Intervention de Michel Savin

Réunion du 21 février 2014 à 11h00
Économie réelle — Rejet en nouvelle lecture d'une proposition de loi

Photo de Michel SavinMichel Savin :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous retrouver tous ce matin, après vous avoir quittés à une heure et demie, après l’adoption du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

Depuis le début de ce quinquennat, le cap du Gouvernement est évidemment l’emploi. Nous venons de débattre d’un texte sur la formation professionnelle qui y concourt, en améliorant une forme de compétitivité – la plus importante peut-être pour notre économie ! –, à savoir la qualité de la compétence, et la sécurisation des parcours professionnels des salariés.

La proposition de loi que vous examinez de nouveau aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, y contribue également.

Je ne reviendrai pas sur la perte d’emplois industriels enregistrée lors de la première décennie de ce siècle ; Pierre Moscovici l’avait évoquée ici même lors de l’examen du texte en première lecture. Nous devons tout faire pour maintenir les activités et l’emploi industriels dans notre pays, et c’est ce qui a conduit la majorité parlementaire à déposer une proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle. Je veux saluer la qualité du travail parlementaire, notamment celui de Mme la rapporteur Anne Emery-Dumas, ainsi que celui de la commission des lois et de la commission des finances qui ont apporté leur contribution à ce texte, dont je regrette qu’il n’ait pu être adopté par le Sénat en première lecture.

Permettez-moi de dire quelques mots sur les deux grands axes qui structurent cette proposition de loi : l’obligation de recherche d’un repreneur, d’une part, et les mesures en faveur de l’actionnariat de long terme, d’autre part.

L’obligation de rechercher un repreneur en cas de fermeture de site prendra force de loi à l’issue d’un processus d’élaboration collective que je considère comme exemplaire. Engagement du Président de la République encore candidat, cette proposition figure dans le document d’orientation que j’avais adressé moi-même aux partenaires sociaux dès le mois de septembre 2012, partenaires à qui je demandais d’« apporter une réponse aux situations dans lesquelles une entreprise qui envisage de fermer un site refuserait de considérer favorablement l’offre valable d’un repreneur assurant la pérennité de tout ou partie des emplois ».

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs – vous êtes tous des spécialistes en la matière ! –, les partenaires sociaux se sont saisis de cette question, et une disposition figure dans l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013.

C’est donc la totalité des organisations d’employeurs et la majorité des organisations syndicales – il est bon de le rappeler, y compris ici ! – qui ont choisi d’instaurer une obligation de recherche de repreneur.

Lors de la transposition de cette disposition dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi, j’avais annoncé que celle-ci serait complétée par la proposition de loi que les députés socialistes avaient déjà déposée. Cette proposition de loi s’inscrit donc dans le prolongement logique de la sécurisation de l’emploi, et ce en bonne articulation avec cette dernière.

L’objet de cette proposition de loi est donc non pas la coercition, contrairement à ce que j’entends parfois, ni une quelconque échappée punitive contre l’entreprise, mais la généralisation des bonnes pratiques, en cherchant des alternatives aux licenciements. Pour ce faire, la loi décrit les moyens à employer de manière claire et transparente, en y associant les représentants des salariés. Cette loi est non pas une loi de contrôle, mais une loi de vertu.

En conséquence, le Gouvernement soutient la démarche, l’esprit et la lettre de ce texte, qui recherche un compromis responsable, lequel traduit la priorité collective au droit à l’emploi.

Je souhaite à présent évoquer le second pilier de cette proposition de loi, celui qui concerne l’actionnariat de long terme et les OPA, les offres publiques d’achat.

Nous avons un objectif partagé : la puissance publique doit favoriser l’actionnariat et les investissements de long terme, seuls facteurs vraiment créateurs de valeur pour nos industries et nos territoires. S’inscrire dans le temps long, c’est se réconcilier avec l’avenir ; l’actionnariat durable, c’est aussi l’emploi durable.

Nous avons progressé sur de nombreux aspects lors des débats parlementaires ; je rappellerai les principaux acquis du texte. La généralisation des droits de vote double et les mesures concernant le rythme de progression dans le capital d’une entreprise vont permettre de lutter contre les prises de contrôle « rampantes » par certains investisseurs.

