Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici à la dernière étape de l’examen de ce texte, qui traite de la question de la formation professionnelle et de la démocratie sociale, comme l’a voulu le Président de la République. Le projet de loi est le fruit d’une méthode et d’une détermination.
La méthode repose sur la concertation et le dialogue social. En la matière, elle a consisté, après que la feuille de route eut été remise aux partenaires sociaux le 29 août dernier, à mener à bien des négociations. Ce fut le cas avec la signature, par la majorité d’entre eux, d’un accord le 14 décembre dernier et ce projet de loi en est la fidèle transcription.
La détermination a consisté à réformer la loi initiale de 1971. Depuis cette date, notre monde, notre économie et notre société ont changé. La formation professionnelle s’est complexifiée, les dispositifs se sont parfois enchevêtrés ou superposés, les acteurs se sont multipliés.
Le degré d’efficience, chacun le sait, a été pénalisé et n’est pas à la hauteur des efforts consacrés ni des besoins existants. Je songe notamment à nos concitoyens les plus fragiles. Il était donc urgent de réformer la formation professionnelle afin d’en faire un levier de qualification pour tous les actifs, tout comme il était urgent d’approfondir et de clarifier la démocratie sociale tant dans ses principes que dans son fonctionnement.
Ce texte marque donc un nouvel acte de la réforme structurelle des politiques du travail et de l’emploi engagée par le Gouvernement, en particulier par vous-même sur ces questions, monsieur le ministre, depuis 2012.
En première lecture, les députés ont introduit nombre de modifications et de précisions. Je pense notamment au titre Ier, qui vise à instaurer la mesure phare de ce texte : le compte personnel de formation. Je pense aux garanties d’accès à la formation, aux précisions issues des recommandations de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes introduites aux articles 1er bis, 6, 8 et 12, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter, mais aussi aux précisions concernant le titre II, relatif au développement des compétences et des qualifications de salariés. Je songe également aux dispositions ayant trait à l’affirmation du rôle de la région, ou encore à celles qui concernent la représentativité patronale.
Notre assemblée a aussi participé à l’amélioration de ce texte important sur plusieurs points essentiels, et je veux remercier M. le rapporteur de nous avoir très largement accompagnés dans cette voie.
Je pense, en premier lieu, à l’accent mis sur la qualité de la formation. C’est un sujet central, qui a occupé beaucoup de nos débats. Ainsi, aux termes de l’article 3 bis A, les financeurs – organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, État, régions, Pôle emploi, etc. – devront s’assurer que le prestataire de formation retenu est capable de réaliser une formation de qualité. Dans cette logique, l’article 14 prévoit que le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, le CNEFOP, contribuera à l’évaluation des formations dispensées. Enfin, les exigences attendues des organismes dispensant des formations inscrites au répertoire national des certifications professionnelles sont renforcées à l’article 21.
Pour ce qui est du compte personnel de formation que vise à instaurer l’article 1er, notre assemblée a souhaité qu’il puisse être alimenté plus favorablement qu’au prorata de la durée travaillée pour les salariés à temps partiel. Ainsi, un accord collectif pourra donc le prévoir. Par ailleurs, sur proposition du groupe UDI-UC, que je remercie de cette initiative, des abondements complémentaires, décidés par accord d’entreprise ou de branche, devront cibler prioritairement les salariés les moins qualifiés.
Des clarifications et de la simplification ont été apportées quant aux circuits de collecte des sommes recueillies au titre du congé individuel de formation, qui seront confiées au Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le FPSPP. Ainsi, comme le prévoit l’article 5, les OPCA collecteront ces fonds et les transféreront au FPSPP, qui les répartira.
Nous avons également clarifié l’article 9 ter afin que la fraction « hors quota » de la taxe d’apprentissage puisse, dans le cas d’établissements délivrant les formations technologiques ou professionnelles initiales, être gérée par des organismes à but non lucratif ou pas. Nous avons aussi maintenu la possibilité de bénéficier de cette part de taxe pour les établissements dispensant des formations conduisant aux diplômes délivrés par les ministères chargés des affaires sociales.
Un amendement à l’article 11 a ouvert la voie au transfert à titre gratuit aux régions qui le souhaitent des biens mis à la disposition de l’AFPA par l’État.
Nous avons également clarifié la représentativité des organisations patronales agricoles à l’article 16, ce qui était fortement demandé. De même, nous avons voulu, à l’article 18, associer, sur une base de 3 % des suffrages obtenus au niveau national et interprofessionnel, toutes les organisations qui bénéficieront de crédits du fonds paritaire à sa gouvernance.
Enfin, à l’article 19, nous avons rendu obligatoire la désignation d’un trésorier dans les comités centraux d’entreprise – je ne pense pas que cette disposition déplaise à Mme Procaccia.
Notre apport a concerné aussi le fait que les heures complémentaires accordées aux salariés qui seraient sortis du système scolaire sans diplôme ne soient pas intégrées dans le calcul du plafond. Il s’agit là d’une mesure tout à fait importante.
Enfin, je pense aux dispositions de lutte contre la discrimination, prévoyant que seul le bénéficiaire du passeport d’orientation, de formation et de compétences puisse consulter celui-ci. Chaque groupe, dans un souci d’intérêt général, a ainsi pu apporter sa pierre à l’édifice et enrichir ce texte. Je ne peux que m’en féliciter.
