Intervention de Jérémie Zimmermann

Mission commune d'information sur la gouvernance mondiale de l'Internet — Réunion du 4 février 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Jérémie Zimmermann porte-parole de l'association « la quadrature du net »

Jérémie Zimmermann :

Les politiques doivent défendre nos libertés fondamentales. Le respect de la neutralité du Net en fait partie ; ils doivent à ce titre la protéger absolument. Dans sa décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, relative à la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, le Conseil constitutionnel a consacré la liberté d'accéder aux services en ligne comme une composante de la liberté d'expression. Défendre celle-ci, c'est également défendre l'innovation et la concurrence.

Les acteurs du secteur des télécoms ont changé de stratégie. Ils ont d'abord tenté de limiter les communications entre utilisateurs, puis ont cherché à obtenir de Google le paiement d'une contribution pour l'usage des réseaux et données. La formule Red de SFR, offrant 5 Go de communications mensuelles, ainsi qu'un usage illimité de You Tube, constitue un exemple de discrimination : l'accès à un éditeur de services spécifique est priorisé par rapport à l'accès au réseau Internet en général.

Certains pays ont inscrit la neutralité du Net dans la loi ; c'est le cas des Pays-Bas, de la Slovaquie ou du Chili. Les propositions avancées par la commissaire Nelly Kroes sont insuffisantes, et même contradictoires. Ainsi, le paragraphe 5 de l'article 23 de son projet de règlement interdit aux fournisseurs de services d'accès à l'Internet de ralentir, dégrader ou traiter de manière discriminatoire les contenus, applications ou services qu'ils acheminent, tandis que le paragraphe 2 les autorise à conclure des accords avec les fournisseurs de ces contenus, applications ou services les limitant à un niveau de qualité de service défini ou à une capacité dédiée. Aussi appelons-nous à supprimer cette disposition, et à tout le moins à la modifier.

L'Europe constitue la bonne échelle d'intervention pour ce qui est de la neutralité du Net, mais rien n'empêcherait notre pays de compléter son action. Le projet de loi annoncé sur les libertés sur Internet y pourvoira peut-être.

Les propositions émanant de l'Arcep sont intéressantes, mais la récente décision rendue par la justice américaine dans l'affaire opposant l'agence américaine de régulation des communications, la FCC, à l'opérateur Verizon, a montré que les géants du Net ne se laisseraient pas intimider par les autorités nationales. Le dispositif législatif américain n'a pas fonctionné car il était dépourvu de sanctions, preuve qu'une loi en ce domaine devrait impérativement être assortie de dispositions coercitives.

Les organes de standardisation de l'Internet sont étroitement encadrés par la NSA, sous prétexte de préoccupations techniques, comme cela a été le cas pour l'IPsec (Internet Protocol Security). Il faudrait donc davantage prendre en compte la nature politique de ces standards. La transparence est aujourd'hui assez forte sur leur procédure d'élaboration et de révision, mais ils ne sont pas immunisés contre un tel interventionnisme.

S'agissant de l'Icann, nous attendons avec impatience le logiciel libre et l'architecture décentralisée qui permettra de nous en débarrasser. Cette structure, dont l'activité est devenue commerciale, et qui centralise des ressources rares, n'est plus digne de confiance. Elle n'a pas réagi, par exemple, suite à la saisie par le gouvernement américain de plus de 70 noms de domaine, dont celui du site espagnol Rojadirecta.

GNUnet, un réseau informatique non centralisé et d'usage libre, est en plein essor. Le GNU Name System (GNS) pourrait remplacer à terme le système de noms de domaine (DNS), comme tend à le croire Louis Pouzin.

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