Quelle est l'utilisation concrète des données ? Les journalistes indiquent que l'obtention des données publiques ne modifie pas radicalement leur travail : les données ne font pas l'article ! Les règles de vérification et de croisement des informations restent pertinentes. La mise en pratique est souvent complexe. Les données n'ont pas été produites d'abord pour le journaliste, un travail de déchiffrement est donc nécessaire car les catégories employées sont celles de l'administration. Là où on s'attendait à un journalisme de reproduction, on découvre ainsi un journalisme d'enquête qui exige des ressources humaines et techniques importantes.
Souvent des acteurs intermédiaires spécialisés, qui ont souvent partie liée avec les observatoires citoyens, se chargent de recouper les données. Aux Etats-Unis, ces observatoires mettent en forme, vérifient, mettent les données en perspective, par exemple les données électorales ou relatives au financement politique ; ils fournissent une expertise sur ces données, les mettent en perspective. En France, la culture politique est différente, mais le collectif « Regard citoyens » par exemple fait un travail similaire, laborieux, neutre et coûteux de pédagogie notamment auprès des journalistes. Le rôle de ces acteurs spécialisés, intermédiaires, de ces expertises citoyennes est déterminant pour que ces données ne restent pas lettre morte - ou soient utilisées à mauvais escient. L'utilisation des données réclame des investissements et des démarches actives d'explicitation. C'est ainsi que des partenariats se nouent entre acteurs intermédiaires, journalistes et scientifiques, par exemple pour l'exploitation des données environnementales.
Quels sont les impacts de ces mouvements ? N'attendons pas de l'ouverture des données publiques des effets radicaux, massifs, immédiats, du jour au lendemain. Beaucoup de données sont publiques mais peu sont utilisées. Il faut distinguer l'accès aux données et la culture politique : la mise à disposition ne modifie pas immédiatement la culture politique française dans le sens d'une transparence sur le modèle américain. Mais l'ouverture sert à renforcer l'expertise citoyenne et contribue à susciter de nouvelles attentes, par exemple dans le domaine de la santé, et à éveiller les consciences. Dès lors que les citoyens ont accès aux données sur l'environnement, ils s'en préoccupent davantage. Tous les citoyens ne sont pas également touchés par ce mouvement mais les données locales, celles sur lesquelles les citoyens pensent avoir prise, les intéressent tout particulièrement. Les citoyens sont souvent défiants à l'égard des institutions politiques, mais ils s'intéressent aux enjeux locaux. Sans doute l'ouverture des données publiques aura-t-elle un effet positif à cet égard.
S'agissant de la vie politique ou parlementaire, des acteurs comme senateurs.fr ou Regards citoyens, en fournissant des informations précises et concrètes, contribuent à nourrir le débat public, pour dépasser l'antiparlementarisme sur des questions telles que le clientélisme ou l'absentéisme. Ils concourent à mieux faire connaître le travail concret des parlementaires. Cela permet également aux élus de réfléchir à la communication sur leur activité.