Bien évidemment, mon groupe et moi-même regrettons la suppression de l’article 20 relatif à l’inspection du travail. Cet article faisait vraiment débat au sein de notre assemblée – nous venons encore d’en avoir la preuve –, et aucune majorité ne pouvait se faire jour. Nous en avons pris acte, et souhaitons que ces propositions visant à clarifier et à améliorer l’organe de contrôle qu’est l’inspection du travail soient prochainement examinées, car le sujet est d’importance.
La commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 24 février, a apporté un certain nombre de modifications, de clarifications et de précisions.
Ainsi, à l’article 1er, la disposition prévoyant l’agrément préalable des prestataires de formation dans des conditions déterminées par décret a été supprimée. En effet, la commission mixte paritaire a considéré que l’objectif de qualité semble satisfait par les dispositions de l’article 3 bis A ; selon moi, la discussion en première lecture au Sénat a permis d’être rassuré sur cette question fondamentale. Dans cette logique, l’alinéa 41 de l’article 1er, qui définit par décret des normes de qualité pour les formations qui ne sont pas enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles, n’a pas été repris. Mais vous avez montré, monsieur le ministre, votre détermination par rapport à cette exigence de qualité.
La commission mixte paritaire a précisé que la consultation du passeport d’orientation, de formation et de compétences doit être autorisée par son titulaire. Nous avons aussi clarifié l’alinéa 58, qui définit le niveau de la majoration appliqué dans le cas où l’employeur n’a pas versé à l’OPCA le montant de la somme forfaitaire représentative de l’abondement « correctif » de 100 heures de formation. Nous avons tenu compte des salariés à temps partiel en nous appuyant sur l’amélioration de l’abondement correctif lui-même, et nous l’avons donc fixé à 130 heures, ce qui constitue une juste réponse aux besoins de formation qui, souvent, existent chez nos concitoyens travaillant à temps partiel, je pense bien sûr notamment aux femmes, qui représentent 80 % de ceux qui exercent ce type d’emplois. À ce titre, la rédaction retenue constitue une réponse à la demande formulée par la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire, et c’est important, a bien défini le temps de formation comme un temps de travail effectif, ainsi que le prévoit l’article L. 6321–2 du code du travail.
À l’article 3, qui a trait au contrat de professionnalisation, périodes de professionnalisation, préparation opérationnelle à l’emploi, la commission a prolongé, ce qui a donné lieu à débat, la durée d’expérimentation de dix-huit mois de la disposition consistant à envoyer une personne en contrat de professionnalisation se former au domicile d’un particulier. Cette mesure ne concerne qu’une trentaine de jeunes. Nous avons trouvé nécessaire de la maintenir, y compris pour eux.
En ce qui concerne la compétence des régions et l’article 11, nous avons précisé les conditions de transfert aux régions du patrimoine de l’État mis à la disposition de l’AFPA. Nous avons repris la proposition de notre assemblée, qui prévoit d’élargir le champ des formations proposées par les régions à titre gratuit aux formations supérieures à un niveau IV lorsqu’un tel niveau est requis pour accéder à certaines professions.
Puis nous avons levé tout risque d’ambiguïté dans la lecture des dispositions de l’alinéa 61 relatif à la possibilité pour Pôle emploi de procéder ou de contribuer à l’achat de formations collectives dans le cadre d’une convention avec la région et, dans cette logique, à l’article 12, nous avons précisé le lien entre le service public régional de l’orientation et le conseil en évolution professionnelle, et, là aussi, je crois que c’est une évolution intéressante et importante.
Comme tout un chacun, nous sommes attachés à ce que les réseaux consulaires figurent bien dans la composition du CNEFOP et des CREFOP. En revanche, on ne peut se satisfaire de les voir juges et parties, en tant qu’opérateurs, dans le bureau des CREFOP. Ils figureront dans la composition du CNEFOP et des CREFOP en qualité unique de chambre et non en tant qu’opérateurs. Il était important de le préciser.
À titre de clarification, nous avons modifié la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale pour l’article 19. Ainsi, le trésorier du comité d’entreprise ou, le cas échéant, le commissaire aux comptes présente un rapport sur les conventions passées, directement ou indirectement, entre le comité d’entreprise et l’un de ses membres.
Enfin, la CMP a suivi l’avis de notre assemblée en confirmant le retrait de l’article 20. Comme l’a explicité notre rapporteur, un vote négatif de notre assemblée aurait retardé l’entrée en vigueur des autres dispositions concernant la formation professionnelle et qui font consensus. Une telle issue aurait de fait pénalisé nos concitoyens, ce qui n’est pas acceptable au regard des enjeux économiques, sociaux et humains en jeu, même si l’inspection du travail reste un sujet tout à fait majeur et d’actualité.
Ce texte est essentiel, chacun le sait. C’est sur la base de valeurs fortes que nous défendons, la justice, la responsabilité et la liberté, qu’il met en œuvre une série de réponses aux enjeux majeurs que sont la formation professionnelle et la démocratie sociale. Il participe de la stratégie de redressement que le Président de la République et le Gouvernement mettent en œuvre depuis 2012. Il constitue une avancée de premier ordre pour notre histoire sociale et, surtout, pour chaque femme et chaque homme de notre pays.
Je vous remercie chaleureusement, monsieur le ministre, de votre sens de l’écoute et de votre volonté permanente d’alimenter un débat constructif, qualité que je m’autorise à vous faire partager avec notre rapporteur Claude Jeannerot.
Je conclurai en disant que, bien évidemment, le groupe socialiste votera avec conviction en faveur de ce texte qui sert la justice et l’emploi. §