Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la délégation à l’outre-mer, monsieur Paul Vergès, chers collègues, puisque mon temps de parole est compté, je centrerai mon intervention sur trois points.
Premièrement, je tenais, monsieur le ministre, à vous remercier d’avoir tenu tête au lobby pétrolier dans votre action contre la vie chère outre-mer.
Le chantage que vous avez subi – je veux parler de la grève des gérants de station-service instrumentalisés en sous-main par quelques compagnies pétrolières soucieuses de préserver leur rente de situation dans les outre-mer – n’était pas acceptable.
Au final, la date du 1er janvier 2014 pour la publication des décrets suivant la promulgation de la loi relative à la vie chère a bien été tenue, ce qui a entraîné une baisse du prix de l’essence à la pompe allant de 3 centimes d’euro en Martinique à 8 centimes d’euro à Mayotte.
Sur les 100 millions d’euros de bénéfices nets annuels qu’encaisse la filière pétrolière en outre-mer, ce sont au total 23 millions d’euros qui seront rendus aux consommateurs ultramarins, soit 60 à 70 euros par consommateur, ce dont nous nous félicitons.
Deuxièmement, je voulais évoquer un second lobby, celui des industries chimiques, plus précisément des producteurs de produits phytosanitaires.
En effet, les Français sont les plus grands consommateurs de pesticides en Europe, et les Antilles utilisent trois fois plus de pesticides par unité de surface que la métropole. Pourtant, en 2010, la loi Grenelle II a posé le principe, sauf dérogations exceptionnelles, de l’interdiction des épandages aériens. Force est pourtant de constater que, sur ce point, outre-mer, l’exception est la règle !
En Martinique, par exemple, une nouvelle dérogation à l’interdiction d’épandage aérien de pesticides a été signée par le préfet le 20 novembre 2013, alors que le tribunal administratif de Fort-de-France, deux semaines plus tard, annulait les deux précédentes dérogations, suite aux recours d’associations. Cette dernière dérogation a heureusement été de nouveau annulée le 3 février dernier.
On veut nous faire croire que de telles dérogations à l’interdiction d’épandage sont indispensables au développement économique de la Caraïbe. Mais comment expliquer que les bananeraies guadeloupéennes se portent bien et vivent, depuis presque un an, sans épandage aérien de pesticides, grâce aux trois annulations de dérogations préfectorales ?
Pourquoi s’obstiner à nier qu’il est bel et bien possible de faire autrement, notamment en embauchant du personnel via les aides européennes pour effeuiller de manière sévère les feuilles des bananiers ? Pourquoi ne pas encourager la diversification de l’agriculture locale en l’orientant vers d’autres cultures, telles que celle de l’avocatier, qui ne nécessite aucun pesticide et résiste aux cyclones ? Pourquoi ne pas vendre les bananes dans la Caraïbe, ce qui réduirait le temps de transport et ne nécessiterait pas de traitement contre les moisissures ? Pourquoi ne pas investir davantage dans la recherche pour trouver des solutions afin d’aller vers une agriculture sans pesticide ?
Dans ce dossier comme dans d’autres, le chantage à l’emploi existe, mais les arguments employés sont fallacieux. Par exemple, l’effeuillage manuel, ou d’autres pratiques, créerait plus d’emplois, et surtout des emplois ne mettant pas en danger les travailleurs.
Par ailleurs, cette succession de dérogations met en péril d’autres secteurs de l’économie caribéenne. Je pense à la pêche et à l’aquaculture, qui subissent les conséquences de l’empoisonnement phytosanitaire jusqu’à mille mètres des côtes. Cela a entraîné, vous le savez, des interdictions de pêche.
Nous sommes très soucieux de l’emploi local, mais il est insensé de faire croire que la santé des bananeraies dépend de l’épandage aérien. De plus, il n’est vraiment pas raisonnable d’opposer aujourd'hui emploi, développement économique et santé de la population, alors que des solutions existent pour concilier ces différents paramètres.