Intervention de Robert Hue

Réunion du 17 février 2014 à 16h00
Taxe sur la valeur ajoutée applicable à la presse imprimée et à la presse en ligne — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Robert HueRobert Hue :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, harmoniser les taux de TVA applicables à la presse papier et à la presse en ligne n’est pas seulement, comme cela a déjà été dit, une nécessité pour la survie et le développement de ce secteur. C’est aussi une exigence de justice et même un impératif démocratique. Aussi, la quasi-totalité des membres du RDSE approuvera la présente proposition de loi.

Nous connaissons tous les difficultés auxquelles la presse est aujourd’hui confrontée. La situation de la presse imprimée se dégrade depuis vingt ans, avec une accélération ces dernières années, cela aussi a déjà été souligné. Cette dégradation est perceptible à différents niveaux, à commencer par la diminution du nombre de titres : plusieurs quotidiens nationaux ont déjà mis la clef sous la porte, d’autres, comme Libération, se trouvent actuellement dans la tourmente...

Le nombre d’exemplaires diffusés a considérablement diminué : nous sommes passés de sept milliards d’exemplaires par an à cinq milliards en une vingtaine d’années.

L’ensemble de la presse papier connaît des difficultés de financement, exacerbées par la chute des recettes publicitaires. Par conséquent, à l’exception de deux titres qui ont connu une faible croissance, inférieure à 1 %, en 2013, tous les grands quotidiens nationaux ont vu leur chiffre d’affaires s’effondrer l’an dernier, avec, en moyenne, une diminution de 8 % et de 4 % pour la presse quotidienne régionale.

Cette situation a bien évidemment des conséquences sociales désastreuses. Ainsi, 6 000 emplois ont été perdus en dix ans, dont 1 500 ces deux dernières années. La précarité d’une grande majorité des journalistes et des salariés de ce secteur est également de plus en plus prégnante.

Si la presse en ligne est la seule à connaître des recettes publicitaires et un chiffre d’affaires croissants, cela ne doit pas masquer l’extrême fragilité de ce secteur, aucun de ses acteurs n’étant parvenu, à ce jour, à trouver un équilibre économique.

Il convient de le souligner, la presse en ligne bénéficie d’un soutien public bien moins important que la presse imprimée, puisque, sur presque un milliard d’euros de dispositifs d’aide à la presse, seuls 20 millions d’euros vont à la presse en ligne. En outre – c’est l’objet de la présente proposition de loi –, celle-ci est assujettie au taux normal de TVA, soit 20 % depuis le 1er janvier 2014, contre 2, 1 % pour la presse imprimée.

Comment justifier qu’un journal ou un article soit taxé différemment selon son support ? La même question s’est posée il a quelques années pour les livres, et nous avons très justement pris la décision de fixer un taux unique de TVA sur les livres, qu’ils soient en format numérique ou en format papier. Pourquoi pénaliser les éditeurs et les lecteurs qui choisissent le format numérique ?

La neutralité technologique du support, dont vous avez parlé, madame la ministre, d’un point de vue fiscal semble une évidence. Pourtant, elle ne l’est pas pour tous, puisque, comme M. le rapporteur l’a rappelé, la directive européenne relative à la TVA de 2006 exclut les « services fournis par voie électronique » des taux de TVA réduits dont peuvent bénéficier les biens et services culturels.

Il faudra donc maintenant convaincre Bruxelles de la nécessité d’appliquer aux biens et services culturels et à la presse le même taux de TVA – un taux réduit, bien évidemment – quel que soit leur support.

Madame la ministre, croyez-vous en un consensus rapide à l’échelon européen sur ce point ? Comment évaluez-vous le risque de contentieux qui pourrait être engagé contre la France à la suite de cette harmonisation ?

La France a déjà su convaincre l’Europe de l’importance de l’exception culturelle. Toutefois, préserver cette exception et, surtout, garantir une véritable démocratisation culturelle, cela passe aussi par des tarifs accessibles. Un taux de TVA réduit, ou super-réduit, dans le cas de la presse, est un outil indispensable pour garantir cet accès universel à la culture et à l’information.

Sans nous faire les chantres d’un monde entièrement « numérique », il nous semble qu’il faut bien mesurer la chance que celui-ci représente : nouveaux publics, nouvelles utilisations... C’est aussi un enjeu de démocratisation culturelle. L’avenir de la culture, comme celui des autres secteurs, sans dépendre exclusivement du numérique, passera nécessairement par lui. Et taxer davantage un journal en fonction de son support, c’est freiner ce développement, c’est même instaurer une distorsion de concurrence selon les choix d’exploitation des éditeurs qui n’est pas acceptable.

Si je ne souhaite pas une disparition de la presse imprimée – je n’y crois d'ailleurs pas –, je n’imagine pas pour autant un avenir de la presse sans le numérique. Nous devons donc donner aux éditeurs tous les moyens de leur développement dans l’univers numérique.

Une presse libre, diversifiée et surtout pluraliste constitue l’un des fondements de la démocratie et de la citoyenneté.

Soutenir la presse en ligne, c’est favoriser l’innovation et les nouveaux usages et garantir le développement de l’accès à l’information, qui constitue un droit fondamental.

En novembre dernier, madame la ministre, vous affirmiez : « Trop longtemps, le numérique n’a été jugé que comme une menace, il est temps de le voir comme une chance pour la culture ». Je ne peux qu’approuver vos propos et j’espère que ce texte, qui constitue indéniablement une avancée, sera voté très largement.

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