Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 20 février 2014 à 10h30
Accès au logement et urbanisme rénové — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Cécile Duflot :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous pouvez l’imaginer, c’est avec une grande fierté et une certaine émotion que je me trouve aujourd’hui devant vous pour l’examen du texte final du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

Voilà près de neuf mois, en juin 2013, ce projet de loi était présenté en conseil des ministres avec une belle ambition : celle de répondre à l’attente de nos concitoyens qui rencontrent de plus en plus de difficultés dans l’accès au logement.

Le travail législatif a été long et passionnant. Il s’est déroulé avec le souci permanent de ne pas renier cette ambition et de chercher au contraire à y répondre pleinement. Nous l’avons mené collectivement, et nous pouvons, me semble-t-il, en être fiers.

Alors que les difficultés économiques touchent une partie importante de la population, la question du logement est de celles qui importent le plus. Avoir un toit est un besoin de première nécessité ; c’est une condition de notre épanouissement, et c’est un droit. Au même titre que l’emploi, qui lui est lié, le logement est trop souvent, aujourd’hui, une source de souffrance, alors qu’il devrait offrir sécurité et réconfort.

À travers la question du logement, c’est évidemment la question sociale qui est posée. Nous y apportons par ce texte une réponse forte ; j’en suis convaincue.

Les lectures successives, ici et à l’Assemblée nationale, ont confirmé notre volonté de ne plus nous satisfaire du statu quo. Elles ont amélioré, parfois ajusté, souvent enrichi les mesures proposées. Je me félicite de la qualité de ce travail parlementaire. Il ne m’aurait pas semblé satisfaisant que le texte soumis aujourd'hui à votre examen soit le même que celui dont vous étiez saisis en première lecture. C’est ce qui fait toute la force du travail parlementaire et du bicamérisme.

Ces lectures ont aussi permis de faire émerger un texte sur lequel puissent s’accorder les deux chambres, comme en témoignent les conclusions de la commission mixte paritaire.

Je souhaite nous en féliciter, car je suis convaincue que les réformes profondes initiées par ce texte n’auraient pas la même portée si elles ne recevaient pas l’approbation de la Haute Assemblée.

Nous pouvons donc être fiers du travail accompli ensemble, avec la conviction d’avoir bâti un texte porteur de véritables avancées sociales, avec la conviction surtout que les mesures actées aujourd’hui contribueront à changer la vie quotidienne de millions de Françaises et de Français, avec la conviction enfin que les chantiers que nous ouvrons changeront durablement le cadre du logement en France.

Ce texte ne résume évidemment pas à lui seul la politique menée par ce gouvernement en matière de logement.

Nous n’avons pas attendu ces neuf mois de débats pour agir. Dès son arrivée, le Gouvernement a pris les mesures fortes que la situation imposait : décret d’urgence pour enrayer la hausse des loyers, mobilisation du foncier public, renforcement des obligations de production de logements sociaux, plan d’investissement en faveur du logement lancé par le Président de la République le 21 mars 2013, loi d’habilitation du 1er juillet 2013 pour permettre au Gouvernement d’agir par ordonnances. Toutes les ordonnances, y compris celle que j’ai présentée à la commission des affaires économiques du Sénat voilà deux jours, seront publiées cette semaine.

Nous n’avons pas ménagé notre effort. Mais, au-delà de l’urgence, il fallait aussi lancer un vaste chantier législatif pour répondre aux questions structurelles : celle des rapports locatifs, celle de la prévention des expulsions, celle de la régulation des professions immobilières, celle de la prévention et du traitement des copropriétés dégradées et de l’habitat indigne, celle de la modernisation du logement social, celle de l’urbanisme.

Il fallait en passer par la loi pour s’attaquer à des sujets que l’on n’osait pas prendre à bras-le-corps depuis de nombreuses années, de peur d’ouvrir des chantiers qu’on ne saurait refermer. Le défi, je veux bien le reconnaître, était audacieux, sans doute même téméraire, mais nous ne pouvions pas le refuser. Nous ne pouvions pas céder une nouvelle fois à la tentation d’un immobilisme mortifère.

Notre responsabilité était donc d’agir. Ce ne fut pas sans peine, ni sans doutes, parfois. Mais, alors que nous approchons du terme de la procédure parlementaire, nous pouvons avoir la satisfaction de ne pas avoir renié notre ambition initiale, de ne pas avoir faibli face aux obstacles.

Le texte présenté aujourd’hui n’a rien perdu de son ambition du premier jour. Au contraire, il est plus riche. Il est plus précis. Il est tout simplement meilleur.

Les mesures qu’il comporte sont justes et sont nécessaires. Bien qu’elles ne soient pas encore toutes connues du grand public, je crois qu’elles sont toutes attendues, et ce depuis trop longtemps. Elles redonneront du pouvoir d’achat, elles apporteront plus de justice et de protection.

