Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, malgré la crise, l’épargne des ménages représente des sommes particulièrement importantes, puisqu’elle constitue aujourd’hui un tiers de leur patrimoine total. En dix ans, son montant aura progressé de 55 %.
Rappelons que l’épargne réglementée et son adjudication permettent aux établissements de crédit de se refinancer auprès du fonds d’épargne afin de prêter directement aux organismes de logement social. C’est la raison pour laquelle elle occupe une place centrale dans les placements financiers des ménages. Sa rémunération influe donc fortement sur le coût des ressources permettant de financer les entreprises, le logement social et la politique de la ville.
Pour autant, sur les trente dernières années, la part de l’épargne réglementée est passée de 30 % à 15 % de l’épargne financière totale. Soulignons que, sur la même période, la part de l’assurance vie a, quant à elle, fortement augmenté, passant de 5 % à 40 %. Elle représentait 15 milliards d’euros en 1980, contre 1 500 milliards d’euros aujourd’hui.
Actuellement, 64 millions de livrets A sont ouverts auprès des établissements bancaires, pour un encours atteignant 250 milliards d’euros. Rappelons que la hausse de celui-ci a été supérieure à 15 % en 2012.
Je me permettrai d’évoquer ici deux points : l’importance de stabiliser et de sécuriser l’épargne réglementée et le devenir des contrats d’assurance vie en déshérence, qui recèle un enjeu budgétaire non négligeable.
Depuis le 1er mai 2011, les établissements de crédit centralisent au sein du fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations un montant égal, en moyenne, à 65 % de l’encours total. Ce montant est également ajusté en fonction de l’encours des prêts au logement social et à la politique de la ville.
Souvenez-vous aussi que le Président de la République s’était engagé à doubler le plafond du livret A sur le quinquennat et à doubler immédiatement celui du livret de développement durable. Cet engagement visait, d’une part, à dégager de nouvelles ressources pour le financement du logement social – avec un objectif de construction de 150 000 logements par an – et, d’autre part, à corriger les effets de la stagnation du plafond depuis novembre 1991.
Comme convenu, le Gouvernement a donc procédé au relèvement de 25 % du plafond du livret A, passé ainsi de 15 300 à 19 125 euros, et au doublement de celui du LDD, passé de 6 000 à 12 000 euros le 1er octobre 2012. Un nouveau relèvement de 25 % du plafond du livret A est intervenu le 1er janvier 2013, ce plafond s’établissant désormais à 22 950 euros.
Sur ce point particulier, je soutiens le travail réalisé par nos collègues Karine Berger et Dominique Lefebvre, qui ont remis au Premier ministre, en avril dernier, un rapport sur la dynamisation de l’épargne des ménages pour financer l’investissement et la compétitivité.
Dans ce rapport, ils plaident pour une affectation d’une part du produit de cette hausse au financement des entreprises et des grandes infrastructures, en particulier, par l’ouverture d’un droit de refinancement de 10 milliards d’euros pour les premières et de 10 milliards à 20 milliards d’euros pour les secondes, sans remettre en cause, bien entendu, la priorité donnée au financement de la construction du logement social.
Le relèvement des plafonds de l’épargne réglementée avait fait naître la crainte, chez la plupart des acteurs bancaires, d’une diminution de l’épargne fiscalisée et liquide. Pourtant, la perte de ressources liquides au bilan, estimée entre 20 milliards et 35 milliards d’euros, a été largement compensée par la mise à disposition des réseaux bancaires de 30 milliards d’euros de ressources centralisées au fonds d’épargne, destinées à augmenter l’encours de prêts aux entreprises.
Concernant le taux du livret A, la révision semestrielle du 1er février dernier a donné lieu à des divergences d’appréciation entre le Gouvernement et la Banque de France. En effet, l’application stricte de la règle aurait dû logiquement entraîner une baisse du taux à 0, 75 %. De son côté, la Banque de France proposait de le fixer à 1 %, estimant que la nécessité de préserver le pouvoir d’achat des épargnants justifiait une dérogation à l’application stricte de la règle.
Cependant, le Gouvernement a souhaité maintenir le taux à 1, 25 %, et je suis convaincu qu’il a eu raison. En effet, la baisse de 1, 75 % à 1, 25 % en août dernier avait entraîné une diminution de la collecte de 3, 4 milliards d’euros entre août et décembre. Une diminution supplémentaire du taux aurait eu un effet trop négatif sur le volume des dépôts. Notons, toutefois, que la collecte reste largement positive sur l’année 2013 – à hauteur de 12, 1 milliards d’euros –, grâce à l’augmentation du plafond intervenue le 1er janvier.
La réforme du livret d’épargne populaire est entrée en vigueur au 1er janvier 2014. Ce livret permet d’aider les personnes disposant de revenus modestes à placer leurs économies dans des conditions assurant le maintien de leur pouvoir d’achat. La loi de finances rectificative pour 2013 a élargi son bénéfice à toute personne dont le revenu fiscal de référence pour 2013 est inférieur à 19 140 euros pour une part de quotient familial. Selon les estimations, 3, 3 millions de Français supplémentaires peuvent désormais souscrire un tel produit cette année.
Je voudrais à présent dire quelques mots d’une initiative de notre collègue député Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Il est l’auteur d’une proposition de loi, adoptée voilà quelques jours, portant sur les avoirs bancaires et les contrats d’assurance vie en déshérence.
La Cour des comptes a effectivement constaté une insuffisance des dispositions législatives qui encadrent les obligations des banques et des assurances envers leurs clients, notamment lorsque ceux-ci n’ont pas les moyens de se manifester spontanément, par méconnaissance des avoirs et prestations qui leur reviennent pourtant de droit. La Cour des comptes a également relevé une insuffisance des contrôles et, a fortiori, des sanctions par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en cas de manquement.
Le montant des encours concernés par ces dispositions n’est pas mince : il a été évalué à près de 4 milliards d’euros, dont plus de 1, 2 milliard d’euros pour les comptes bancaires, et près de 2, 8 milliards d’euros pour les contrats d’assurance vie et de capitalisation.
Ces sommes demeurent toutefois dans les livres des établissements de crédit et des compagnies d’assurances, sans que leurs propriétaires légitimes soient informés de leur existence.
Par ailleurs, la Cour des comptes souligne également la faiblesse des montants reversés à l’État au terme du délai de la déchéance trentenaire, limités à 50 millions d’euros en moyenne en 2011 et en 2012. L’enjeu budgétaire pourrait pourtant se révéler sensiblement plus significatif si les règles encadrant la déchéance de propriété en faveur de l’État étaient appliquées de manière beaucoup plus rigoureuse.
Le texte, qui sera débattu au Sénat mi-avril, prend acte du constat dressé par la Cour des comptes et des recommandations de celle-ci. Il a donc pour objet de renforcer la protection du droit de propriété des épargnants, mais aussi la protection des intérêts financiers de l’État, à qui les fonds doivent être retournés s’ils n’ont fait l’objet d’aucune réclamation pendant trente ans.
Mes chers collègues, l’épargne populaire, nous le savons, est une question majeure pour notre économie, tant par le montant des sommes en jeu que par l’importance qu’elle revêt pour nos concitoyens, à un moment où le pouvoir d’achat des ménages tend à se contracter et où la crainte de l’avenir incite à la constitution d’une légitime épargne de précaution. Le Gouvernement et la représentation nationale en sont conscients. Je me félicite qu’il en soit ainsi.