, donc financiers, concernant la fin de vie doivent être réévalués parallèlement à l’ouverture de la possibilité d’une aide médicalisée pour mourir, voire avant, faute de quoi le sens de ce nouveau droit s’en trouvera affaibli.

Concrètement, le séjour en EHPAD coûte jusqu’à 2 000 euros par mois à la charge de la personne ou de sa famille. S’il existe une assistance médicalisée pour mourir, certains craignent que l’euthanasie ne soit choisie en raison du coût de ce séjour, ce qui serait bien sûr inacceptable.

À l’inverse, pour poser la question de l’assistance médicalisée pour mourir, faut-il attendre que les soins palliatifs aient atteint un développement complet et que notre politique de prise en charge du vieillissement ait été entièrement refondue ? Faut-il empêcher toute évolution de la loi tant que les droits déjà inscrits ne seront pas effectifs ?

Que faut-il faire face à une demande d’euthanasie ? Personne n’envisage aujourd’hui d’ignorer une telle demande. Certaines des personnes que nous avons entendues lors des auditions considèrent qu’il s’agit dans tous les cas d’un appel à l’aide physique ou, plus profondément peut-être, psychologique, qu’il est de notre devoir de reconnaître comme tel.

On ne peut abdiquer devant le désir de mort des personnes, puisque 90 % des personnes qui ont été ranimées après une tentative de suicide ne commettent pas de nouvelle tentative. Toutefois, faut-il pour autant en conclure qu’une personne saine d’esprit ne peut en aucun cas vouloir mourir ? Il ne peut y avoir qu’une analyse au cas par cas, et il faut donner aux personnes la liberté de choisir.

La présente proposition de loi prévoit que la capacité d’une personne à exprimer sa volonté soit évaluée par deux médecins indépendants. Si la lucidité de la personne qui demande à mourir est reconnue et que ce choix n’est pas la conséquence d’un défaut de prise en charge, au nom de quel droit cette demande ne serait-elle pas satisfaite ?

À ceux qui expriment la crainte que la possibilité d’une mort assistée n’en fasse la mort socialement souhaitable qui serait imposée un jour aux plus faibles – ce sentiment a été formulé par certaines des personnes entendues au cours des auditions –, j’objecterai que, en Belgique et aux Pays-Bas, les cas d’euthanasie n’augmentent pas d’année en année.

L’une des possibilités pour aider à mourir les personnes en fin de vie qui le désirent est de leur donner les moyens de se suicider. Il s’agit là d’une aide au suicide, ce qui suppose que la personne peut toujours changer d’avis, et non d’un suicide assisté, comme en Suisse, où la décision revêt un caractère définitif. Cette possibilité existe aux États-Unis, dans l’État de l’Oregon et, plus récemment, dans l’État de Washington.

Seule la moitié des personnes remplissant les critères d’obtention du poison le demandent et, parmi celles qui l’obtiennent, moins de la moitié en font usage. Cette solution apparaît au professeur Sicard comme une possibilité à étudier. Reste à savoir si les modalités de l’aide au suicide retenues dans ces États sont transposables en France. Surtout, ce dispositif ne concerne que les personnes physiquement capables de prendre elles-mêmes la substance. Je rappelle d’ailleurs que la présente proposition de loi n’aborde pas cette question de l’aide au suicide.

Comme l’a rappelé notre collègue Corinne Bouchoux, la loi de 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite « loi Leonetti », permet de laisser des directives anticipées sur la manière dont on souhaite que se termine sa vie si l’on n’est plus capable de s’exprimer le moment venu. Ces directives doivent être régulièrement actualisées et conservées. On pourrait, par exemple, les inscrire dans le dossier médical personnalisé à la suite d’un entretien avec le médecin traitant, ou sur la carte Vitale.

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