Intervention de Sylvain Parasie

Mission commune d'information sur l'accès aux documents administratifs — Réunion du 13 février 2014 : 1ère réunion
Audition de Mm. Sylvain Parasie maître de conférences en sociologie à l'université paris-est et eric dagiral maître de conférences en sociologie à l'université paris-descartes

Sylvain Parasie, maître de conférences en sociologie à l'université Paris-Est :

Notre réflexion de sociologue a tout d'abord porté sur les journalistes. Aux Etats-Unis, l'utilisation des données publiques est ancienne dans le journalisme ; elle remonte aux années 1970. En France, le phénomène est plus récent. Le journalisme d'enquête s'appuie sur les données publiques pour révéler l'existence de problèmes publics qui ne sont pas traités, ou déceler des crises, qui concernent l'environnement, la santé, en procédant à une analyse censément plus objective. Aux Etats-Unis prospère également un journalisme local de services, très consommateur de données publiques, friand de données locales concrètes sur les transports, la voirie, le crime, les pollutions, etc. En France, le journalisme d'enquête s'appuie sur une tradition plus littéraire, sur des données plus qualitatives. Les journalistes locaux de la presse quotidienne régionale travaillent de plus en plus comme les journalistes américains, rassemblant parfois sur un même site Internet des données disparates sur une ville pour informer les électeurs. Ainsi les pages multimédias hyperlocales de La Voix du Nord qui ont précisément pour objet d'éclairer le débat des municipales, en rassemblant des données locales, données démographiques, les taux d'emploi, des données fiscales.

Aux Etats-Unis, les données mises en ligne sont très précises, à l'adresse près, dans une rue donnée, pour la criminalité, et concernent aussi les maisons de retraite, les hôpitaux, l'éducation, - la performance des écoles -, l'environnement depuis le mitan des années 1990. Les citoyens ont accès aux données sur la pollution, l'emploi, la criminalité, les transports, la voirie, l'entretien urbain, les canalisations, les graffitis retirés par les services de la mairie, etc... Ces données locales relèvent de niveaux administratifs différents. Elles sont en pleine expansion. Elles proviennent de sources administratives variées. Non seulement les journalistes les recoupent, mais aussi créent des informations nouvelles.

Les associations jouent traditionnellement un rôle fort aux Etats-Unis. La France n'a pas cette tradition d'observatoires citoyens indépendants, comme le Center for responsive politics, mais l'accès aux données est une préoccupation de longue date pour une grande partie du monde associatif, qu'il s'agisse de s'informer sur l'action de l'administration, de dresser un bilan de l'action des élus, d'assurer la transparence de la vie politique, ou encore pour être en mesure d'intervenir finement dans le champ social. Les acteurs du numérique se sont greffés sur ce mouvement. Les attentes sont variées. Certaines associations, comme à Chicago, visent à rapprocher les élus des citoyens, en montrant l'action concrète quotidienne d'une municipalité. Les associations qui interviennent dans le domaine social ont besoin de données pour définir précisément une population cible. Ainsi, une militante du Nord-Pas-de-Calais me confiait que, pour développer l'emploi féminin dans les quartiers, les données agrégées au niveau régional étaient peu utiles. Des associations spécialisées cherchent des informations techniques très précises pour un enjeu militant, comme celles qui étudient la qualité de l'air à Paris et les problématiques de santé qui en découlent.

Trois grandes préoccupations se retrouvent aux Etats-Unis comme en France : obtenir des données granulaires, c'est-à-dire fines et adaptées à l'échelle des problèmes locaux, parfois celle d'une rue ou du quartier ; obtenir des données compréhensibles, au-delà du filtre constitué par les catégories juridiques ou administratives qui conditionnent le recueil de ces données, pour éviter notamment les erreurs d'interprétation ; obtenir des données au format ouvert, susceptibles d'être croisées alors qu'elles proviennent de diverses sources, et de sortir ainsi de la logique de silo pour les réutiliser.

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