Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 13 février 2014 à 15h00
Suspension de détention provisoire pour motif d'ordre médical — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, cette proposition de loi, que nous avions cosignée en 2010 avec nos collègues du groupe écologiste, est très importante.

Aujourd’hui, chacun le sait, si une jurisprudence bien établie tient compte de l’état de santé de la personne placée en détention provisoire lors des demandes de mise en liberté, nous souhaitons que cela figure explicitement dans le code de procédure pénale.

En effet, une personne en détention provisoire, dont la situation sanitaire est incompatible avec la détention, doit pouvoir être remise en liberté au profit, par exemple, d’un contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence sous surveillance électronique, la loi prévoyant expressément la détention comme ultime recours.

Cependant, les objectifs visés à l’article 144 du code de procédure pénale justifiant le placement ou la prolongation de la détention provisoire ne semblent pas toujours suffisants pour permettre de lever la détention provisoire d’une personne malade.

De ce fait, ces objectifs, résultant notamment des exigences européennes de dignité des personnes détenues, invoqués en 2002 pour soutenir la création de la suspension de peine pour raison médicale, justifient à eux seuls l’impérieuse nécessité d’une réforme des dispositions légales relatives à l’exécution de la détention provisoire. Vous l’avez souligné, madame la garde des sceaux, ces personnes doivent pouvoir bénéficier d’une procédure rapide et efficace. Dès lors, celle-ci doit être inscrite dans la loi pour plus de lisibilité et de sécurité juridique.

Nous soutenons aussi pleinement la modification apportée par la commission des lois visant à prévoir que l’état de santé du prévenu puisse constituer, non un motif de suspension de la détention provisoire, mais une cause de mise en liberté de l’intéressé. La conséquence est non négligeable, puisque, en cas de mise en liberté, il appartient au juge d’instruction de demander de nouveau un placement en détention provisoire dans les conditions énoncées à l’article 144 du code précité, si l’amélioration de l’état de santé du prévenu le permet.

Nous apportons donc notre soutien à cette proposition de loi, qui reprend l’une des préconisations formulées par Nicole Borvo Cohen-Seat, alors présidente du groupe CRC, et Jean-René Lecerf dans leur rapport d’information sur l’application de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, rendu en 2012.

Ce débat est aussi l’occasion de faire le point et d’alerter sur la question plus globale de la santé des personnes détenues, quelques jours après la publication du rapport annuel de la Cour des comptes – vous y avez fait référence, madame la garde des sceaux – qui met l’accent sur la nécessité d’améliorer la prise en charge sanitaire des détenus.

Comme le souligne la Cour des comptes, les suspensions et les aménagements de peine pour raisons médicales restent trop marginaux. L’accès des détenus aux soins dispensés à l’extérieur est subordonné à la disponibilité des équipes pénitentiaires et des forces de l’ordre pour assurer leur extraction et leur garde. Quant à l’accès aux soins à l’intérieur des prisons, il est rendu difficile, voire impossible, par les règles de fonctionnement des prisons.

De plus, la protection sociale des personnes détenues n’est pas toujours effective en raison de problèmes d’affiliation, d’ouverture ou de reprise des droits sociaux.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement les personnes détenues atteintes de troubles psychiatriques, je rappelle avec force que leur place n’est pas en prison. À cet égard, le manque de places dans les unités hospitalières spécialement aménagées est criant : seules sept des dix-sept unités prévues par la loi du 9 septembre 2002 ont été ouvertes. Mes chers collègues, la prise en charge de ces personnes en souffrance est urgente.

Je ne m’attarderai pas sur leur exclusion de la suspension de peine, d’autant que nous semblons tous d’accord sur ce texte. J’ai entendu avec satisfaction les propositions formulées par Mme la garde des sceaux en la matière, qui seront introduites dans un prochain projet de loi.

Cela étant, nombre de rapports ont été rendus sur ce sujet, qu’il s’agisse de celui de la Cour des comptes ou de celui de Nicole Borvo Cohen-Seat et de Jean-René Lecerf, dans lesquels figurent des recommandations. Il nous appartient d’en traduire un certain nombre dans notre législation, afin de mettre en œuvre une politique de santé publique à la hauteur des enjeux. En attendant, il va de soi que nous soutiendrons la présente proposition de loi. §

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