Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 26 février 2014 à 14h30
Débat sur la situation des outre-mer

Victorin Lurel, ministre :

Au reste, la progression du taux général de chômage est aujourd’hui bien moindre qu’en métropole.

Parmi ces signes encourageants figure également l’amélioration de la situation de nos entreprises locales au regard des dettes fiscales et sociales. Cela témoigne que l’état de leur trésorerie s’améliore sensiblement. §On est encore loin du compte, mais la situation évolue dans le bon sens.

Ainsi, à la fin de 2013, le taux d’impayés s’élevait à 16 % pour les DOM, soit une baisse de 3, 8 points par rapport à l’an dernier et une diminution de la dette sociale de plus de 142 millions d’euros en un an seulement. Nous venons de loin, mais un reflux s’amorce.

Les taux s’améliorent pour la majorité des catégories de cotisants : ainsi, on constate une baisse de 3, 3 points pour le secteur public et de 1, 6 point pour le secteur privé. Le taux des entreprises privées de plus de neuf salariés s’améliore de 0, 8 point, et celui des plus petites entreprises de plus de 2 points durant cette même période. Il convient de le signaler.

Enfin, l’indicateur du climat des affaires établi par l’IEDOM, l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, qui poursuit sa progression au quatrième trimestre de 2013, confirme un regain de confiance et reflète un contexte économique plus optimiste.

Naturellement, notre effort doit se poursuivre et s’amplifier, mais il est bon, dans cette période de sinistrose générale, de le dire : les signaux sont positifs, même si beaucoup reste à faire.

C’est tout l’objet du pacte de responsabilité annoncé par le Président de la République, qui sera décliné dans les outre-mer.

En effet, les économies ultramarines n’ont pas encore retrouvé le chemin d’une croissance pérenne. La persistance d’un taux de chômage élevé en est le principal symptôme.

Handicapées par leur insularité et l’étroitesse de leur marché domestique, les économies ultramarines sont fragiles et mal armées pour affermir leur développement et affronter la concurrence, notamment régionale.

Disons-le, cette situation illustre l’échec de la politique de la précédente majorité, qui était avant tout fondée sur une addition d’outils et de mesures et sur l’illusion d’un développement endogène non financé, synonyme d’un retrait de l’État qui ne disait pas son nom.

Aussi le respect de nos engagements exigeait-il des réponses fortes.

La consolidation du budget du ministère ces deux dernières années, je l’ai dit, en a été la première et visible traduction.

Trois chantiers majeurs ont permis, en 2013, d’engager de manière adaptée dans les outre-mer une stratégie globale dans le respect des priorités fixées par le Premier ministre : la mise en œuvre de la loi relative à la régulation économique outre-mer, la réforme de la défiscalisation, le déploiement de la Banque publique d’investissement. Les premiers effets se font déjà sentir, mais il faut aujourd’hui aller plus loin et franchir une nouvelle étape.

C’est dans cet objectif que je réfléchis depuis plusieurs mois, vous le savez, à un projet de loi en faveur de la croissance et de l’emploi outre-mer.

Monsieur le sénateur Vergès, j’ai cru comprendre, au travers de certains de vos propos, que vous souhaitez que ce projet ne soit pas imposé depuis Paris. Je tiens donc à vous rassurer pleinement : comme je l’ai indiqué tout à l’heure devant l’assemblée générale d’une organisation patronale, je souhaite mener une concertation étroite. Je l’ai lancée en recevant les sénateurs d’outre-mer, de tous les bords politiques, le 10 décembre dernier, puis les députés, à la mi-janvier, pour leur faire part des grandes orientations de ce futur plan. Vous n’aviez pu être présent ce jour-là, mais je sais que vous ferez le nécessaire pour participer aux prochaines réunions que je proposerai.

Depuis le début de l’année, le pacte de responsabilité proposé par le Président de la République constitue le cadre dans lequel le Gouvernement est appelé à inscrire son action. Il doit donc être intégré dans nos réflexions. Vous en connaissez les grands axes : la poursuite de l’allégement des contraintes, des charges et de la fiscalité des entreprises ; des contreparties en termes de création d’emplois, de renforcement du dialogue social, de l’investissement et de la formation, de relocalisation des activités de production et – pourquoi pas ? – de lutte contre les inégalités salariales. La première chose à faire est de s’atteler à penser une déclinaison utile et pertinente de ce pacte dans les outre-mer.

