Intervention de Jacques Gautier

Réunion du 22 décembre 2010 à 14h30
Reconversion des militaires — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Jacques GautierJacques Gautier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avant tout, je souhaite, au nom du groupe UMP, m’associer à l’hommage que rend en ce moment même, à Lorient, le ministre de la défense à l’officier marinier décédé en mission vendredi dernier. Nos pensées vont à sa famille et à celle du capitaine du 2e régiment étranger de génie : nous les assurons tous de notre soutien dans cette épreuve. Je tiens également à saluer l’ensemble de nos soldats actuellement en OPEX.

Le projet de loi que nous examinons porte sur la reconversion de nos soldats. C’est pour les armées et le ministère de la défense dans son intégralité un défi qu’il nous faudra relever au cours des dix prochaines années. Il y va ni plus ni moins de son avenir en tant qu’institution. À cet égard, je me félicite du travail accompli par notre rapporteur, André Dulait, qui suit ces questions depuis longtemps au sein de la commission des affaires étrangères.

Je ne reviendrai que partiellement sur le détail de ce texte, les intervenants précédents l’ayant fait avant moi. Ce projet de loi constitue une première étape, car la reconversion des militaires doit s’accompagner d’une réflexion beaucoup plus large sur laquelle je souhaite attirer votre attention.

À terme, il s’agit aussi de savoir quelle place les anciens militaires peuvent occuper dans la vie civile alors qu’ils ont servi la nation, mais aussi de quels profils nos armées auront besoin. En résumé, le ministère de la défense mène et doit poursuivre une véritable politique de ressources humaines : elle est en cours, mais elle doit encore évoluer.

Depuis 1996, les armées ont connu de véritables bouleversements qui les ont profondément modifiées et ce, jusque dans leur identité.

À l’époque, rappelez-vous, nous avions pensé définir un modèle d’armée qui devait correspondre à une armée moins nombreuse, mais aux capacités techniques accrues.

Ce modèle d’armée 2015 s’est révélé trop lourd et inadapté du point de vue des réalités géopolitiques comme des besoins de notre pays en tant que puissance militaire digne de ce nom sur la scène internationale, c’est-à-dire capable d’avoir une réelle force de projection matérielle et humaine.

Plus de dix ans après la suppression du service militaire, nos armées doivent répondre à un problème identitaire. La création de contrats courts implique un turnover auquel s’ajoute celui qui est issu de la RGPP et qui rime avec suppression de postes et externalisation de certains services. Concrètement, cela entraîne la suppression de 54 000 postes dans les années à venir.

Rappelons que le ministère des armées en est à sa deuxième réforme. Avec la dernière loi de programmation militaire, ces restructurations ont permis de mettre en place, en quelque sorte, un cercle vertueux : une partie non négligeable des économies issues des réorganisations et restructurations est affectée à la revalorisation de la condition militaire. Peu de ministères peuvent s’en prévaloir.

Si le ministère de la défense a externalisé certaines fonctions de support, dans un souci de rationalisation et d’optimisation de gestion, cela a été fait dans un objectif : recentrer la politique de ressources humaines autour du soldat lui-même.

Parallèlement, la France doit faire face à de nouveaux impératifs stratégiques, notamment des menaces nouvelles, l’engagement sur des théâtres d’opération d’un nouveau type, qui impliquent le retour aux fondamentaux qui composent l’armée, à savoir le soldat en OPEX.

Nos armées sont confrontées à la confluence de deux phénomènes, d’une part, l’arrivée à la retraite des engagés, notamment de ceux qui avaient un contrat d’une durée allant de cinq ans à quinze ans, et, d’autre-part, le non-renouvellement de contractuels de la défense.

Cependant, nous préoccuper de la reconversion des militaires nous engage aussi à mieux définir en amont les besoins réels des armées pour les années à venir, en termes tant de projection des forces en OPEX que d’anticipation des menaces depuis le territoire national.

La professionnalisation de l’armée posait déjà, en 1996, le défi de la reconversion des soldats et de leur réintégration dans la vie civile, et ce dans une société pacifiste pour laquelle les notions de « perte humaine » et de « sacrifice pour la Nation » sont inconnues et riment parfois avec incompréhension.

Un tel turnover impose au ministère de la défense de recruter à un rythme soutenu, donc de susciter non plus des vocations pour une vie entière, mais l’envie de s’engager « seulement » – si je puis me permettre une telle expression – pour quelques années, années au cours desquelles on peut perdre la vie. Il s’agit de donner le désir d’intégrer, pour un temps plus limité, une institution qui représente la nation et qui se bat pour elle.

Au cours des campagnes de recrutement, le ministère de la défense a mis en valeur les multiples formations accessibles. Si l’armée offre la possibilité d’exercer de nombreux métiers spécifiques, ces derniers doivent pouvoir trouver une transcription dans la société civile.

La dernière loi de programmation militaire que nous avons votée implique, nous le rappelions, la reconversion de 54 000 postes. Le reclassement et la reconversion de ces personnes sont donc essentiels.

