Intervention de Yves Coquelle

Réunion du 23 juin 2005 à 15h00
Énergie — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Yves CoquelleYves Coquelle :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà à nouveau réunis pour nous prononcer, cette fois-ci, sur les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation sur l'énergie.

Je pense que le débat de cet après-midi n'a pas pour objet de refaire l'ensemble des discussions longues et fastidieuses que nous avons eues ici et à l'Assemblée nationale en première et en deuxième lecture. Mon propos sera donc bref.

Nous avons souligné, tout au long des débats, l'importance des enjeux énergétiques en termes d'indépendance, de développement économique et de cohésion sociale. Or le texte que vous nous proposez est une succession de bonnes intentions, malheureusement dépourvues de véritables moyens pour les mettre en oeuvre.

De plus, les mesures prises dans d'autres domaines - je pense ici à la politique des transports - entrent en totale contradiction avec la politique affichée en matière d'économie d'énergie et de préservation de l'environnement.

Enfin, vous semblez oublier que l'énergie n'est pas une marchandise comme les autres. Or chaque personne devrait pouvoir être titulaire d'un droit à l'énergie. Il en va de la dignité humaine de nos concitoyens les plus démunis. Il convient donc de garder la maîtrise de ce secteur. Cela implique de conserver le modèle de l'entreprise publique dégagée de l'emprise de la finance.

Vous pouviez choisir cette voie, mais vous avez préféré une approche libérale, une approche à court terme totalement inefficace pour répondre aux enjeux en matière énergétique.

Avec l'ouverture du capital de GDF et d'EDF, vous privez la France de formidables outils qui ont permis, depuis cinquante ans, d'assurer un service public de l'énergie à tous nos concitoyens. Vous renoncez également à investir dans la recherche et les équipements nécessaires pour préparer l'avenir.

Rien ne semble pouvoir vous arrêter dans votre démarche du tout libéral. Aujourd'hui, GDF entre en bourse et Bercy annonce déjà l'introduction en bourse d'EDF à l'automne prochain. Finalement, ce projet n'est qu'une adaptation au système de concurrence.

Pourtant, contrairement, à ce que vous essayez de nous faire croire, ce système conduit à de graves dysfonctionnements.

Ainsi, en janvier 2002, Christian Pierret, ministre de l'industrie de l'époque, déclarait au sommet de Barcelone : « L'objectif de la concurrence est une baisse des prix et une amélioration de la qualité des services ».

Or le sort fait à GDF entreprise publique démontre qu'il n'en est rien. A ce sujet, les conclusions du dernier conseil d'administration sur le contrat de service public sont éloquentes, comme en témoignent quelques exemples.

En ce qui concerne les moyens mis en oeuvre pour assurer la sécurité des approvisionnements et de l'acheminement, il n'y a que des voeux pieux : aucun objectif concret en termes d'investissement dans le stockage et dans le réseau !

Pourtant, la période de froid de fin février-début mars a entraîné, pour la première fois dans l'histoire de Gaz de France, l'effacement de l'ensemble des clients « interruptibles » et a failli conduire à des coupures de fourniture sur les clients. Gaz de France était en passe de ne pas assurer l'obligation de continuité de fourniture définie par le décret de mars 2004.

L'origine du problème, encore une fois, était dans la gestion des ventes sur le marché court terme. Pourtant, nous pourrions tirer des leçons des expériences dramatiques de l'étranger. La dérégulation californienne totale de 1996 a mis quatre ans à détruire l'équilibre du marché électrique. En France, l'ouverture n'est que partielle et récente, et pourtant on frôle l'effondrement tant du réseau électrique que du réseau gazier.

En ce qui concerne les tarifs, le contrat prévoit l'alignement progressif sur les prix du marché européen, soit une augmentation d'au moins 20 %. La formule tarifaire n'est plus liée aux coûts d'approvisionnement long terme, à la hausse comme à la baisse, mais aux approvisionnements globaux, spot et long terme.

La disparition de l'indice de satisfaction de la clientèle parle d'elle-même. La réalité pour l'usager, c'est la fermeture des agences de proximité, avec les conséquences que l'on connaît : suppressions d'emplois très importantes, dégradation de la qualité de service, de la proximité et de la sécurité des installations.

Ces éléments montrent que l'ouverture et la mise en bourse du capital de GDF ne se résument pas à l'alibi d'un besoin de financement : ils sont révélateurs d'une volonté politique de gérer l'entreprise selon une autre valeur, la seule notion de profit.

A ce sujet, le document de base fourni à l'Autorité des marchés financiers annonce le doublement des dividendes pour les actionnaires entre 2005 et 2008, soit un montant proche de 900 millions d'euros, c'est-à-dire l'équivalent de la masse salariale de GDF société anonyme. Il s'agit pour vous de transférer le bénéfice de la rente du gaz de dix millions d'usagers vers une poignée d'actionnaires.

Que l'on cesse d'essayer de nous faire croire que l'augmentation du prix du gaz serait seulement due à l'indexation de celui-ci sur le prix du pétrole ! Comment pouvez-vous dire cela, alors que la progression des dividendes suit fidèlement l'augmentation du coût annuel du chauffage individuel ?

La réalité est la suivante : depuis la déréglementation et l'affirmation de la volonté d'ouvrir le capital de GDF, les tarifs domestiques ont augmenté de 46 %. Après la hausse de 14, 6 % des tarifs du gaz accordée jeudi dernier à GDF par le Gouvernement, après avis favorable de la Commission de régulation de l'énergie, M. Cirelli a annoncé un peu rapidement un relèvement de 4 % au mois de juillet prochain, sans préciser que la hausse totale était en réalité fractionnée en de multiples petites hausses.

Par ailleurs, on observe un décrochage, à partir de 2001, entre l'évolution des tarifs et les coûts d'importation du gaz.

En résumé, l'ouverture du capital est une aberration économique et une opération politique au service d'un projet libéral conduit au détriment des usagers. C'est pourquoi les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen exigent l'arrêt du processus de privatisation et la reconstruction du service public de l'énergie sur la base de l'intérêt général de la société.

Quand le Gouvernement entendra-t-il enfin le message, pourtant très clair, du 29 mai dernier, par lequel le peuple français a exprimé son refus de la soumission de l'ensemble des services publics à la loi du marché ? Au contraire, ce projet de loi d'orientation sur l'énergie s'inscrit dans la continuité d'une logique ultralibérale.

Monsieur le ministre, si nous approuvons les objectifs affichés de diversification des sources d'énergie, d'indépendance énergétique, de réduction des effets de serre, nous constatons que les mesures présentées ne permettront pas de les atteindre, tant s'en faut.

Parce qu'ils refusent de livrer ce secteur à la dévastatrice emprise libérale, parce que vous avez délibérément fait le choix de casser de formidables outils, au service de notre peuple depuis cinquante ans, les sénateurs du groupe CRC s'opposent fermement à votre projet de loi d'orientation sur l'énergie.

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