L’instauration d’un « seuil de caducité » des offres, qui est une forme de soupape de sécurité en prévention des opérations hostiles, contribuera également à protéger nos entreprises et à encourager l’investissement de long terme, dans le respect du droit communautaire. En ne se voyant plus imposer la « neutralité » systématique en période d’offre, les conseils d’administration pourront mettre en place des stratégies de défense en cas d’OPA hostile.

Enfin, les salariés, qui sont au cœur même de la création de valeur dans l’entreprise, seront désormais consultés en cas d’OPA et pourront s’exprimer.

Je profite de cette intervention pour apporter trois précisions s’agissant de l’interprétation de quelques dispositions du texte, modifiées par l’Assemblée nationale, dont le Gouvernement souhaite qu’elles puissent figurer au compte rendu de nos débats afin d’éclairer éventuellement les discussions relatives à l’application de celles-ci. Je serai précis, et vous prie par avance d’excuser le caractère terne de mes propos.

À l’article 5, alinéa 13, les députés ont souhaité accorder une autorisation temporaire à un actionnaire d’une société de repasser la barre des 30 % des droits de vote après avoir successivement réduit sa participation en capital, puis bénéficié de la nouvelle règle sur les droits de vote double, sans avoir à lancer une offre publique obligatoire.

Je souhaite, au nom du Gouvernement, préciser que cette disposition doit se comprendre comme permettant également de déroger, dans ce cas de figure et dans les mêmes conditions, à la règle prévue à l’article L. 433-3 du code monétaire et financier telle qu’elle résulte du présent texte.

À l’article 6, alinéa 14, les députés ont précisé la capacité du juge de prolonger le délai accordé au comité d’entreprise pour donner un avis sur l’offre, afin d’éviter des manœuvres dilatoires de la part de la société objet de l’offre.

Là encore, afin de clarifier la compréhension du texte, le Gouvernement indique que le juge aura évidemment la capacité de prolonger le délai accordé au comité d’entreprise pour rendre son avis si le management de la société objet de l’offre ne transmet pas certaines informations dans un autre but que de faire obstacle à cette offre.

À l’article 7, enfin, les députés ont adopté une disposition qui avait été votée ici même, au Sénat, pour fixer un rapport de 1 à 5 entre le nombre d’actions gratuites distribuées à chaque salarié dans le cas, nouvellement créé dans le présent texte, d’une distribution d’actions gratuites à tous les salariés sous un plafond de 30 % du capital de la société.

Le Gouvernement souhaite préciser que, comme c’était bien l’intention des députés, cette nouvelle règle encadrant la distribution d’actions gratuites ne s’appliquera pas de manière cumulative sur plusieurs résolutions successives d’autorisation d’attribution d’actions gratuites. Elle ne vaudra donc que dans le cas où une assemblée générale extraordinaire a autorisé, pour un délai déterminé ne pouvant dépasser trente-huit mois, une attribution d’actions gratuites à l’ensemble des salariés. Dès lors, elle ne trouvera pas à s’appliquer si l’employeur décidait, comme c’est déjà possible aujourd’hui, d’une attribution d’actions gratuites à certains salariés dans la limite du plafond de 10 % du capital – 15 % pour les sociétés non cotées.

Telles sont les précisions que je souhaitais apporter.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi constitue l’un des leviers en faveur de notre ambition commune de favoriser et de protéger l’actionnariat de long terme et l’industrie dans notre pays, mais elle ne saurait résumer une politique à elle seule.

En renforçant nos entreprises, nous consolidons notre tissu productif et préparons les emplois de demain. En agissant sur le financement de l’économie, nous donnons à nos entreprises les moyens de se développer. Au-delà de ce texte, tel est précisément l’objet global du pacte de responsabilité, dont le Gouvernement a pris l’initiative, en vue de créer un véritable compromis social qui permette de rapprocher toutes les parties prenantes. Le pacte de responsabilité est le rassemblement de tous ; il doit être le combat commun pour l’emploi.

Cette proposition de loi est offensive et pragmatique ; elle s’inscrit dans la stratégie que nous développons en matière de lutte pour l’emploi, pour le renforcement de la démocratie dans l’entreprise, comme pour la protection de nos intérêts stratégiques français. §

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