Intervention de Anne Émery-Dumas

Réunion du 21 février 2014 à 11h00
Économie réelle — Rejet en nouvelle lecture d'une proposition de loi

Photo de Anne Émery-DumasAnne Émery-Dumas, rapporteur :

Aussi, mes chers collègues, je vous invite à vous reporter au rapport que nous avons mis en ligne mercredi soir.

En revanche, je souhaite attirer votre attention sur les principales modifications que le Sénat avait adoptées, mais qui n’ont pas été reprises par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

À l’article 1er, les députés n’ont pas réintroduit le seuil de cinquante salariés que nous avions prévu pour les établissements menacés de fermeture. Ils n’ont pas repris non plus notre référence au plan de sauvegarde de l’emploi, pas plus qu’ils n’ont exclu du dispositif de recherche de repreneur les entreprises soumises à une procédure de conciliation ou de sauvegarde.

Surtout, ils ont maintenu la définition restrictive du motif de refus légitime par l’employeur d’une offre sérieuse de reprise, en le limitant à un seul cas, à savoir la mise en péril de l’activité de l’entreprise. Considérant que cette disposition pouvait comporter de sérieux risques d’insécurité juridique, nous avions souhaité que la mise en péril d’une partie seulement de l’activité de l’entreprise ou une offre présentée à un prix manifestement sous-évalué constituent également un motif légitime de refus.

La commission des affaires sociales avait également souhaité mieux définir la notion d’« offre sérieuse », en reprenant le critère du paiement du prix de cession et des créanciers qu’avait proposé notre collègue Hervé Marseille, et encourager indirectement les offres de reprise présentées par des salariés, en inscrivant dans le texte la notion d’« ancrage territorial », suggérée par notre collègue Marc Daunis. Les députés ne nous ont pas suivis sur ces deux points.

Ils n’ont pas non plus conservé les dispositions que la commission des lois du Sénat avait introduites pour sécuriser la procédure suivie devant le tribunal de commerce. En particulier, ils n’ont pas maintenu la distinction entre la procédure de vérification et celle de sanction, ni la possibilité pour le tribunal de recourir à l’assistance d’un juge commissaire et à un administrateur judiciaire, ni encore la faculté pour le ministère public de saisir le tribunal pour sanctionner l’entreprise.

Par ailleurs, les députés ont maintenu leur position en ce qui concerne le délai imposé au tribunal de commerce pour statuer, fixé à quatorze jours, ainsi que l’obligation faite à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, de suspendre sa décision d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi tant que le tribunal n’a pas rendu son jugement.

Je vous rappelle que nous avions supprimé cette dernière obligation, considérant que la décision d’homologation et le jugement du tribunal de commerce étaient, en droit, deux procédures distinctes. Quant au délai accordé au tribunal pour statuer, nous l’avions fixé à un mois, afin que les juges puissent remplir sereinement leur office.

L’Assemblée nationale n’a pas conservé les dispositions, issues d’un amendement de notre collègue Marc Daunis que nous avions adopté en séance publique, tendant à ajouter la notion d’« ancrage territorial » parmi les critères que le tribunal de commerce doit considérer lorsqu’il examine des offres de reprise d’une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire.

À l’article 5, les députés n’ont pas maintenu la clause de rendez-vous destinée à garantir que l’assemblée générale examinera au moins tous les deux ans la question des droits de vote double, si elle a refusé de les mettre en place de prime abord.

À l’article 6, certains aménagements importants que la commission des affaires sociales avait apportés à la procédure suivie devant le tribunal de grande instance n’ont pas été conservés ; c’est le cas, notamment, de la suspension automatique du délai d’un mois fixé au comité d’entreprise pour rendre son avis en cas de saisine du tribunal.

Enfin, les députés n’ont pas modifié le contenu du rapport demandé au Gouvernement sur l’utilisation, depuis dix ans, des actions spécifiques, ou golden shares, de l’État, et sur ses droits de vote multiple, alors que nous souhaitions le restreindre aux actions et dispositifs décidés en assemblée générale afin de ne pas porter préjudice aux pactes d’actionnaires auxquels l’État est lié.

Telles sont, mes chers collègues, les dispositions votées par le Sénat que l’Assemblée nationale n’a pas retenues.

Reste qu’un grand nombre d’amendements adoptés par le Sénat ont été repris par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, raison pour laquelle je n’ai déposé, au nom de la commission, que trois amendements, qui tous portent sur l’article 1er.

Les deux premiers visent à renforcer la sécurité juridique de la proposition de loi, en élargissant les motifs légitimes de refus d’une offre, en accordant un délai d’un mois au tribunal de commerce pour rendre son jugement et en supprimant l’obligation faite à la DIRECCTE de suspendre sa décision d’homologation tant que le tribunal de commerce n’a pas statué.

Le troisième amendement tend à préciser la définition d’une offre sérieuse de reprise, en y incluant la capacité de son auteur à garantir l’ancrage territorial de l’activité, ainsi que le paiement du prix de cession et des créanciers.

Lors de sa réunion, mercredi dernier matin, la commission a adopté ces trois amendements, mais n’a pas adopté le texte de la proposition de la loi. Je forme néanmoins le vœu que l’Assemblée nationale, qui aura le dernier mot, prenne en compte nos travaux de nouvelle lecture !

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