La diffusion des données publiques est au coeur de notre activité, c'est notre métier. Nous ne sommes pas une administration qui produit de la donnée pour son usage pour l'ouvrir ensuite éventuellement à d'autres. Les données que nous traitons sont dès l'origine destinées à être mises à la disposition du public. Le vers de Victor Hugo s'impose, même si l'on est loin de l'amour maternel : « Chacun en a sa part et tous l'ont tout entier ». La consommation de l'information par l'un ne prive pas les autres. « Nul n'est censé ignorer la loi », énonce le code civil. Cette mission qui consiste à porter la loi à la connaissance de tous, a vu évoluer ses moyens au cours de l'histoire : crieurs publics, tambours, affichage, pigeons voyageurs à une certaine époque, internet ou radio, tout a été essayé. Jusqu'à un temps récent, cet accès à la loi n'était pas gratuit et le Journal officiel était payant. Nul n'était censé avoir gratuitement accès à la loi. Actuellement, la consultation du site Légifrance est gratuite, c'est une nouveauté.
Un décret de 2010 a redéfini les missions de la Dila et fusionné la Documentation française et le Journal officiel. Une première mission est la diffusion légale - loi, norme ou règlement - que nous assurons par le biais du Journal officiel et de Légifrance. Deuxième mission : nous diffusons l'information administrative, grâce au site service public.fr, plébiscité, puisqu'il a enregistré 207 millions de visiteurs l'an dernier, et par le biais du 3939, service téléphonique de renseignement administratif. Dans le cadre de notre mission de transparence économique, nous publions les annonces des marchés publics, les annonces civiles et commerciales - plus de 2 millions par an - et des annonces concernant la vie associative. Enfin, nous participons au débat public, en publiant les débats du Parlement, mais aussi des revues et des ouvrages expliquant les politiques publiques - ce sont les publications de la Documentation française. Crémieux-Brilhac, pour décrire la stratégie éditoriale formulée à la Libération, disait que ces publications devaient faire la synthèse et poser la problématique du sujet. Nous continuons à suivre ce principe, en traitant par exemple la question de l'exploitation des gaz de schiste sans défendre aucune thèse. Ainsi définies, nos quatre missions sont un continuum, visant toutes à faire progresser la démocratie et l'Etat de droit par la connaissance : les citoyens sont intelligents, on ne leur en dira jamais trop.
Nous exploitons tous les supports, papier ou moyens dématérialisés. La tradition de la Dila est d'avoir toujours une longueur d'avance. La Gazette, en 1631, fut le premier périodique français imprimé ! Nous avons été les premiers à ouvrir l'accès légal aux citoyens, grâce au Journal officiel électronique, disponible sur minitel, au 3615 Joel. Actuellement, nous sommes en avance dans le développement des applications mobiles destinées à faciliter la diffusion de l'information légale et administrative.
La Dila est financée par le biais d'un budget annexe de l'Etat. Nous devons équilibrer les dépenses et les recettes et dégager un excédent d'exploitation. De ce point de vue, notre métier est de vendre des données. Récemment, nous sommes parvenus à prendre le tournant de la dématérialisation de la diffusion des données sans faire baisser notre chiffre d'affaires. Cela tient à la mise en place d'une stratégie consistant non plus à vendre des annonces publiques, mais un service - hotline, alertes thématiques,... - qui facilite la mise en relation de l'entrepreneur et de l'acheteur.
Pour mesurer l'efficacité des services que nous rendons, nous observons les pratiques des gens. Les abonnés au Journal officiel dans sa version papier sont tombés de 60 000 en 2000 à moins de 3 000 en 2014. Mais, dans le même temps, le nombre d'abonnés au sommaire électronique n'a cessé d'augmenter et dépasse désormais 70 000. Le site de Légifrance a enregistré 97 millions de visiteurs l'an dernier, soit plus de visites que de Français ! Un vrai phénomène de société ! Jules César disait que la Gaule était un pays d'avocats... Le site service public.fr a enregistré l'an dernier 207 millions de visites, soit une fréquentation en hausse de 35 %. Il est devenu un réflexe de la vie quotidienne pour effectuer nombre de démarches - changement d'adresse lors d'un déménagement, inscription des enfants à l'école, enregistrement de l'achat d'une voiture. Les enquêtes de satisfaction sont bonnes : plus de 90 % des utilisateurs de Service public se déclarent satisfaits. Des appels mystères externalisés ont été passés sur 3939 pour contrôler la qualité de la réponse apportée. Nous avons également rappelé certains usagers, pour qu'ils nous disent à froid, quinze jours après, si les renseignements fournis leur avaient été utiles. Ces contrôles ont tous donné de très bons résultats.
Les pratiques témoignent d'une fracture générationnelle plus que d'une fracture numérique. Les moins de 30 ans consultent internet non plus sur un ordinateur fixe, mais sur leur téléphone mobile. Ils naviguent sur des réseaux sociaux plutôt que sur des sites. Nous nous sommes adaptés à ces comportements nouveaux, en ouvrant nos propres comptes Twitter et Facebook, dans lesquels nous publions des alertes renvoyant aux sites de Légifrance ou de la Documentation française. Le nombre de nos suiveurs sur ces comptes reste modeste - 50 000 environ - mais nous sommes très souvent retwittés sur des sujets qui n'ont pourtant rien d'alléchant.
