Pourtant, si les délais ont été satisfaisants lors de l’examen en première lecture, les conditions de la deuxième lecture comme de la réunion de la commission mixte paritaire nous laissent un goût amer.
En effet, les délais d’examen ont été extrêmement rapprochés, a fortiori pour un texte de cette ampleur, ce qui ne nous a pas permis de travailler dans de bonnes conditions. Pis, pour la réunion de la commission mixte paritaire, nous avons appris seulement une heure avant sa tenue que, concernant les titres III et IV, nous partirions du texte de l’Assemblée nationale.
Une telle démarche a eu une conséquence fâcheuse, celle de faire « sauter » les amendements que nous avions fait adopter ici même en deuxième lecture concernant le rétablissement du coefficient d’occupation des sols ou supprimant le rattachement obligatoire des offices publics de l’habitat à l’échelle intercommunale.
Nous déplorons donc cette façon de faire. Je veux bien admettre qu’il n’existe aucune règle écrite en la matière mais, par ces procédés, il n’a été fait preuve d’aucun respect, même le plus élémentaire, à l’égard du travail parlementaire, qui a ainsi été bafoué.
Sur le fond, ce projet de loi a évolué de manière positive.
Sera-t-il, pour autant, suffisant ? Nous ne le croyons pas. Nous souhaitions notamment une remise en cause plus importante de la loi Boutin, qui a été le point d’orgue de la politique de marchandisation entamant la mise à mort du logement social dans sa dimension généraliste.
En encadrant les loyers, ce projet de loi envoie un signe fort qui témoigne d’une volonté de régulation de l’État inédite depuis de très nombreuses années. C’est positif.
Cependant, nous regrettons que vous ayez fait le choix, confirmé par la majorité parlementaire, de partir de l’état actuel du marché immobilier en définissant le loyer de référence au niveau médian et non au niveau du prêt locatif social, comme nous l’avions proposé. Un tel dispositif ne permettra donc pas de faire baisser les prix des loyers, sauf de ceux qui sont déjà aujourd’hui les plus élevés.
Il aurait pourtant fallu viser deux objectifs complémentaires : l’encadrement et la baisse des loyers.
S’agissant de la garantie universelle des loyers, nous nous félicitons de ce premier pas vers ce que nous appelons la « sécurité sociale du logement ».
Il aura fallu ces deux lectures pour aboutir à un dispositif opérant. Coquille vide en première lecture, nous avons aujourd'hui un cadre intéressant.
Pour notre part, nous estimons avoir contribué significativement à rééquilibrer ce dispositif, initialement favorable aux seuls bailleurs, en donnant capacité à la GUL d’effacer les dettes de loyers pour des locataires plongés brusquement dans des situations très difficiles. Nous n’avons jamais parlé ici des locataires de mauvaise foi, et nous vous remercions particulièrement, monsieur Dilain, d’avoir soutenu cette avancée auprès de nos collègues députés.
Sur le fond, demeure le caractère non obligatoire de la GUL et sa limitation au parc privé locatif. Nous prenons donc ce dispositif comme un premier pas nous encourageant à poursuivre cette démarche afin de construire réellement une sécurité sociale du logement, à laquelle nos concitoyens ont droit.
Si ce projet de loi marque un tournant par rapport aux politiques précédentes, nous le jugeons néanmoins insuffisamment ambitieux. De l’État régulateur, nous souhaitons aller vers l’affirmation d’un État acteur, c'est-à-dire qui s’engage directement dans la construction, par le rehaussement des aides à la pierre, levier prioritaire pour répondre à la crise du logement.
Sur la partie urbanisme, tout d’abord, nous refusons toujours que la présence de l’État auprès des communes diminue.
La révision générale des politiques publiques, ou RGPP, devenue la modernisation de l’action publique, ou MAP, aura des conséquences terribles sur l’égalité des territoires, tout comme la baisse des dotations aux collectivités. D’ailleurs, il est incompréhensible d’affirmer vouloir lutter contre l’artificialisation des sols et, en même temps, priver les territoires de l’assistance technique de l’État pour l’instruction des permis de construire.
Nous avons par ailleurs souffert de l’examen concomitant d’ALUR avec la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
En effet, les transferts de compétence prévus par la loi ALUR ne peuvent se comprendre en dehors de la volonté de concentration des pouvoirs au niveau intercommunal ou métropolitain qui transparaît dans tous les textes de loi.
Il y a donc une cohérence gouvernementale entre tous ces projets de loi, dont nous ne partageons pas les tenants.
Cette cohérence gouvernementale s’est illustrée sur la question du PLUI, qui prévoyait au départ le transfert automatique de la compétence PLU aux intercommunalités.
Nous soutenons, vous le savez, le compromis porté par le Sénat permettant de rendre leur voix aux communes et nous remercions la constance du rapporteur Claude Bérit-Débat au cours des débats souvent tendus qui ont eu lieu sur ce sujet.
Ainsi, la minorité de blocage instituée permet le respect des libertés communales en obligeant à une majorité de projet, ce qui nous semble plus conforme à la vision que nous portons de la construction intercommunale, reposant non seulement sur le libre consentement mais également sur les principes de coopération plutôt que de soumission.
Nous soutenons ce compromis pour affirmer le nécessaire respect des élus locaux, auxquels il faudra, un jour, cesser de faire porter le chapeau de tous les maux dont souffre l’aménagement du territoire.
Ces élus sont, bien au contraire, les chevilles ouvrières de la cohésion nationale et sociale dans notre pays. Ils sont, de par leur proximité avec les habitants, le cœur vivant de notre République.
Ce projet de loi traduit un changement de ton et apporte des avancées. C'est la raison pour laquelle notre groupe votera les conclusions de la CMP.
Je terminerai mon propos en remerciant de nouveau les deux rapporteurs de leur écoute. Nos propositions ont été comprises et, pour certaines d’entre elles, entendues. Je salue également Mme la ministre, qui a su écouter, comprendre et soutenir la voix du Sénat. §