Certaines d’entre elles ont fait l’objet de longs débats, à la hauteur des changements qu’elles proposent.

Il s’agit ainsi de l’encadrement des loyers. Alors que le pouvoir d’achat des locataires a été progressivement étranglé par la hausse continue des loyers de ces dernières années, nous ne pouvions plus nous contenter de laisser le marché suivre son cours. Non, le libre jeu de l’offre et de la demande, quand il produit de l’exclusion, quand il conduit à priver des familles de logements abordables, quand il amène la ségrégation, ne doit plus être un dogme indépassable !

La puissance publique ne doit pas être l’impuissant témoin des effets dévastateurs d’une économie de la pénurie. La régulation est non seulement possible, mais elle est indispensable. Le dispositif d’encadrement des loyers que vous avez validé le démontre. Il est possible d’interdire les excès et d’affirmer qu’on ne peut pas louer n’importe quoi à n’importe quel prix et qu’on ne peut pas profiter impunément de la captivité d’une clientèle n’ayant pas d’autre choix.

Alors oui, nous allons encadrer les loyers sans sombrer dans les travers d’une économie administrée. C’est ce qui vous est proposé aujourd’hui.

Il s’agit également de la garantie universelle des loyers.

Si baisser les loyers répondra à une partie importante des difficultés, ouvrir l’accès au logement à ceux qui n’ont pas toutes les garanties exigées reste indispensable. C’est le sens de la garantie universelle des loyers.

Cette idée de sécuriser les locataires en mutualisant leurs risques est à la fois évidente et révolutionnaire. Elle s’inscrit dans la continuité des précédents dispositifs, du Loca-pass à la garantie des risques locatifs, ou GRL, qui cherchaient à lutter contre les freins dans l’accès au logement. Mais elle en est également l’aboutissement, en apportant enfin le caractère indispensable de l’universalité, qui, seule, peut garantir l’absence de discrimination et en maximiser la mutualisation.

Je le répète ici, et je pense que les années à venir le démontreront, il s’agit d’une avancée sociale majeure à la fois pour les locataires et pour les propriétaires : pour les locataires, cette mesure assurera la garantie en lieu et place d’une hypothétique caution personnelle ; quant aux propriétaires, ils verront leurs revenus sécurisés et ils seront accompagnés en cas d’impayés.

Il s’agit en outre des mesures de protection des personnes les plus fragiles. Je pense notamment à l’allongement de la trêve hivernale et à son extension, sous le contrôle du juge, à ceux qui, sans droit ni titre, n’ont d’autre choix que la rue ou le squat.

Il s’agit également de l’habitat participatif. C’est une véritable troisième voie, entre la copropriété et la location, qui est ouverte par l’article 22 du projet de loi.

En dotant d’un véritable statut les sociétés d’habitat participatif, il permettra de libérer le potentiel immense des multiples projets qui rassemblent partout en France des personnes rêvant d’habiter différemment, de vivre mieux ensemble.

L’habitat participatif est le symbole de l’intelligence collective que nous devons retrouver, qu’il est possible de vivre non avec moins, mais avec plus de liens.

Il s’agit par ailleurs de la prévention des copropriétés dégradées et de la lutte contre l’habitat indigne.

Oui, monsieur le rapporteur Claude Dilain, ces mesures étaient très attendues, comme en témoigne l’accueil consensuel qui leur a été réservé. Je regrette seulement qu’elles n’aient pas été mises en œuvre plus tôt ! Elles permettront enfin de donner à ceux qui se sentent trop souvent impuissants face au fléau du mal-logement des outils à la mesure du défi auxquels ils font face.

Je tiens à remercier ceux qui ont pavé le chemin ayant permis de vous présenter aujourd’hui ce titre II. Je pense en particulier à Dominique Braye, dont le rapport a constitué le socle de nos propositions, mais surtout à Claude Dilain, qui a défendu ce texte avec la conviction de celui ayant affronté au quotidien le drame des copropriétés dégradées et de l’habitat indigne. Les avancées sur ce point sont nombreuses, mais elles n’ont sans doute pas été suffisamment perçues.

Je pense à l’immatriculation des copropriétés, qui permettra de mieux connaître le parc de logements et d’identifier les ensembles fragiles pour agir en amont, lorsqu’il est encore temps, avant qu’ils ne basculent.

Je pense au fonds travaux, qui dotera progressivement les copropriétés des moyens financiers nécessaires pour faire face à l’imprévu, qui provoque bien souvent le début de la spirale de dégradation.

Je pense aux nouveaux moyens de coercition à l’encontre des marchands de sommeil, qui font de la misère leur fonds de commerce et qui, à quelques-uns, gangrènent parfois des immeubles entiers, voire des quartiers. Nous pourrons désormais agir avec la force requise, en leur appliquant une astreinte de 1 000 euros par jour tant qu’ils n’auront pas réalisé les travaux nécessaires et en permettant désormais au juge de leur interdire d’acheter des logements pour les louer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion