L'ANDEV est née en 1992, au moment où les collectivités locales commençaient à mettre en place de véritables politiques éducatives locales. L'association regroupe un réseau de professionnels d'environ 500 adhérents, tous directeurs - et surtout directrices - de l'éducation, de l'enfance et des affaires scolaires dans des collectivités locales.
Premier constat sur la réforme : les collectivités locales sont au rendez-vous, l'Éducation nationale place le changement des rythmes scolaires parmi ses priorités et l'école figure à l'agenda des politiques publiques et au premier rang des articles de presse. La mise en oeuvre complexe de la réforme mobilise un très grand nombre d'acteurs ainsi que des moyens importants. Le financement, cependant, paraît encore bien fragile, ce qui inquiète sur le terrain. La réforme, également, suscite des débats très nombreux et révèle le « génie territorial » pour inventer des solutions locales aux problèmes très concrets qui nous sont posés, pour innover localement en tenant compte des spécificités des territoires - leurs moyens, leur configuration, leur histoire -, ce qui explique qu'il y ait bien des différences, de contenu aussi bien que d'organisation, dans les activités proposées aux enfants.
Deuxième constat : initialement approuvée par la communauté éducative, la réforme a rencontré des résistances en devenant effective. Les enseignants ont critiqué devoir travailler une demi-journée de plus, les parents se sont inquiétés, en particulier de la fatigue de leurs enfants et du contenu des activités proposées, tandis que les élus ont été soucieux du coût de la réforme. La mise en oeuvre a cependant fait évoluer le contexte : les élus se sont mobilisés pour la réforme, les enseignants ont accepté leur nouvel emploi du temps et des relations nouvelles se sont nouées au sein de la communauté éducative, en une sorte d'entente mêlée d'empathie pour le travail accompli. Les réflexions de terrain ont conduit l'Éducation nationale à affiner la réforme et fait apparaître combien le copilotage par le ministère et les collectivités locales était un facteur déterminant de réussite. Le projet éducatif territorial s'est avéré un outil suffisamment souple pour accompagner la réforme, mais les collectivités sont surprises que l'État se mette à vouloir encadrer autant cet instrument qu'elles sont à même de piloter, fortes de leur expérience de maillage sur le territoire.
Troisième constat : une très grande diversité des situations locales, une inégalité, même, entre communes en fonction d'un grand nombre de facteurs tenant à l'environnement, aux ressources locales, à l'existence d'une politique éducative locale. Quand des politiques éducatives locales ont précédé la réforme des rythmes scolaires et que la concertation a été approfondie, les choses se passent plus facilement. Les emplois du temps sont modifiés de façon pragmatique et très diverse avec, le plus généralement, un allongement du temps scolaire le matin et un aménagement l'après-midi. La continuité éducative représente un enjeu fort et la concertation a permis des adaptations très intéressantes. Des enseignants ont accepté de travailler sur du temps périscolaire, voire de mettre en place des activités pédagogiques complémentaires, pour assurer une plus grande continuité du service offert aux enfants. Dans ma commune, un aménagement des emplois du temps a permis, par exemple, que les enfants fassent du char à voile après 15 h 45, à marée basse... Le temps de la sieste, en maternelle, pose un problème particulier, qui demandera une solution adaptée.
La notion de parcours compte également pour répondre aux besoins des enfants. Il faut faire attention à la suractivité dans les emplois du temps et proposer des séquences moins actives, par exemple des temps de jeu, des ateliers découverte, de la lecture, du travail personnel. En tout état de cause, les activités pédagogiques complémentaires (APC) ne peuvent se réduire au seul soutien scolaire.
Enfin, nous ne dirons jamais assez que la réforme des rythmes scolaires nécessite du temps, que nous améliorerons les choses dans la durée, avec de la concertation, ce qui est indispensable à la définition des projets locaux, dans l'intérêt des enfants.
Quelques éléments, encore, sur le déroulement de la réforme. Presque toutes les communes concernées - 95 % - ont choisi le mercredi matin, quoiqu'une partie de la communauté éducative ait souligné l'importance du samedi matin, dans l'intérêt des enfants. Des expériences ont lieu avec l'école le samedi matin, qu'il faut suivre pour en connaître les résultats. Plusieurs modèles de sortie anticipée sont expérimentés. À Paris, par exemple, il a été choisi une alternance d'un jour plein et de deux jours réduits, ce qui dégage des plages horaires plus importantes et facilite l'encadrement et la mise en place de vrais projets éducatifs. Ce rythme convient-il aux maternelles ? Je n'en suis pas certaine, il faut regarder de près. Dans la majorité des cas, on a choisi une sortie anticipée de trois quarts d'heure, à 15 h 45, en avançant le temps périscolaire et les APC, pour alléger l'amplitude horaire des emplois du temps des enfants. Des communes, également, ont différencié le rythme pour les classes maternelles et élémentaires, ce qui peut poser d'autres problèmes aux familles. Tout ceci doit, encore une fois, être examiné en détail.
La pause méridienne a été allongée d'un quart d'heure à une demi-heure pour un tiers des communes. Dans la moitié des communes, un repas à la cantine est prévu le mercredi, avec un surcoût de transport scolaire.
La réforme des rythmes scolaires pose aussi des problèmes pour l'emploi du temps des enseignants et pour celui des agents spécialisés des écoles maternelles (ATSEM). Les parents ont besoin d'une information complète, sur les lieux et les horaires, qui changent bien plus qu'avant au cours de la semaine. Nous constatons aussi que la réforme augmente le nombre d'intervenants que les enfants côtoient. En maternelle, un enfant peut voir jusqu'à 15 adultes par jour, il faut pouvoir les lui présenter suffisamment pour qu'il se sente à l'aise et qu'il soit le plus serein possible à l'école.
La contrainte des espaces est parfois un véritable casse-tête. Les collectivités locales recourent souvent à divers bâtiments publics, comme les médiathèques. Les enseignants ont mis en avant les difficultés, pour eux comme pour les enfants, de voir leur salle de classe utilisée par d'autres mais je crois que la crispation se résout et qu'on trouve, par le dialogue, des solutions qu'on ne soupçonnait pas toujours.