Intervention de Hélène Lipietz

Réunion du 24 février 2014 à 16h00
Droit à l'information dans le cadre des procédures pénales — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Hélène LipietzHélène Lipietz :

Nous devons donc voter en urgence un projet de loi dont nous savons, depuis les conclusions du Conseil européen du 11 décembre 2009, qu’il modifiera grandement notre procédure pénale. Il en était déjà de même voilà un an avec la loi portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France ou, pis encore, avec le règlement Dublin III, le Gouvernement nous proposant à l’article 10 de l’autoriser à procéder par ordonnance pour adapter certaines dispositions, article que la commission a supprimé à ma demande. Cette directive conférait pourtant un droit supplémentaire aux étrangers, qui devaient être reconduits dans le pays d’entrée de l’espace Schengen lorsqu’ils demandaient l’asile.

Ainsi, pour protéger les droits du Parlement, les droits des étrangers demandeurs d’asile ont dû être sacrifiés ; je le regrette.

Notre processus d’intégration du droit européen se fait toujours au détriment du Parlement français, à l’avantage de commissions administratives qui, fussent-elles présidées par de hautes personnalités reconnues de tous, « remue-méningent » dans leur coin, en secret et, en fin de compte, privent le Parlement d’une navette – c’est le cas ici – pour les grandes lois garantes de nos libertés que sont les lois de procédure pénale.

Pourtant, la transposition d’une directive devrait être un acte banal, prévu de longue date, d’autant qu’une feuille de route européenne existe aujourd’hui, qui nous permet de savoir que notre système d’aide juridictionnelle est à revoir ou que la présomption d’innocence est à renforcer.

La France, patrie des droits de l’homme, pourrait être le moteur de l’évolution commune et ne pas être à la traîne de l’Europe : elle court après des directives et donne ainsi à ses partenaires l’impression qu’elle n’en saisit pas l’importance. Cela explique peut-être que l’Europe ne retienne pas notre théorie du droit – M. le rapporteur l’a regretté – et justifie sans doute la perte de prestige de notre droit.

La jeune parlementaire que je suis peut avoir des rêves, elle peut encore croire que le Parlement est là pour réfléchir, puis légiférer, et non l’inverse, et qu’il est déraisonnable de procrastiner, d’attendre la date limite pour transposer une directive, sauf à croire et faire accroire que le Parlement ne sert à rien, qu’une seule lecture suffit et, donc, que la procédure accélérée est la quintessence de la modernité dans l’art de gouverner…

Au travers de ce projet de loi, nous sommes invités à transposer la directive du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, ainsi que, partiellement, celle du 22 octobre 2013 relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales. S’agissant de cette seconde directive, pour une fois, nous sommes en avance. Toutefois, comme cela vient d’être souligné, son point le plus important, à savoir le droit d’accès de l’avocat à l’intégralité du dossier dès le début de la garde à vue, n’est pas encore traité.

Certes, on peut toujours demander à une commission de réfléchir à la transposition intégrale de la seconde directive. Mais pourquoi ne pas solliciter, pour ce faire, les instances les mieux à même de de procéder à cette transposition, à savoir les deux chambres du Parlement et leurs commissions des lois ?

En vérité, un rapport parlementaire est aussi propre que tout autre à éclairer le législateur !

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