Je reste dubitative.
J'en reviens aux dispositions introduites dans le code pénal, et à leurs incidences criminologiques. Je le dis d'emblée, je ne suis pas criminologue. Il y faudrait une licence de droit, de sociologie, de psychologie, un doctorat de médecine et une spécialité de psychiatrie par dessus le marché. Personne n'a ces qualifications. Il n'y a pas de criminologues, mais seulement des juristes qui s'intéressent à la criminologie.
Je comprends mal le lien entre suppression du délit de racolage et création d'une infraction pour le client. Ce qui fonde le délit de racolage passif, c'est l'ordre public. Les voisins se plaignent du bruit, des déambulations.
Ce qui compte à mon sens, c'est la lutte contre le proxénétisme. J'entends dire que le délit de racolage passif stigmatise les personnes prostituées. Certes mais l'amende est payée par le proxénète. Cela contribue à gâcher le métier en augmentant les frais généraux... Tant mieux !
Incriminer le client ne fera pas disparaître la prostitution. Elle s'exercera ailleurs que dans la rue. Il est vrai que cela coûtera plus cher au proxénète. Mais alors, pourquoi ne pas laisser coexister les deux dispositions ?
Entendre un expert psychiatre en matière criminelle vous serait bien utile. Il vous dira que la prostitution a son utilité pour certains clients, les plus fragiles, les plus timides, qui n'iront pas ailleurs que dans la rue. Sans cet exutoire, ils risquent de passer à l'acte autrement.
J'en viens aux questions de procédure pénale. Une disposition du texte prévoit une protection, indispensable, pour les personnes prostituées qui témoigneraient dans une procédure. Une remarque rédactionnelle, tout d'abord ; ce nouvel article 706-34-1 que l'on se propose d'insérer au code de procédure pénale comporte quatre alinéas, dont deux concernent les personnes prostituées, le premier et le quatrième, et deux les personnes prostituées et leur famille, le deuxième et le troisième. Il serait plus logique de les regrouper deux à deux.
Nous n'aurons jamais, en France, un système de protection des témoins à l'américaine. J'attire l'attention sur le fait que les proxénètes ne sont pas des plaisantins. Si le texte porte ses fruits et que dénonciations il y a, on n'évitera pas les violences. Il faut, là encore, peser les inconvénients, et avoir conscience que l'on met les personnes prostituées en danger.
La nouvelle rédaction proposée pour l'article 2-22 du code de procédure pénale autorise les associations à agir. Fidèle à moi-même, je demeure hostile à l'action des associations, pour la bonne raison qu'il existe un ministère public, qui est là pour poursuivre. Cela étant, les associations doivent ici se joindre au ministère public, qui garde seul la prérogative d'engager l'action. En revanche, je ne vois pas pourquoi les associations reconnues d'utilité publique pourraient le faire, à la différence des autres, sans avoir recueilli l'accord de la victime.
A l'article 306 du même code, il est proposé d'étendre aux jugements relatifs au « proxénétisme aggravé » une disposition existant pour le viol, qui permet à la victime constituée partie civile de choisir le huis clos. Pourquoi ne vise-t-on que le proxénétisme aggravé ? J'ajoute que je suis toujours réticente face aux dispositions qui limitent les prérogatives des présidents de juridiction, lesquels devraient rester, à mon sens, maîtres de leur audience.
Sur les dispositions relatives aux étrangers et aux moyens sociaux, j'aurais bien quelques remarques, mais j'imagine que ce n'est pas pour cela que vous m'avez fait venir.