Intervention de Georges Patient

Réunion du 26 février 2014 à 14h30
Débat sur la situation des outre-mer

Photo de Georges PatientGeorges Patient :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue l’initiative de notre collègue Paul Vergès et de son groupe : ce débat sur la situation des outre-mer nous offre une excellente occasion d’interpeller le Gouvernement sur les maux dont souffrent nos régions respectives, maux qui sont les mêmes, comme vous avez pu l’entendre de la bouche des orateurs qui m’ont précédé, à savoir un PIB faible, un seuil de pauvreté élevé, un taux de chômage parmi les plus importants de France, une situation sanitaire déplorable, un déficit de logements, de l’habitat insalubre, une insécurité, pour ne citer que les principaux.

Face à ce constat de sous-développement, voire de non-développement persistant, en dépit d’une politique d’assistanat et de rattrapage menée depuis fort longtemps, des questions s’imposent.

Monsieur le ministre, le moment n’est-il pas venu de déclarer en faillite ce mode de développement des outre-mer ? Ne faut-il pas le revoir et le corriger, en mettant l’accent sur une meilleure reconnaissance des situations ultramarines et une plus grande adaptation à leur diversité ? Les outre-mer ne constituent pas un ensemble homogène : chaque région d’outre-mer est différente, et des pistes spécifiques doivent être envisagées pour chacune d’entre elles.

C’est ainsi que, trop souvent, trop facilement, la Guyane est purement et simplement assimilée aux autres petites économies insulaires des autres départements et régions d’outre-mer. Par conséquent, les mesures et dispositions qui sont prises en faveur de ces derniers lui sont appliquées, alors que le contexte global de la Guyane ne présente que peu de similitudes avec celui des îles.

Le territoire de la Guyane est continental, d’une superficie terrestre de près de 90 000 kilomètres carrés ; il dispose d’une zone économique et exclusive de 130 140 kilomètres carrés, et de ressources tout à fait essentielles qui ne sont pas exploitées, ou qui le sont peu ou mal.

La Guyane a des spécificités : l’occupation humaine de son espace territorial, qui laisse à penser qu’un équilibrage est possible ; le taux de croissance exceptionnel de sa population, qui offre une large diversité en termes non seulement historiques, ethniques, culturels, linguistiques, mais aussi administratifs !

Voilà des éléments qui distinguent radicalement la Guyane des autres DROM, et dont il faut absolument tenir compte dans la réflexion sur son développement.

Or on nous impose, au nom d’enjeux universels, et par mimétisme avec les pays développés, des modalités de gestion de notre territoire qui sont celles de régions où la croissance économique s’est faite à partir d’une exploitation peu rationnelle de ressources naturelles ou non renouvelables, et où il est devenu indispensable de ménager des espaces sauvegardés, préservés.

Ce que nous voulons, nous, c’est assurer à la Guyane un développement durable, supprimer des inégalités criantes devant l’accès à l’emploi et aux ressources et atteindre finalement un bien-être social satisfaisant.

Nous en avons les moyens, nous, en Guyane, et nous pouvons y parvenir si nous est laissée la possibilité d’élaborer une conception spécifique de notre développement. Il n’est pas là question d’une remise en cause du statut de la Guyane par rapport à la France, mais, dans le champ économique, la Guyane doit pouvoir se distinguer, si elle ne veut pas définitivement rester le « mauvais élève » de la République, celui qui est à la traîne.

Notre démarche doit donc reposer sur les capacités guyanaises en hommes et en qualifications. Elle devra être définie avec l’ensemble de la population, dans un esprit de partenariat. Nous ne pouvons plus éternellement nous en remettre à d’autres pour construire la Guyane de demain.

C’est tout le sens, monsieur le ministre, que l’on doit donner au « pacte pour l’avenir » entre l’État et la Guyane, annoncé par le Président de la République lors de son récent passage chez nous.

Je ne pourrai terminer mon propos, monsieur le ministre, sans évoquer trois questions d’actualité.

La première porte sur l’approvisionnement en carburants routiers de la Guyane. Le Suriname, notre voisin, aura d’ici à la fin d’année du carburant aux normes Euro 5, ce qui est largement suffisant pour le niveau des normes exigées par l’Union européenne. Pouvons-nous alors escompter, à partir de cette date, une sortie du dispositif d’approvisionnement par la SARA, la Société anonyme de la raffinerie des Antilles ?

La deuxième question est relative au bouclier qualité-prix. Si les prix des produits listés ont été contenus en Guyane, puisque le prix du panier a parfois été inférieur à celui qui avait été fixé au départ, en accord avec les distributeurs, la population exprime néanmoins un ressenti négatif.

En effet, le prix du bouclier est global et non par article, pour une liste qui comprend entre 90 et 150 articles. Comme il est très rare qu’un consommateur achète tous les produits de la liste, il ne peut, très souvent, vérifier que les prix des produits qu’il achète sont moins élevés qu’avant la mise en place du bouclier. C’est l’un des points qu’il vous faudra examiner, monsieur le ministre, lors des toutes prochaines négociations sur le bouclier qualité-prix, qui auront lieu, me semble-t-il, dans le courant du mois de mars.

La troisième et dernière question – et non la moindre, et elle me préoccupe, ainsi que d’autres, depuis fort longtemps – porte sur l’octroi de mer. De très fortes inquiétudes se sont exprimées quant à sa prorogation. J’espère que vous pourrez les lever. Les propos que vous avez tenus la semaine dernière, lors de votre audition par la délégation à l’outre-mer de l’Assemblée nationale, semblaient indiquer que l’octroi de mer ne serait prorogé que de quelques mois.

Pouvez-nous nous donner davantage de précisions ? Quel serait le calendrier parlementaire ? Il est inutile de vous rappeler toute l’importance de cette taxe pour nos régions déjà très affaiblies financièrement.

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