Il est évidemment très attendu par les juridictions, par les services d’enquête, qu’il s’agisse des policiers, des gendarmes, des douaniers ou des agents fiscaux, qui font office en l’occurrence d’officiers de police judiciaire.
Ces arrêts de la Cour de cassation ont confirmé l’existence d’un vide juridique puisque la Cour européenne des droits de l’homme avait déjà énoncé la nécessité, dans un arrêt de 2010, de disposer d’une loi qui soit suffisamment précise pour éviter tout arbitraire. Cette loi devra également prendre en compte – et là, nous trouvons des éléments conjoints à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme et aux arrêts de la Cour de cassation – la gravité des infractions concernées de façon que les dispositions législatives soient de nature à préserver les libertés individuelles tout en garantissant l’efficacité des enquêtes.
La commission mixte paritaire a donc trouvé un accord sur un certain nombre de dispositions.
Ainsi, vous êtes revenus au quantum de peine de cinq ans, avec, pour exception, trois années dans les cas d’atteinte aux personnes, auxquels vous avez ajouté les faits d’évasion et de recel de criminel. Évidemment, le Gouvernement s’en félicite puisqu’il avait plaidé devant votre assemblée, qui l’avait entendu, et devant l’Assemblée nationale, laquelle l’avait moins entendu, la nécessité de tenir compte en particulier de ces infractions d’atteinte aux personnes.
Cet accord constitue un bel équilibre dans la mesure où l’efficacité des enquêtes est préservée et qu’il est tenu compte des observations de la Cour de cassation qui a qualifié la géolocalisation d’ingérence grave dans la vie privée, même si la Cour d’appel de Paris, le 21 février dernier, a rendu un arrêt d’une autre nature. Nous savons toutefois que les choses ne sont pas parvenues à leur terme. En tout cas, cette divergence d’appréciation de la Cour de cassation et de la Cour d’appel montre la nécessité urgente de disposer d’un cadre juridique stable, qui soit une référence pour toutes nos juridictions et pour toutes les procédures concernées.
Par ailleurs, vous êtes revenus sur le délai de quinze jours. Le texte du Gouvernement prévoyait que les opérations de géolocalisation seraient autorisées par le parquet, donc par le procureur de la République, pour une durée initiale de quinze jours. Or le Sénat avait souhaité ramener ce délai à huit jours. L’Assemblée nationale avait retenu quinze jours, délai qui a finalement été rétabli.
Je répète une fois de plus, au risque de paraître ressasser toujours les mêmes choses, que le parquet appartient à l’autorité judiciaire, qu’il protège les libertés individuelles, même si c’est dans un champ moins large que celui des juges du siège, et qu’il veillera, dans le cadre de ce délai de quinze jours, à la protection des libertés individuelles et en même temps à l’efficacité de l’enquête. Nous nous étions en effet fondés sur la durée d’une enquête de flagrance prolongée pour retenir ce délai de quinze jours.
Vous avez également prévu, dans le cas où l’officier de police judiciaire décidera lui-même dans l’urgence d’une mesure de géolocalisation, qu’il doit prévenir immédiatement le parquet, qui peut valider ou invalider cette décision. Le parquet doit confirmer par écrit son autorisation et, pour ce faire, dispose d’un délai que le Sénat avait fixé à douze heures, l’Assemblée nationale l’ayant étendu à vingt-quatre heures. La commission mixte paritaire a maintenu le délai adopté par l'Assemblée nationale.
Il reste la question, plus sensible à mon avis, de ce que vous appelez le « dossier séparé », que nous avons longtemps appelé le « dossier occulte », appellation que nous sommes fondés à maintenir puisque ce dossier est destiné à ne pas être mis à la disposition de la défense. Il comportera des pièces dont la communication est susceptible, dans certains cas, de faire peser un risque sur l’intégrité physique des personnes qui ont apporté des informations à la justice. On comprend donc tout à fait l’esprit d’un tel dossier, à savoir veiller à la protection de ces personnes. Les informations qu’elles ont transmises ont permis d’identifier, de repérer, de démanteler et, en tout cas, ont accru l’efficacité des enquêtes. Il s’agit de protéger ces personnes ainsi que leur entourage.
Nous sommes évidemment très sensibles à cet argument, à telle enseigne d’ailleurs que nous avions introduit dans le projet de loi initial des dispositions proches de celles de la procédure qui permet aujourd’hui d’entendre un témoin anonyme. Je rappelle, comme je l’ai dit en première lecture, que la personne mise en cause peut néanmoins demander à être confrontée au témoin anonyme. Nous ne sommes donc pas exactement dans le même dispositif, où des pièces sont totalement soustraites au principe du contradictoire.
Le Conseil d’État avait souhaité disjoindre cette disposition considérant qu’elle n’était pas satisfaisante. Le Sénat comme l’Assemblée nationale ont souhaité y revenir. Le texte issu des travaux de la commission des lois de l’Assemblée nationale comportait, à l’article 1er, dans le texte proposé pour l’article 230–41 du code de procédure pénale, un 3° dont vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, qu’il avait été supprimé. Ce 3° définissait de façon très large toutes les pièces pouvant nécessiter d’être soustraites à la défense.
Nous pensons néanmoins que, même dans la rédaction issue de la commission mixte paritaire, le dispositif adopté est complètement inédit, qu’il n’en existe aucun équivalent actuellement dans notre droit. Le 2° de ce même article 230–41, tel qu’il est rédigé, permet tout de même encore au juge – et vous venez de le confirmer à la tribune, monsieur le président-rapporteur – d’apprécier les pièces qui pourraient entrer dans ce dossier séparé.