Intervention de Serge Larcher

Réunion du 26 février 2014 à 14h30
Débat sur la situation des outre-mer

Photo de Serge LarcherSerge Larcher :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le doyen, cher Paul Vergès, mes chers collègues, à l’heure où une timide embellie économique semble se dessiner sur le continent européen, en particulier en France, de nombreux indicateurs restent au rouge dans les outre-mer, en dépit d’un effort budgétaire certain ou de diverses mesures prises, notamment, pour lutter contre la vie chère.

À ce titre, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les dernières évaluations de l’évolution des prix pour 2013 ?

Des avancées ont également été obtenues à Bruxelles dans la négociation de dossiers européens à forts enjeux pour nos territoires. Je pense, bien sûr, à la pêche ou à la fiscalité du rhum traditionnel des départements d’outre-mer, dossiers sur lesquels notre délégation à l’outre-mer a fait adopter par la Haute Assemblée des propositions de résolution qui ont « épaulé » le Gouvernement dans ses démarches.

Malgré ces efforts réels, la situation socioéconomique reste plus que préoccupante et les défis sont de plus en plus difficiles à relever dans une période qui, à maints égards, apparaît comme charnière pour nos outre-mer.

Aux difficultés structurelles liées aux caractéristiques de nos économies – faible diversification de la production, forte dépendance aux approvisionnements extérieurs et importance des surcoûts, vulnérabilité climatique, prédominance des TPE dans le tissu économique, ou encore forts différentiels de compétitivité dans l’environnement régional – s’ajoutent aujourd’hui d’autres facteurs de complexité qui vont peser lourd.

Je pense tout d’abord aux dynamiques démographiques de nos territoires : elles doivent être prises en compte dès aujourd’hui dans les politiques publiques. Ces dynamiques, qui divergent selon les territoires, supposent la définition immédiate de priorités : si les Antilles sont confrontées au vieillissement de leur population, d’autres départements, comme la Réunion, Mayotte ou la Guyane, doivent déjà ou vont devoir gérer une explosion démographique, avec ce que cela implique en termes de réalisation de structures éducatives, de création de foyers d’hébergement ou de construction de logements.

Ainsi, une enquête récente menée par l’INSEE et la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement de la Guyane estime à 160 000 le nombre de logements à réaliser d’ici à 2040, ce qui imposerait une cadence de construction de plus de 5 000 logements par an, chiffre à mettre en regard des 3 320 logements sociaux construits entre 2009 et 2012.

Je profite de cette occasion pour rappeler que la sanctuarisation de la ligne budgétaire unique ne doit pas empêcher d’envisager d’autres dispositifs afin d’anticiper des phénomènes d’une pareille ampleur et d’être à même d’y faire face. La délégation sénatoriale à l’outre-mer avait demandé d’évaluer la pertinence, pour le financement du logement social dans nos territoires ultramarins, de la mise en place d’un prêt bonifié de type « PTZ », qui se substituerait au dispositif de défiscalisation. Où en est-on sur ce sujet, monsieur le ministre ?

Un autre facteur de complexification d’une situation déjà particulièrement tendue tient à la difficulté des instances européennes à prendre en compte les contraintes propres aux outre-mer.

Malgré les possibilités d’adaptation et de dérogation théoriquement offertes par l’article 349 du traité de Lisbonne, les instances européennes, notamment la Commission, persistent à s’en tenir à une interprétation restrictive. La politique commerciale de l’Union européenne constitue, en outre, une menace permanente pour nos productions locales : banane, rhum, sucre, pêche… Les dispositifs de compensation, qui interviennent par définition a posteriori, ne suffiront pas à sauvegarder ces filières, en l’absence de dispositif régulateur en amont permettant d’atténuer les effets dévastateurs des différentiels de compétitivité avec des pays producteurs qui ne sont pas soumis aux mêmes normes sociales, sanitaires ou environnementales.

Bien évidemment, la sauvegarde de ces productions nécessite aussi d’imaginer des positionnements de niche et d’anticiper certaines échéances qui modifieront radicalement la donne, telle la suppression des quotas sucriers en 2017. Sur ce point, monsieur le ministre, où en est l’expertise que vous nous avez annoncée lorsque nous vous avons auditionné au mois de novembre dernier ?

Pour certains de nos territoires, les évolutions institutionnelles à venir ou en cours peuvent également ajouter aux difficultés. Ainsi, la mise en œuvre concrète de la fusion du département et de la région en Martinique et en Guyane, si elle facilitera la gouvernance après 2015, est susceptible de faire naître des tensions pendant la phase transitoire. Il faudra également veiller à ce que cette réforme ne soit pas l’occasion de confondre approfondissement des libertés locales et désengagement de l’État. De même, certaines phases du calendrier institutionnel calédonien pourraient se révéler délicates. Par ailleurs, les évolutions induites à Mayotte par l’acquisition du double statut de département et de région ultrapériphérique, par exemple la mise en place de la fiscalité, constituent également des défis à relever.

Ces échéances de diverses natures et ces transitions, qui représentent des tournants majeurs pour les territoires concernés, appellent un accompagnement particulièrement attentif de la part des autorités étatiques. Or, celles-ci n’ont pas toujours une juste vision des réalités ultramarines. Cette posture est même, parfois, délibérée. Nous avons pu le vérifier en ce qui concerne les incidences économiques des dispositifs fiscaux de soutien à l’investissement dans les outre-mer ; si ce qu’il est convenu d’appeler la « défiscalisation » n’est pas la panacée, elle a eu néanmoins le mérite de drainer des financements, alors que le système bancaire se montre toujours très frileux.

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