La Dila se nourrit des partenariats qu'elle a naturellement noués, en tant qu'administration rattachée aux services du Premier ministre, comme éditeur de documents provenant des différentes administrations, à travers la marque de La Documentation française, et comme dernier maillon dans l'édition des travaux du Parlement et des règlements ministériels. Nous avons également mis en place des partenariats avec les collectivités territoriales, grâce à un système de comarquage qui permet de mettre en lien le site service public.fr et celui d'une petite commune. Lorsqu'ils doivent effectuer une démarche sur le site de leur commune, les utilisateurs sont renvoyés à l'ensemble des fiches relatives au sujet sur le site service public.fr, à partir duquel, en retour, ils peuvent trouver jusqu'aux horaires d'ouverture de leur mairie mis à jour par la mairie elle-même. Toutes les collectivités territoriales ne sont pas comarquées, mais nous nous efforçons de développer ce système car pour nos concitoyens, la caisse d'allocations familiales, le conseil général, la commune ou l'Etat forment un tout administratif ; notre site a vocation à être le plus englobant possible.
Nos bases de données intéressent les éditeurs juridiques, qu'il s'agisse de la jurisprudence, des conventions collectives, de données économiques, des annonces de marché public ou des annonces civiles et commerciales. Jusqu'à présent, notre politique de licence a consisté à céder l'intégralité de ces bases de données à des rediffuseurs pour un prix modique. Nous n'avions pas prévu de licence gratuite, car la relation commerciale a la vertu de pousser à l'excellence du service. Le rediffuseur qui a payé est fondé à avoir un interlocuteur au téléphone et des fichiers au format Xml. A partir du mois prochain néanmoins, sur décision du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (Cimap), nos bases de données seront disponibles gratuitement, en open data, mais sous licence avec un certain nombre d'engagements des rediffuseurs, afin notamment de protéger les données à caractère personnel. Nos données jurisprudentielles sont en principe toutes anonymisées. Sauf accident, aucune donnée personnelle n'est mise en ligne ni n'apparaît dans les bases que nous rendons diffusables.
Même si l'accès à nos données est ouvert gratuitement, nous voudrions continuer à offrir des services marchands aux rediffuseurs de données, sous la forme d'une offre premium incluant une assistance technique, un système d'alertes, une hotline et peut-être un label Légifrance ou Dila dans la réutilisation. L'Etat doit valoriser ses données. C'est un débat que le passage à l'open data relance. Les plus gros éditeurs ne souhaitent toutefois pas que nous en fassions trop. En fait, l'Etat n'a pas cessé d'améliorer le service, sans pour autant nuire aux éditeurs.
Le modèle économique de la Dila est tout à fait original mais s'apparente à celui des groupes multimédias qui possèdent des journaux gratuits, comme Metro ou 20 minutes. Notre chiffre d'affaires est d'environ 200 millions d'euros hors taxe. Il est constitué à plus de 80 %, 90 % par les bénéfices tirés d'un type particulier de publicité, celle des annonces des marchés publics et des annonces civiles et commerciales, auxquels s'ajoute la vente de produits déficitaires, comme le Journal officiel en version papier dont le coût de production est devenu très supérieur au prix de vente. Les fortes marges que nous faisons sur la publicité financent le développement de services gratuits comme le renseignement administratif par téléphone, qui ne sont pas financés par l'impôt. Les publications de la Documentation française sont également déficitaires. Les tirages sont souvent marginaux - une revue sur la politique européenne ne se vend pas à des millions d'exemplaires - mais ces publications sont nécessaires, car aucun autre éditeur privé ne voudrait les assumer.
La vente de nos données aux diffuseurs aurait pu constituer une ressource nouvelle, à laquelle nous renonçons dès lors qu'est mis en place un système d'open data gratuit. Une autre ressource pourrait être l'ouverture de nos sites à la publicité commerciale. La prudence s'impose néanmoins, car on ne peut barioler un site comme service public de publicité commerciale. Puisqu'elle dispose de capacités de stockage importantes, la Dila pourrait offrir un service d'hébergement aux systèmes d'information des administrations. Nous y travaillons avec la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (Disic), au profit d'autres administrations. Nous avons commencé à proposer des services de formation en ligne ou e-learning. Nous ne sommes pas capables cependant d'imaginer un avenir sans annonces commerciales et de marchés publics. Notre souci n'est pas de gagner de l'argent, mais de gagner de l'argent pour financer nos services gratuits. La Dila possède une forte légitimité comme fournisseur d'informations - Légifrance est « le plus court chemin entre la loi et vous ». Les utilisateurs veulent davantage et nous leur apportons, de plus en plus, des solutions, à partir d'outils comme les téléphones portables, solution qui sont offertes mais qui ont un coût d'exploitation qu'il faut financer. Il nous faut être très offensifs pour défendre notre modèle mais nous sommes très à l'aise avec la démarche d'open data telle qu'elle s'est décidée sous la conduite de la mission Etalab avec laquelle nous sommes en contact permanent.