Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous parvenons au terme de ce débat et je serai donc brève. Hélène Lipietz, auteur de la proposition de loi, et Esther Benbassa, rapporteur, vous ont déjà expliqué l’intérêt de créer un dispositif de suspension de détention provisoire pour motif d’ordre médical.
Je remercie les différents intervenants d’avoir exprimé, au nom de leur groupe, leur soutien à ce texte. Je vous adresse des remerciements identiques, madame la garde des sceaux.
Les personnes prévenues, au nombre d’environ 16 000, sont soumises, malgré la présomption d’innocence – point important –, à des conditions de détention trop souvent dégradées en maison d’arrêt, mais qui se révèlent paradoxalement beaucoup plus sévères que celles que connaissent les détenus. En outre, elles subissent des durées de détention provisoire pouvant atteindre jusqu’à plusieurs années en matière criminelle.
Cette situation soulève une grave difficulté, notamment pour les personnes en fin de vie ou souffrant d’affection de longue durée.
En effet, la loi du 4 mars 2002, dite « loi Kouchner », ne peut s’appliquer aujourd’hui qu’aux seules personnes détenues atteintes d’une pathologie engageant le pronostic vital ou dont l’état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention.
Je me réjouis donc que le groupe écologiste puisse présenter aujourd’hui cette proposition de loi, qui répond à une demande formulée de longue date par les professionnels de santé et les associations de défense des prévenus.
Deux arguments majeurs plaident en effet en faveur de ce texte. D’une part, on ne voit effectivement pas pourquoi un droit ouvert en matière de santé à des condamnés ne l’est pas à des prévenus : il y a là une inégalité que le régime juridique distinct des uns et des autres ne justifie pas. D’autre part, la proposition de loi est d’autant moins contestable que l’allongement de la durée moyenne de détention provisoire est régulier.
En cet instant, je souhaiterais très brièvement lancer une alerte et rappeler un élément de contexte, afin que, si ce texte est adopté, la future loi soit appliquée le mieux possible. Et nous devons aussi préparer les débats qui se dérouleront lorsque vous présenterez votre prochain projet de loi, madame la garde des sceaux.
On sait en effet que la loi Kouchner, qui réserve une possibilité de suspension de peine pour les condamnés dont nous souhaitons aujourd’hui étendre le bénéfice aux prévenus, n’est que très peu appliquée, alors même que l’âge moyen des détenus ne cesse d’augmenter. Nous avions déjà débattu de ce sujet l’an dernier, au mois de mars 2013, à l’occasion d’une question orale posée par le groupe écologiste.
Il nous paraît indispensable de réfléchir aux raisons de cette approche restrictive, qui peut éclairer nos débats. L’une de ces raisons est la méconnaissance par les experts médicaux des conditions réelles de la détention. Il nous semble qu’il faudrait donc, comme à l’origine, soumettre la suspension à une seule expertise médicale, mais exiger de l’expert désigné qu’il ait une connaissance de la vie carcérale ou, mieux, qu’il recueille les données particulières au cas d’espèce avant de se prononcer. Le détenu occupe-t-il une cellule individuelle ? Quel est le degré de confort de cette cellule ? Le détenu bénéficie-t-il de l’aide d’un tiers, d’un traitement régulier ?
Par ailleurs, les difficultés d’accès aux soins, qui font l’objet de l’une des principales revendications des détenus, doivent aussi être examinées. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté indique dans son rapport annuel qu’une bonne partie du courrier qu’il reçoit concerne ces dernières. Il est vrai que la problématique des maladies de longue durée est particulièrement difficile à affronter en détention, et trop de soins en la matière sont limités à la distribution d’analgésiques courants.
Par ailleurs, si la propension des spécialistes à se rendre en prison pour donner des consultations est très variable d’un établissement à l’autre, elle est généralement faible. Il faut donc organiser des extractions, opérations lourdes, présentant des aléas – disponibilité, notamment, d’une escorte pénitentiaire – et un risque fréquent de méconnaissance du secret médical en raison de la présence de surveillants pendant les consultations et les soins.
Voilà un certain nombre de points auxquels nous devrons réfléchir à l’avenir.
Pour l’heure, je remercie une nouvelle fois tous les collègues qui se sont exprimés et qui ont manifesté leur soutien : cette proposition de loi peut certes paraître marginale, mais elle constitue un premier pas, et nous espérons pouvoir ensuite aller plus loin. §