Intervention de Didier Boulaud

Réunion du 22 décembre 2010 à 14h30
Reconversion des militaires — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Didier BoulaudDidier Boulaud :

Monsieur le ministre, nous le savons tous, la reconversion des militaires est un élément important, et même très important, étant donné l’actuelle situation de la défense française ; elle doit être la garantie de la bonne santé des armées.

Parce qu’elle touche directement aux hommes et aux femmes qui composent la communauté militaire, nous savons qu’elle est une donnée clé de la défense.

Le dispositif de reconversion est de plus en plus présent dans la vie des militaires ; il s’agit donc de lui apporter un soin spécifique et des moyens à la hauteur des ambitions.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, fût-il de portée limitée, reste un outil nécessaire, destiné à améliorer le dispositif existant. Dont acte !

Le rapporteur a très bien rappelé les éléments techniques de ce texte. Je n’y reviendrai donc pas, mais je voudrais vous livrer mes réflexions et mes interrogations sur un sujet qui concerne des milliers de femmes et d’hommes qui ont choisi la carrière militaire.

Je souhaite cependant exprimer d’abord un regret, celui de voir ce texte examiné longtemps après qu’ont été prises des dispositions le concernant, comme l’arrêté du mois de juin 2009 relatif à l’agence de reconversion de la défense et le décret du mois de mars 2010 relatif à l’entretien préalable. Il eût été préférable et logique de procéder autrement.

Cela étant dit, peut-on étudier ce texte en ignorant les conséquences de la crise budgétaire dans laquelle nous ont plongé votre gouvernement et votre majorité ?

La crise financière internationale est un événement grave, dont les conséquences sont douloureuses, mais c’est votre gestion des finances publiques depuis 2002 qui a abouti à cette France aux caisses vides dont a parlé le Premier ministre.

Ainsi, des économies nouvelles devront être trouvées rapidement sur le budget des armées. Quel en sera le montant ? 3, 5 milliards d’euros ? 3, 9 milliards ? D’aucuns parlent même de 6 milliards d’euros…

Quoi qu'il en soit, ces économies auront de très sérieuses conséquences sur les emplois, qui seront, une fois de plus, appelés à diminuer, dans le secteur de la défense comme ailleurs. Or vouloir dégager plus de personnels, dans une période de crise, avec une situation de l’emploi qui se dégrade de jour en jour, c’est une gageure !

Monsieur le ministre, vous le savez comme nous, les personnels militaires, tout comme les personnels civils, feront les frais de la réduction des effectifs de la fonction publique et seront alors confrontés à un marché de l’emploi plus difficile que jamais.

Ces dernières années, le passage à une armée professionnelle, décidé par le Président Jacques Chirac, a mis la défense sous tension. Soumise à une réforme sans précédent, elle a dû se restructurer, tout en assurant ses missions et en affrontant de nouveaux défis.

C’était un remarquable effort qui, je tiens à le souligner encore une fois, n’avait été ni bien programmé ni bien préparé.

La professionnalisation a coûté plus cher que prévu et les économies que les concepteurs du système avaient fait miroiter n’ont jamais vu le jour.

Un tel rappel de l’histoire récente est utile pour comprendre que les propositions du Livre blanc et les dispositions de la loi de programmation militaire ne rassurent pas ceux qui, comme les militaires, comme les sénateurs, ont la mémoire alerte.

Les objectifs fixés par ces textes sont considérables : 54 000 suppressions de postes, comme l’a rappelé le rapporteur, et une vague d’externalisations.

Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, les armées sont, une fois encore, soumises à rude épreuve. Mais, bonnes élèves et disciplinées, elles vont s’appliquer à bien réaliser ces objectifs ! Raison de plus pour apporter tous les moyens budgétaires nécessaires à la reconversion des militaires.

Le dispositif de reconversion doit fonctionner. C’est une nécessité impérieuse, puisqu’il constitue un pilier central de la réforme en cours. De la grande manœuvre des ressources humaines dépend la réussite du modèle exposé dans le Livre blanc.

La qualité du dispositif de reconversion a une incidence directe sur la qualité du recrutement et sur la fidélisation des militaires engagés dans nos armées dans des carrières de courte durée.

Si le ministère ne maîtrise pas avec précision la manœuvre des ressources humaines, il peut en résulter des pertes de compétences extrêmement préjudiciables pour la défense en général et pour l’efficacité de nos armées en particulier. Il importe aussi d’améliorer le délicat équilibre entre le soutien et l’opérationnel.

N’oublions pas, comme le signale M. le rapporteur, que les armées ont un intérêt financier direct quant à l’efficacité des dispositifs de reconversion, dans la mesure où le ministère de la défense assume lui-même le coût du chômage des militaires non reconvertis. Ce coût ne cesse de s’accroître, hélas !

La réduction du format des armées conduit inéluctablement à un accroissement du nombre de départs, puisqu’il est passé de 28 000 en 2005 à 34 000 aujourd’hui, toutes catégories confondues.

Puisque la présentation du budget de la défense a manqué de sincérité, nous devrons très probablement assumer la nécessité d’une prochaine révision des objectifs et des moyens naguère définis par la loi de programmation militaire. Chacun le sait désormais, ce texte est caduc ou tout au moins obsolète.

Les rapporteurs de notre commission des finances ont pu prévoir « un risque de « cannibalisation » des dépenses d’équipement par les dépenses de fonctionnement, potentiellement à hauteur de plusieurs milliards d’euros ».

À l’horizon 2020, les perspectives financières et physiques de la mission « Défense » sont préoccupantes. La révision à la baisse des moyens en 2011-2013, dans le cadre de la programmation budgétaire triennale, n’incite pas à l’optimisme. C’est un constat partagé. En outre, l’impasse budgétaire dans laquelle nous nous enfonçons doucement a de quoi nous inquiéter.

La reconversion des militaires et la manœuvre des ressources humaines risquent, par conséquent, d’en faire les frais.

J’aborderai à présent, monsieur le ministre, le chapitre des interrogations, qui sont au nombre de trois.

Première interrogation : le ministère, et plus largement le Gouvernement, envisagent-ils la mise en place d’un nouveau plan de restructuration prévoyant encore la suppression d’un grand nombre d’emplois ?

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