Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une fois de plus, nous examinons un texte portant sur l’assistance médicalisée pour mourir.
On le voit bien, la proposition de loi de nos collègues écologistes traite à la fois de ce qui est trop communément appelé « euthanasie », mais aussi de l’aide au suicide.
Depuis mon explication de vote, lors du débat du 25 janvier 2011, chacun sait ici que je suis favorable à l’assistance médicalisée pour mourir. J’ai confirmé cette position en déposant moi-même une proposition de loi sur ce sujet le 2 décembre 2013.
Je ne reviendrai pas sur les raisons qui m’animent. Elles sont absolument identiques à celles que mes collègues favorables au texte ont déjà exposées : permettre aux personnes pour qui la vie est devenue physiquement ou moralement insupportable de demander une aide médicale pour abréger leur vie.
Les débats médiatiques et les opinions tranchées appellent de ma part quelques réflexions.
J’évoquerai tout d’abord le terme « euthanasie », abondamment employé par les médias et par nous-mêmes ici. Nous savons ce qu’il signifie exactement : « bonne mort », mais nous savons aussi qu’il a été totalement détourné de son sens parce qu’il a été utilisé pour définir la mort la plus violente qui soit, celle qui a été infligée aux Juifs dans les camps d’extermination aussi bien qu’à l’extérieur de ces derniers. Il ne faut donc pas s’étonner que ce mot évoque une mort violente infligée à l’autre.
Or c’est tout le contraire qui est proposé dans ce texte et dans tous ceux qui ont déjà été déposés.
J’évoquerai ensuite la loi Leonetti puisque c’est généralement son existence qui est invoquée face aux demandes d’assistance médicalisée à mourir.
Personne ne songe à remettre en question cette loi, qui vise à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs, car c’est une bonne loi. Et nous souhaitons tous que l’ensemble de nos concitoyens puissent avoir accès à une fin de vie apaisée. Malheureusement, on sait que la loi Leonetti est mal connue, parfois mal interprétée et, de toute façon, très inégalement appliquée sur le territoire.
Par ailleurs, les soins palliatifs s’adressent, par définition, aux personnes qui souffrent dans leur corps et, plus spécifiquement, à celles qui vont mourir des suites d’une maladie souvent longue, toujours incurable et douloureuse.
Mais qu’en est-il des personnes en fin de vie du fait de leur grand âge et qui ne supportent plus la dégradation de leur corps et les souffrances physiques ou psychologiques qui leur sont ainsi infligées ? Qu’en est-il des personnes plongées dans le coma et dans l’impossibilité d’exprimer leur envie de quitter une vie dont elles n’ont quelquefois même plus conscience ? Dans ces deux derniers cas, les soins palliatifs ne sont pas la réponse que les personnes concernées sont en droit d’attendre.
Il faudra bien qu’on se décide un jour à évoquer ces différentes fins de vie et qu’on analyse les solutions humaines à apporter dans ces situations.
Je n’entrerai pas aujourd’hui dans le débat que nous devrons, de toute façon, avoir le plus tôt possible. J’ai bien entendu, madame la ministre, qu’il aurait lieu avant la fin de l’actuelle mandature. Mais je reste convaincue qu’il faudra adopter un texte qui rende à l’individu, dans les conditions restrictives prévues à l’article 2 de la présente proposition de loi, la responsabilité du moment de sa mort.
Permettez-moi de répéter ce que j’ai déjà dit dans cet hémicycle le 25 janvier 2011 et que chaque être humain peut prendre à son compte :
« Alors que j’ai vécu en exerçant ma liberté et ma responsabilité, pourquoi ma fin de vie, si elle me place dans la situation dramatique [visée], devrait-elle être le seul moment qui échappe ma décision ? […]
« Qui peut décider, à ma place, de ce que je considère comme supportable ou non ?
« Qui peut décider, à ma place, que même si mes douleurs physiques sont apaisées, je dois supporter des souffrances morales ou psychologiques ?
« Qui peut décider, à ma place, de me priver d’un adieu lucide et serein, entourée de ceux que j’aime et qui m’aiment ?
« Pourquoi me voler cette ultime liberté ? »
Cette question reste posée. À cet égard, je reprendrai les termes employés par mon collègue Gérard Roche devant la commission la semaine dernière : « Il nous faudra réfléchir à une éthique de la mort qui s’inscrive dans le parcours de santé. » Cette approche permettrait sans doute d’évoquer ce sujet de manière dépassionnée.
Il y a urgence. Nos concitoyens attendent de nous des positions responsables et raisonnables. Ils attendent de pouvoir exercer leur ultime liberté et nous nous devons de répondre sereinement à cette attente.
Je tiens à préciser avec la plus grande clarté que la position que je viens d’exprimer n’est pas celle de la majorité du groupe UDI-UC, qui est plutôt opposé à toute aide à mourir. Mais les sénateurs de mon groupe souhaitent, comme moi, qu’un débat éclairé et serein puisse avoir lieu dans cet hémicycle sur ce sujet. Je peux donc dès à présent vous indiquer qu’ils sont favorables à la motion tendant au renvoi à la commission qui nous sera proposée tout à l’heure. §