Le professeur Sicard considère que cette situation est sans doute liée à l’origine parlementaire du texte, qui n’a pas bénéficié du plein appui des administrations.
Pour ma part, je considère que c’est non pas l’inertie de l’administration qui est en cause, mais le refus du législateur de passer à l’acte. En effet, la législation actuelle entretient le flou, car l’aide médicalisée à la fin de vie n’est pas assumée légalement, ce qui nuit à la publicité des dispositions de la loi Leonetti.
C’est pourquoi, mes chers collègues, pour faire connaître ces dispositions, il faudra, à terme, voter la présente proposition de loi. Il est temps pour nous de prendre position et de passer à l’acte !
Le malade en fin de vie, s’il est en mesure de s’exprimer, peut demander la fin des traitements qui le maintiennent en vie. Dans plusieurs cas, comme celui des patients sous dialyse ou sous assistance respiratoire, cela entraînera la mort à brève échéance. Dans d’autres cas, comme celui des patients en coma végétatif, l’absence de traitement ne changera que peu l’état de santé du malade. C’est la fin de la nutrition et, surtout, celle de l’hydratation qui entraîneront le décès.
L’augmentation progressive des traitements antidouleur jusqu’au point de donner la mort est déjà possible dans le cadre de la loi Leonetti. Néanmoins, la sédation profonde ou terminale n’est pas possible à la demande du patient. Sur ce point, dans l’ensemble des rapports qui ont été remis, une évolution de la loi est préconisée ou admise : on respecterait la volonté de la personne, sans pour autant donner une mort immédiate.
Mais, dès lors qu’on accepte de faire advenir le décès, pourquoi refuser que celui-ci soit immédiat, par un acte volontaire ? L’argument que j’ai le plus souvent entendu serait la violence de l’acte pour les familles et les personnels chargés de l’injection létale. Pour ces derniers, donner la mort signifierait de surcroît la perte d’un repère fondateur de leur mission de soignants.
Il m’apparaît cependant que la position des professionnels de santé varie considérablement d’un pays à l’autre. Au Québec, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et le Collège des médecins du Québec ont sollicité le passage d’une loi sur l’aide médicale à mourir.
L’essentiel est, me semble-t-il, d’admettre une clause de conscience pour l’ensemble des professionnels, sur le modèle de ce qui est prévu pour l’avortement. Cela figure, si je me souviens bien, dans la proposition de loi.
Si la volonté de la personne est claire et libre de toute influence, les professionnels de santé qui sont prêts à le faire devraient pouvoir lui procurer l’assistance qu’elle souhaite pour une mort immédiate et sans douleur.
Reste le cas des personnes qui ne sont pas en fin de vie mais se trouvent réduites à une situation physique qu’elles jugent intolérables. Le seul point de vue qui me paraît fondamental est celui du malade lui-même, qui est, à mes yeux, l’unique personne capable de juger de la dignité de sa vie. La proposition de loi dispose que, dans certains cas précis, ces personnes peuvent également bénéficier d’une assistance médicalisée pour mourir.
La situation de fin de vie est complexe et soulève de nombreuses questions. Néanmoins, le débat est aujourd’hui bien engagé au sein de la société et le législateur se doit d’apporter une réponse. Les personnes auditionnées, dans leur très grande majorité, m’ont indiqué qu’il fallait faire évoluer la loi. J’estime que, dans la proposition de loi soumise à notre examen, le sujet est abordé avec lucidité et franchise, mais avec un cadre d’application strict. Je me félicite donc de l’occasion qui nous est donnée aujourd’hui de débattre de cette question.
Le renvoi à la commission n’est pas un rejet de cette proposition de loi ; il marque la volonté de construire ensemble un texte clair, qui corresponde à la situation et aux interrogations d’aujourd’hui.
Je souhaite que ce débat ait lieu avec toutes et tous et que, en tout état de cause, nous adoptions un texte de loi avant la fin de l’année 2014. §