Le Président de la République l’a rappelé le 23 janvier dernier : « La baisse des charges existe déjà en outre-mer, donc si je la propose pour toutes les entreprises, cela ne fera pas d’avantage significatif pour les entreprises ultramarines. […] je suis prêt à adapter, avec les employeurs d’outre-mer, le Pacte de responsabilité à ces territoires. »

Il nous faut donc saisir cet espace et l’investir. Nous avons commencé à le faire.

J’ai des projets, bien entendu, et ils se structurent progressivement à la lumière de mes échanges avec les acteurs politiques, économiques et sociaux, mais je souhaite écouter, avant de les formaliser. C’est la raison pour laquelle j’ai engagé un cycle de réunions, afin de faire le point avec les parties prenantes sur les pistes qu’elles privilégient.

Toutefois, le projet que je veux construire avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ne se limite pas à la déclinaison législative des mesures nationales qui seront arrêtées dans le cadre du pacte de responsabilité. Nous devons actionner l’ensemble des leviers disponibles afin de stimuler la croissance et l’emploi.

Certaines idées simples, nous le savons, ont parfois le mérite d’être efficaces et rapides à mettre en œuvre, contrairement à ce que disait Paul Valéry, pour qui « le simple est toujours faux ; ce qui ne l’est pas est inutilisable ».

C’est pourquoi, afin de leur conférer la cohérence et la portée nécessaires, je souhaite que toutes ces propositions soient rassemblées dans un ambitieux plan d’action pour la croissance et l’emploi outre-mer.

Précisons tout de suite une chose : la contrainte et l’exigence d’économies que suppose notre trajectoire budgétaire nous contraindront à faire des choix, lesquels ne consisteront pas à tout raboter ou à faire table rase de ce qui existe.

Je veux tout de même rappeler les moyens considérables que le Gouvernement a obtenus lors de la négociation européenne sur les programmes opérationnels pour la période 2014-2020, en dépit du contexte budgétaire que nul n’ignore. Les fonds structurels des régions d’outre-mer augmenteront de 23 % par rapport à la période 2007-2013. Ils financeront notamment une initiative inédite en faveur de l’emploi des jeunes, à hauteur de 70 millions d’euros pour les deux prochaines années. Le FEADER, le Fonds européen agricole pour le développement rural, augmentera, quant à lui, de 31 %, et la Réunion, je me permets de le souligner, bénéficiera de 45 % de cette enveloppe.

Plutôt que de réclamer – ce n’est pas votre cas, mais je l’entends ici ou là – une avalanche de moyens supplémentaires, pour le moins incertaine compte tenu de notre situation, je vous propose aussi de travailler avec le Gouvernement à rendre plus efficaces et plus efficients les moyens dont nous disposons aujourd’hui.

Vous avez émis, monsieur le sénateur, des propositions qui sont – et c’est tout à votre honneur – particulièrement audacieuses, dont nous avons déjà écarté certaines. Tout à l’heure, j’ai posé la question du changement de paradigme. Êtes-vous prêts à faire preuve d’audace ? Êtes-vous prêts à sortir du territoire douanier d’exportation ? Non ! Êtes-vous prêts à sortir du territoire douanier européen ? Non ! Êtes-vous prêts à renoncer au statut de région ultrapériphérique ? Non ! Êtes-vous prêts, comme Saint-Barthélemy, à demander le statut européen de pays et territoire d’outre-mer associé ? Non ! Quelle est la volonté électorale et politique des populations ? Elle est en général de rester dans le droit commun : il faut donc tenir compte de ces données démocratiques.

Par conséquent, nous sommes opposés à certaines de vos propositions, monsieur le sénateur, comme je viens de le dire devant une autre assemblée. Je pense notamment à la suppression des sur-rémunérations des fonctionnaires : cette proposition, que vous partagez avec, notamment, des acteurs du monde des entreprises, a été écartée par le Président de la République lui-même lors de la campagne présidentielle.

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