Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la rapporteur, mes chers collègues, comme cela a été rappelé par notre excellent collègue Jean-Jacques Hyest en commission des lois, dans sa majorité, le groupe UMP a toujours milité pour que les détenus dont le pronostic vital était engagé puissent être libérés.
Souvent, nous avons débattu des grâces médicales, dispositif très complexe et surtout aléatoire. C’est pourquoi le mécanisme de suspension de peine, que nous avons introduit en 2002, a constitué un réel progrès. Comme vous le savez, il permet à des personnes de ne pas mourir au fond d’une cellule, et ce même lorsqu’elles ont commis des crimes odieux.
Si la détention provisoire, dont nous parlons aujourd’hui, est un outil utile à la poursuite des infractions les plus graves, elle devrait cependant rester exceptionnelle. Et si ce dispositif est régulièrement décrié sur les travées de la majorité, la vérité, révélée par la pratique, démontre qu’il est indispensable à certaines enquêtes, afin non seulement de préserver l’intégrité des preuves ou des témoins, mais aussi d’éviter le renouvellement de l’infraction poursuivie.
Cette détention, bien que provisoire, est cependant une mesure privative de liberté et, en tant que telle, elle doit avoir un régime relativement harmonisé avec celui de la détention pour application de peine. Il y va de la garantie de la dignité humaine que nous avons à cœur de préserver en tout lieu, y compris dans le milieu carcéral.
Évidemment, l’honnêteté nous oblige à relativiser la mesure que nous proposent Hélène Lipietz et ses collègues du groupe écologiste. Il s’agit non pas de formuler un reproche – j’ai été particulièrement sensible aux exemples qu’elle a évoqués tout à l’heure –, mais de bien faire comprendre que nous n’avons jamais négligé cette question auparavant.
Il est surprenant que le régime juridique de la détention provisoire soit, sur ce plan, plus sévère que celui de l’exécution de la peine. C’est sans doute d’ailleurs la raison pour laquelle la jurisprudence a régulièrement permis, pour interrompre cette mesure, de prendre en compte la santé de la personne détenue provisoirement.
Ainsi en 2012 la Cour de cassation a-t-elle réaffirmé que l’état de santé d’une personne mise en détention provisoire est un élément à prendre en considération lors d’une demande de mise en liberté. Par ailleurs, les juges du fond ont estimé que l’incompatibilité de la détention provisoire avec l’état de santé d’un détenu, eu égard à sa « prise en charge difficilement réalisable par l’administration pénitentiaire », devait conduire le juge à lui accorder une mise en liberté.
La codification qui est aujourd'hui proposée permettra de ne pas laisser cette décision à la seule discrétion des magistrats. Il nous semble donc intéressant de pouvoir légiférer sur cette question, quand bien même elle serait extrêmement rare.
Il paraît logique de ne pas laisser perdurer une situation dans laquelle le détenu provisoire semble bien moins traité que l’accusé qui exécute une peine pour laquelle il a été condamné. Toutefois, il est impératif, comme l’a souhaité la commission des lois, que nous puissions nous assurer que cette mise en liberté sera circonscrite aux cas les moins dangereux. Il faut donc en exclure les personnes qui présentent un risque grave de renouvellement de l’infraction et les personnes atteintes de troubles mentaux. Il faut également que la mise en liberté puisse être encadrée, si nécessaire, par un certain nombre de mesures contraignantes, autrement dit des obligations et des interdictions.
Le texte issu des travaux de la commission semble répondre à ces préoccupations ; il est donc de nature à nous satisfaire.
Une personne placée en détention provisoire pourra ainsi obtenir sa mise en liberté pour raison médicale, lorsqu’une expertise médicale établira qu’elle est atteinte d’une pathologie engageant son pronostic vital. Lorsque le pronostic vital est déjà engagé, un simple certificat médical établi par le médecin responsable de la structure sanitaire dans laquelle le demandeur est pris en charge pourra suffire. Cette mise en liberté pourra également être obtenue lorsque l’état de santé est incompatible avec le maintien en détention, exception faite des personnes détenues admises en soins psychiatriques sans leur consentement.
Cette mise en liberté, susceptible d’intervenir en toute matière et à tous les stades de la procédure, pourra résulter d’une demande de l’intéressé ou être prononcée d’office par le juge d’instruction.
Elle pourra être assortie d’un placement sous contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence sous surveillance électronique, en cas de besoin particulier.
Si le dispositif semble à même de nous satisfaire, je l’ai dit, notre discussion permettra aussi, je l’espère, de lever les quelques interrogations que nous pouvons encore avoir.
Madame la garde des sceaux, en cas de détention pour exécution de peine, deux expertises médicales doivent être réalisées, alors que dans l’hypothèse de la détention provisoire, une seule est prévue. Soyons vigilants ! Pouvez-vous nous assurer que l’on ne nous reprochera pas de favoriser les certificats de complaisance ?
De plus, quel est réellement le dispositif le plus pertinent, la suspension de la détention provisoire ou la remise en liberté ?
Nous le comprenons bien, en cas d’amélioration de l’état de santé de l’intéressé, la remise en détention implique un nouvel examen complet de la pertinence d’une détention provisoire par le juge d’instruction. Pourtant, l’évolution de la situation du détenu repose sur la seule appréhension de son état de santé. Privilégier la remise en liberté plutôt que la suspension n’entraînera-t-il pas une complexification de la procédure, alors même que, de toute évidence, il y a fort à parier que les éléments qui ont justifié la détention existeront toujours ?
Alors, oui, nous pouvons accepter ce texte, à titre préventif, parce qu’il nous donne l’occasion d’encadrer juridiquement des situations rares, mais qui existent, et de faire en sorte que le juge prenne en considération tous les éléments en cause et parvienne à un juste équilibre entre la dignité des détenus et la protection des victimes. Vous l’avez donc compris, mes chers collègues, les membres du groupe UMP voteront la présente proposition de loi. §