Désormais, le « passage dans l’armée » doit être une plus-value et se traduire « positivement » au cœur de la société civile professionnelle. C’est dans cette optique que l’Agence de reconversion de la défense, l’ARD, créée en 2009, et les dix pôles Défense Mobilité devront adopter une politique des ressources humaines digne des stratégies des chasseurs de têtes.

Si nous ne voulons pas que les futurs ex-soldats deviennent des inactifs, la fin des contrats doit se traduire impérativement par une validation des acquis de l’expérience, ou VAE dans le jargon de la formation professionnelle, et ce avant que les personnels militaires ne commencent, si nécessaire, une nouvelle formation, qui constituera pour eux une transition entre deux vies.

Le présent texte s’inscrit dans la continuité des précédentes réformes. Surtout, il comporte deux principales améliorations techniques.

Premièrement, il assouplit certaines des conditions d’accès au congé de reconversion.

En effet, il rend plus flexible le régime actuel du congé de reconversion réservé aux militaires ayant accompli au moins quatre années de service et il permet, par ailleurs, aux volontaires enregistrant moins de quatre ans de service de bénéficier d’un congé de reconversion de courte durée.

Deuxièmement, il instaure un congé pour la création ou la reprise d’entreprise.

Nous ne pouvons que nous féliciter du fait que ces dispositifs offrent une meilleure flexibilité et, surtout, correspondent à la réalité difficile du marché du travail.

C’est pour ces raisons, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que le groupe UMP votera le présent texte, qui témoigne de l’engagement du ministère de la défense envers ceux qui doivent le quitter.

Enfin, il me semble également que la reconversion doit s’accompagner de la reconnaissance par la société de citoyens qui, après leur passage dans les armées pour la nation, auront été profondément marqués par une expérience multiple qui doit pouvoir bénéficier à la société civile entière.

Il s’agira alors de valoriser l’expérience républicaine, le respect de la hiérarchie et de l’autorité, le dépassement de soi, le développement de capacités telles que la gestion des conflits et des crises en faisant appel à des moyens humains ou matériels.

La promotion et la mise en valeur de ces aptitudes doivent se faire par le biais de la Journée défense et citoyenneté, la JDC. Celle-ci doit encore être améliorée, de façon à susciter davantage l’envie de s’engager. Pour recruter, l’armée doit mettre en place une stratégie en quelque sorte de soft power pour elle-même.

Par ailleurs, les JDC constituent un moment idéal pour permettre aux militaires de repérer les futurs « engagés », une première étape dans la démarche de recrutement.

De plus, il appartiendra au ministère de la défense de mettre en place une véritable politique de retour et de valorisation des soldats revenant des OPEX. La bonne gestion de ces nouveaux et jeunes vétérans est primordiale pour le ministère.

Mes chers collègues, de ce point de vue, l’exemple américain est des plus intéressants. Les études de la Rand center for military health policy research doivent être une source d’inspiration. Quid de ceux qui se sont battus lors de la première guerre du Golfe ? Quid de ceux qui sont allés en Bosnie ? Quid de ceux qui auront connu le Rwanda, le Tchad et bien d’autres régions de conflits ?

Il serait intéressant de bénéficier d’études approfondies pour savoir à quelles catégories socioprofessionnelles ces combattants appartiennent aujourd’hui.

Une telle politique implique également un réel suivi de ces anciens soldats, qui sont des ambassadeurs de l’armée au sein de la société civile. Pour ce service des armes par le passé, la nation entière doit être consciente, et non critique, avant d’être reconnaissante.

Sur la préparation, chaque OPEX, notamment celle qui se tient actuellement en Afghanistan, requiert une formation spécifique, qui est très éloignée, reconnaissons-le, des formations des métiers du civil. Pour autant, ces préparations intenses et de haut niveau doivent être mises en avant et valorisées, car l’armée investit dans la formation de ses soldats.

Par ailleurs, beaucoup d’engagés ont appris un métier avec une spécialisation technique ou technologique, qui trouve une traduction immédiate dans la vie civile.

Aussi, monsieur le ministre, il faut reproduire le très bel exemple du récent partenariat de « Défense Mobilité » avec le groupe SPIE, spécialisé dans des activités multitechniques, regroupant le génie électrique, climatique et mécanique, la maintenance, les services d’information et de communication, le nucléaire.

Les OPEX doivent pouvoir se traduire sur un curriculum vitae comme une expérience internationale.

Cependant, il est possible d’atténuer le turnover grâce à une politique de fidélisation. Il faut favoriser l’accès aux écoles de sous-officiers et d’officiers. Reconnaissons-le, une telle démarche passe également par la revalorisation des soldes, ainsi que par une refonte de la formation initiale, dont certains aspects ont des équivalences dans les métiers du civil.

Par exemple, la gestion des troupes et le commandement ne sont ni plus ni moins que du management, matière largement enseignée dans les écoles de commerce.

De plus, il me paraît important de développer et d’améliorer l’apprentissage des langues, en particulier de l’anglais. La France ayant réintégré le commandement intégré de l’OTAN, elle se doit de fournir des soldats au sein des contingents internationaux.

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