Monsieur le ministre, le terme « laïcité » a connu ces derniers temps des interprétations multiples, aboutissant, in fine, à des confusions. Par conséquent, je préciserai, pour commencer mon propos, ce que j’entends par laïcité.
À propos de la loi Falloux, Victor Hugo s’exprimait dans ce même hémicycle en ces termes : « je veux […] l’Église chez elle et l’État chez lui. »
Pour sa part, Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, rappelle notamment que la laïcité est non pas la négation du fait religieux ou son ignorance par la puissance publique, mais le respect des opinions religieuses. Aussi, il n’y a jamais eu d’athéisme d’État. La plus haute juridiction administrative est claire : la liberté est la règle, la restriction, l’exception.
Le Conseil constitutionnel, quant à lui, réaffirme l’exigence de neutralité de l’État, la non-reconnaissance des cultes, le respect de toutes les croyances, l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion, la garantie du libre exercice du culte et, enfin, le fait que la République ne salarie aucun culte.
En 1905, Aristide Briand concevait la rue comme un prolongement de la sphère privée. Elle ne devait donc pas être « aseptisée ». Aussi, la religion n’était pas amenée à rester dans l’unique sphère privée. Par conséquent, seuls l’État, ses bâtiments, monuments, personnels ne peuvent arborer de signes religieux.
Selon Philippe Portier, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, qui occupe la chaire d’histoire et de sociologie des laïcités, « il y a [aujourd’hui] la tentation que la rue prolonge l’espace d’État » plutôt que de prolonger l’espace privé.
Souscrivant aux définitions du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur le point soulevé par M. Portier, en me référant à des cas d’actualité.
Pour ce qui concerne l’affaire Baby Loup, les juges du fond ont résisté à l’arrêt rendu par la Cour de cassation. Celle-ci devra donc siéger en assemblée plénière. Un arrêt fondamental est attendu sur ce point.
Par ailleurs, le quotidien Les Échos consacrait récemment un article à la société Paprec, qui vient d’appliquer à une entreprise privée les concepts de laïcité auxquels l’État est soumis.
Aussi, j’aimerais savoir si le Gouvernement entend présenter un projet de loi afin de réaffirmer le système consacré par nos juridictions – il s’agirait d’un signal fort –, ou s’il souhaite modifier ce système pour que la rue et l’entreprise privée prolongent l’espace d’État.