Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord dire toute ma satisfaction à voir ce débat sur la situation dans nos territoires ultramarins se tenir, à l’initiative de mon collègue – je dirais même mon ami –, Paul Vergès.
En effet, sauf lorsqu’ils font face avec vigueur à leurs grandes difficultés économiques et sociales ou qu’ils sont au cœur de crises politiques et institutionnelles, comme en Nouvelle-Calédonie, aux Antilles et à la Réunion en 2009, nos compatriotes d’outre-mer ont trop souvent le sentiment d’être ignorés et délaissés par la métropole, y compris par la représentation parlementaire.
Il n’y a pas de fatalité à ce que leurs difficultés de vie suscitent si peu d’intérêt. L’éloignement, l’histoire parfois douloureuse, la complexité des relations avec les populations, ou les particularités de chacune d’entre elles ne sauraient être des excuses : en outre-mer, nous ne connaissons que des citoyens français. À ce titre, ces difficultés doivent être traitées selon les lois et les politiques de la République, avec, bien entendu, la nécessaire adaptation que les spécificités de ces territoires requièrent.
Ce débat nous donne ainsi l’occasion – Paul Vergès l’a fait pour la Réunion – de mieux connaître la situation économique, sociale et institutionnelle de chacun de ces territoires, qui connaissent des contextes locaux différents, sur le plan financier comme sur le plan statutaire.
Dans ce cadre, l’intérêt réside donc essentiellement dans l’évaluation de la pertinence des politiques publiques et de leur capacité à résoudre, avec plus ou moins d’efficacité, les problèmes que rencontrent les outre-mer.
S’il fallait trouver un dénominateur commun à ces territoires, au-delà de leur diversité, je dirais sans doute la grande fragilité de leurs économies. Structurellement déséquilibrées, elles sont sinistrées, en dépit de la forte proportion de jeunes, par un chômage de masse. Ce phénomène nourrit la désespérance de cette catégorie de la population.
D’une manière générale, et sans vouloir faire un constat trop pessimiste, je voudrais m’appuyer sur un récent audit des politiques publiques conduites par l’État en direction des Français d’outre-mer. Ce rapport, qui a été présenté au Sénat au mois de janvier, est une intéressante étude sociologique. Il a été réalisé par le Collectif des états généraux de l’outre-mer. Son grand intérêt est, précisément, de montrer l’évolution des sentiments de nos compatriotes ultramarins, qu’ils vivent sur place ou dans l’Hexagone, sur les politiques mises en œuvre dans ces territoires.
Au-delà des problèmes fondamentaux et récurrents, qui ont trait à l’emploi, au logement, au pouvoir d’achat, à la cherté de la vie ou à l’inadaptation des modes de consommation aux réalités locales – questions qui ne pourraient trouver réponse qu’au terme de réformes structurelles –, l’inquiétante nouveauté révélée par cette étude est que la principale préoccupation de nos compatriotes d’outre-mer est désormais la crainte d’un renforcement des inégalités et d’un processus de paupérisation de leurs sociétés.
Aux problèmes de logement, de chômage et de grande pauvreté s’ajoutent les inégalités sociales. N’oublions pas non plus la démographie, qui a des effets très négatifs sur le logement, la sécurité, mais aussi la santé et la croissance économique.
Cette accumulation de difficultés, qui leur fait craindre un avenir encore pire pour leurs enfants, est d’abord le fruit d’une situation économique et sociale qui ne cesse de se dégrader. Après tout, on pourrait penser qu’il en va sur ces territoires comme sur l’ensemble du territoire national. Eh bien non ! Cette dégradation est encore amplifiée par les lourds handicaps de nos sociétés d’outre-mer.
Cela étant dit, je voudrais souligner les louables efforts accomplis par le Gouvernement en matière budgétaire, notamment, mais aussi dans la lutte contre la vie chère ou pour la régulation des prix pétroliers. De ce point de vue, j’ai apprécié votre détermination à ne pas céder sur la question de la réduction des marges des monopoles de ce secteur, monsieur le ministre.
Ainsi, des efforts budgétaires ont été consentis pour l’année 2014, malgré un contexte dit « contraint » : dans les départements d’outre-mer, le Fonds exceptionnel d’investissement, le FEI, a au moins été reconduit à l’identique, et la TVA n’a pas augmenté. Les crédits alloués aux grandes priorités, comme le logement, ont heureusement été maintenus ; certains ont même progressé, comme ceux qui sont consacrés à la jeunesse et à l’emploi.
En outre, les défiscalisations et les aides à l’investissement ont été préservées, bien que je sois critique sur la pertinence de certaines d’entre elles.