Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la société a besoin d’un appui, comme en témoignent des milliers d’histoires intimes, toujours émouvantes, souvent tristes, parfois dramatiques. La gravité du sujet mérite bien une procédure originale, dont le seul but est de faire en sorte que se retrouvent tous les auteurs de propositions de loi. Ce n’est vraiment pas l’occasion de joutes politiciennes…
Le Sénat a toujours été en pointe sur la question de la fin de vie et la discussion que nous avons ce soir, à la demande du groupe écologiste, fait suite à de nombreux débats.
En 1978, le sénateur Henri Caillavet avait déposé une proposition de loi relative au droit de vivre sa mort. Cet humaniste et libre penseur avait eu le courage de lancer le débat, mais la société n’était pas prête.
J’évoquerai aussi ce débat de janvier 2011 au cours duquel le Sénat avait malheureusement détricoté une proposition de loi déposée par certains de nos collègues centristes, socialistes, communistes et de l’UMP. Depuis, rien n’a changé : il n’y a plus eu d’initiatives et les propositions de loi restent dans les armoires.
Le seul texte qui traite en partie de ce sujet est la loi Leonetti, votée en 2005. Lors de l’examen de ce texte au Sénat, l’ensemble des forces de gauche avaient décidé de ne pas prendre part au vote, le débat ayant été impossible, car, comme cela vient de nous être rappelé, le gouvernement de l’époque exigeait un vote conforme.
Pourtant, en tant que militante de l’association pour le droit de mourir dans la dignité – ADMD –, dont je tiens à saluer le président, Jean-Luc Romero, ainsi que l’action, j’ai toujours reconnu les avancées de cette loi qui évoque l’interdiction de l’acharnement thérapeutique, qui légalise l’administration de médicaments aux malades pour les soulager, quitte à ce que la dose soit létale. Toutefois, je sais aussi les insuffisances de cette loi, car l’amenuisement physiologique n’est pas une bonne réponse à l’exigence d’un droit de mourir dans la dignité.
Régulièrement, l’actualité révèle le cas de personnes implorant une fin de vie digne. Mais combien peuvent réellement bénéficier des dispositions prévues par la loi Leonetti ? Est-il normal que les médias restent, pour beaucoup de patients, dans ces circonstances solennelles où l’on a avant tout besoin de sérénité, le seul recours pour voir leur situation et leur douleur prises en compte ?
Selon moi, il est de notre rôle de légiférer afin de passer de la pénalisation d’un acte à sa reconnaissance en tant que droit.
Nous le savons, le sujet de la fin de vie est un sujet sensible : il touche à notre conception de la vie, de la mort, de la solidarité, de la dignité. Chacun l’aborde avec son histoire personnelle, avec le souvenir de proches que l’on a vu partir, parfois sereinement, parfois dans la souffrance, alors qu’une mort digne et douce aurait été préférable.
La proposition de loi de notre collègue Corinne Bouchoux se place dans la continuité des débats et des textes de la République pour garantir les libertés : elle va dans le sens d’une reconnaissance du droit des malades et d’une reconnaissance bien encadrée d’un droit à mourir dans la dignité.
Deux événements sont survenus après le choix des écologistes d’inscrire ce texte au débat.
Le drame de Vincent Lambert, entre hôpital, justice et famille divisée, nous montre la nécessité d’un texte et d’outils tels que le registre des directives anticipées.
Quant à l’annonce faite par le Président de la République le 14 janvier 2014, elle aurait pu nous faire renoncer. Toutefois, nous avons choisi de prendre nos responsabilités, d’ouvrir le débat au Parlement, d’y associer tous les collègues mobilisés, sans privilège d’auteur, et d’accepter, dans le consensus que mérite la fin de vie, qu’au sein de la commission des affaires sociales chacun se saisisse de cette question, en disposant du temps de réflexion qu’exige ce grave sujet. §