Intervention de Anne Émery-Dumas

Réunion du 21 février 2014 à 11h00
Économie réelle — Rejet en nouvelle lecture d'une proposition de loi

Photo de Anne Émery-DumasAnne Émery-Dumas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien qu’étant une fervente adepte du non-cumul des mandats et des fonctions, je suppléerai néanmoins notre collègue Georges Labazée, celui-ci, compte tenu d’un empêchement, ne pouvant intervenir ce matin.

La proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle présente deux caractéristiques importantes : elle affirme le primat de l’économie réelle sur la finance et elle préserve la liberté d’entreprendre.

Nous connaissons tous les dégâts économiques, environnementaux, humains que la spéculation financière a faits dans notre pays et au-delà.

À l’inverse, notre ambition est de valoriser les stratégies de long terme, la recherche, l’innovation et le développement des filières industrielles. Dans cette logique, le texte vise à empêcher désormais que l’on abandonne un site rentable pour une délocalisation. L’entreprise aura des obligations à l’égard des salariés et du territoire par la recherche d’un repreneur de bonne foi. Nous souhaitons d’ailleurs que ce repreneur, outre qu’il apporte des garanties en termes économiques et sociaux, soit aussi choisi en fonction de son ancrage local et soit donc pleinement intéressé au développement du bassin d’emploi.

Faut-il le rappeler, l’objectif n’est pas de réussir des plans sociaux, il est de préserver l’économie des territoires et l’emploi.

Les personnes publiques pourront obtenir le remboursement des aides attribuées dans les deux années précédant la fermeture du site.

Monsieur Watrin, j’avoue que je ne sais pas comment l’on fait pour rendre obligatoire le remboursement des aides publiques. En tout cas, les personnes publiques pourront obtenir le remboursement des aides qu’elles auront attribuées, et la plupart auront à cœur de le faire. C’est un message clair à tous les prédateurs : l’argent des citoyens doit être utilisé pour le développement des entreprises, de l’emploi et des territoires.

Une sanction financière, qui pourra être élevée – vingt SMIC par emploi supprimé –, sera appliquée à l’encontre de l’entreprise qui refuserait une offre de reprise sérieuse afin d’éliminer un concurrent. Il appartiendra au tribunal de commerce d’apprécier le comportement de l’entreprise à cet égard.

Les pénalités seront attribuées à la Banque publique d’investissement, ce qui est aussi un signal clair. L’objectif est d’utiliser les sommes récupérées pour financer de nouveaux projets d’investissement sur les territoires.

Je tiens aussi à rappeler que les bornes posées et les sanctions possibles sont des obligations de moyens et non de résultat. C’est la mauvaise foi qui sera sanctionnée en cas d’échec de la procédure de reprise, non pas l’échec lui-même s’il n’a pu honnêtement être évité.

Le deuxième volet de la proposition de loi, ajouté sur l’initiative de l’Assemblée nationale en première lecture, concerne la gouvernance des entreprises.

Il manifeste la volonté de protéger les entreprises et les salariés d’opérations purement spéculatives par la stabilisation de l’actionnariat et la valorisation de l’engagement par le mécanisme des droits de vote doubles.

La proposition conforte ainsi les actionnaires de long terme et donne aux entreprises des moyens de résister aux OPA hostiles et aux prises de participation rampantes. L’instauration d’un seuil de caducité des offres en prévention d’OPA hostiles devrait protéger les entreprises et encourager l’investissement de long terme. Les conseils d’administration pourront aussi mettre en place des stratégies de défense contre les prises de participation rampantes et les OPA hostiles. Enfin, les salariés seront désormais consultés en cas d’OPA et pourront s’exprimer grâce à une procédure spécifique à travers le comité d’entreprise.

Contrairement à ce que l’on a pu entendre, ce texte ne complique pas la vie des entrepreneurs, des vrais entrepreneurs. Il ne porte pas atteinte à l’attractivité de la France pour les investisseurs étrangers qui sont intéressés par une installation dans notre pays. D’ailleurs, le nombre des investissements d’étrangers en France ne faiblit pas parce que nos fondamentaux demeurent solides : infrastructures, productivité de nos travailleurs et main-d’œuvre formée. Celle-ci le sera encore davantage lorsque le texte que nous avons voté cette nuit entrera en vigueur.

De fait, nous nous sommes employés ces trois derniers jours à améliorer encore ce dernier facteur. C’est par cet ensemble de mesures que nous développons nos capacités sur le long terme.

Les investisseurs sérieux ne peuvent qu’être confortés par notre volonté de stabilité. Cette loi les protégera. Elle protégera les travailleurs contre les prédateurs et ceux qui s’exonèrent sans aucun scrupule de leur responsabilité sociale.

Le coût du travail n’est pas le facteur essentiel de la compétitivité dans un pays comme le nôtre. Le vrai défi, c’est celui de la création, de l’innovation, de la recherche, de la qualité. Cela passe par un environnement économique stable, une situation sociale apaisée. Cette proposition de loi veut y contribuer.

Ce texte d’une grande technicité a été amélioré à chaque étape du travail parlementaire. Nous arrivons au terme de la procédure pour ce qui concerne le Sénat.

Je voudrais dire au nom de mon groupe que nous pensons ce matin à tous les salariés, non seulement ceux d’ArcelorMittal – ce texte est surnommé « proposition de loi Florange » –, mais aussi ceux de Molex, de Continental, de Goodyear, de Fralib et bien d’autres.

Nous pensons à tous les sous-traitants, à tous les commerçants, aux artisans des bassins d’emploi, à tous les élus locaux aussi qui se battent pour sauver les équipements sur leur territoire. Nous leur devons d’agir en tant que parlementaires en votant ce texte. Nous contribuerons ainsi à stopper l’hémorragie de notre industrie, nous relancerons notre économie en lui fournissant les armes légales pour se relancer sur des bases saines.

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