Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 24 février 2014 à 16h00
Droit à l'information dans le cadre des procédures pénales — Article 3

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

Je voudrais, tout d’abord, démentir mon excellent collègue Serge Dassault : il n’est pas le seul membre de cette assemblée à avoir subi une garde à vue.

Il m’est également arrivé à plusieurs reprises, en qualité de trésorier du parti politique auquel j’appartenais au cours du siècle dernier, d’être placé en garde à vue. C’est donc une expérience que je connais, même si cette procédure était alors encadrée par une loi antérieure.

Madame le garde des sceaux, vous avez dit des choses très importantes et très justes. Pour autant, j’ai envie de défendre – une fois n’est pas coutume ! – l’amendement de Mme Lipietz, laquelle joue dans ce débat exactement le même rôle que les écologistes dans la vie publique et dans votre majorité : celui d’empêcheur de tourner en rond. En posant la question de l’accès de l’avocat à l’entièreté du dossier, afin qu’il puisse accompagner et soutenir son client placé en garde à vue, notre collègue soulève un problème de fond.

Vous répondez avec conviction, madame le garde des sceaux, et avec une certaine habileté, qu’il s’agit d’un véritable problème, que la directive du 22 octobre 2013 sera bientôt transposée et qu’il faut tout resituer dans une réflexion globale. Vous avez tout à fait raison, parce qu’il y a en réalité trois étapes.

La première, l’enquête préliminaire, est totalement unilatérale et à la charge, à la responsabilité et à la discrétion du parquet.

Le problème est que le parquet n’est pas nécessairement discret et que vous pouvez être « mis en examen » par la presse au bénéfice d’une enquête préliminaire parfaitement unilatérale, à laquelle vous n’avez strictement aucun accès. Il y a là, déjà, une première injustice, un premier déséquilibre, dans cette rencontre entre le simple particulier et l’autorité, la majesté et la puissance de l’État, qui s’expriment au travers du parquet et des services de police judiciaire.

La deuxième étape, inaugurée voilà quelques décennies, est la garde à vue, par laquelle le magistrat instructeur délègue à la police judiciaire une procédure contraignante, qui a le mérite de faire éclater d’éventuelles contradictions, dès lors que les événements sont suffisamment récents. D’ailleurs, quel est le sens d’une garde à vue intervenant deux, trois, cinq ans, voire davantage, après les faits, lesquels ont changé de nature ? L’interrogation simultanée et séparée de différents comparses n’a simplement aucune valeur d’instruction, puisque tout a pu être reconstitué entretemps.

En autorisant la présence de l’avocat auprès de la personne gardée à vue, on crée un droit nouveau. En effet, de deux choses l’une : soit l’avocat constate simplement le caractère formel de la garde à vue, ce qui présente peu d’intérêt ; soit il accède au dossier, comme le demande Mme Lipietz. Dans ce dernier cas, la garde à vue marque le commencement d’une instruction inquisitoire, laquelle tend à prendre, au travers de cet amendement, un caractère contradictoire.

Car il est vrai que notre instruction inquisitoire, qui devrait être à charge et à décharge, est en réalité le plus souvent seulement à charge et ne donne pas le sentiment au justiciable, en particulier lorsqu’il fait l’objet d’une garde à vue, d’être équilibrée.

En admettant la présence de l’avocat durant la garde à vue, ce dont je me réjouis, nous ouvrons donc, non pas la boîte de Pandore, mais une nouvelle procédure, au terme de laquelle nous ne sommes pas allés. Je comprends votre malaise, madame le garde des sceaux : vous vous rendez compte que cette situation intermédiaire n’est pas satisfaisante.

Je soutiendrai, non pas au nom du groupe UMP, mais à titre personnel, l’amendement de Mme Lipietz, car il a le mérite de mettre le pied dans la porte. Nous aurions la certitude, s’il était adopté, que ce problème ne sera pas éternellement différé.

Vous nous dites, madame le garde des sceaux, qu’une mission a été mise en place, avec un magistrat qui préside, des gens compétents Je m’en réjouis, mais « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » !

Nous avons l’occasion, avec l’examen de cet amendement, de ne pas laisser se refermer ce dossier difficile. Je suggère donc que nous l’adoptions, tout en sachant qu’il ne réglera pas – bien au contraire – l’entièreté du problème et que nous devrons mener une réflexion collective sur la signification, aujourd’hui, de l’instruction inquisitoire dans notre pays.

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