Intervention de Jean Desessard

Réunion du 26 février 2014 à 14h30
Débat sur l'épargne populaire

Photo de Jean DesessardJean Desessard :

Mme Férat a en effet défendu les livrets de l’épargne réglementée, qui, comme leur nom l’indique, sont réglementés, c’est-à-dire que la définition de leurs intérêts, leur collecte et l’utilisation de celle-ci sont de la responsabilité du secteur public. Ainsi, les banques reversent 65 % des sommes placées par leurs clients sur les livrets A et les LDD et 70 % de celles qui sont placées sur les livrets d’épargne populaire à un fonds d’épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations. Les 35 % restants sont gérés par les banques, qui ont pour obligation de les employer pour le financement des PME et des opérations de rénovation énergétique des bâtiments anciens. Le respect de cette obligation est à vérifier…

Le fonds géré par la Caisse des dépôts et consignations a pour priorité de financer le développement de l’offre de logements sociaux et la politique de la ville. En 2012, cette manne financière a permis à la Caisse d’accorder 14, 9 milliards d’euros de prêts. Durant cette même année, plus de 100 000 logements sociaux ont pu être acquis ou construits grâce au fonds d’épargne. En janvier 2013, le Gouvernement a décidé de doubler le plafond du livret A. Cet effort permettra de renforcerle soutien financier au logement social sur le long terme.

Les livrets de l’épargne réglementée sont ainsi socialement utiles à notre pays. Il est évidemment possible de débattre de la légitimité d’une fiscalisation, car la fixation des plafonds à des niveaux élevés profite principalement aux plus aisés. Néanmoins, d’autres produits financiers mériteraient davantage notre attention : je veux parler des assurances vie.

Si les assurances vie peuvent être considérées comme des assurances pour les proches du souscripteur en cas de décès, elles sont avant tout des produits d’épargne très intéressants pour les assurés. Le montant total de l’encours des assurances vie témoigne de l’attractivité de ces produits : 1 400 milliards d’euros à la fin de 2012. On dépasse de loin les 385 milliards d’euros d’encours cumulés des livrets A, des LDD et des LEP à la même date.

Ces placements sont beaucoup plus rentables pour les épargnants que les livrets, même si l’écart tend à se réduire. En effet, si les assurances vie proposent un taux de rémunération d’environ 3 % en moyenne selon les placements, les taux des livrets se situent entre 1, 25 % et 1, 75 %.

Un des écueils majeurs de l’assurance vie est que, à la différence de ceux des livrets réglementés, ses encours ne sont pas fléchés par les pouvoirs publics. Elle n’a donc aucune utilité sociale puisque ses encours ne sont pas orientés vers des investissements choisis pour l’intérêt qu’ils présentent pour l’ensemble de la société.

Certes, depuis plusieurs années, les assurances vie proposent à leurs souscripteurs d’investir dans des fonds « ISR » – investissement socialement responsable –, dont les gérants tiennent compte de critères sociaux, environnementaux ou de gouvernance démocratique. Si l’émergence de ces pratiques est un point positif, il convient de rester lucide sur leur ampleur et leur impact réels. Le choix est laissé aux souscripteurs des assurances vie d’utiliser leurs fonds comme ils l’entendent, et les placements ISR ne se distinguent pas par une rentabilité financière supérieure. Ainsi, seulement 54, 6 milliards d’euros ont été placés dans ces fonds en 2012 par les assureurs, selon une étude du cabinet Novethic publiée en avril 2013. De plus, il n’existe pas de cadre réglementaire définissant ces « bonnes pratiques ».

Si l’utilité sociale de l’assurance vie est plus que limitée, son régime fiscal est très avantageux, puisque les prélèvements sont uniquement effectués lors d’un mouvement de fonds : rachat total ou partiel, sortie en rente ou capital décès. Les gains sont imposés, mais uniquement au prorata des sommes retirées ; si l’on rachète 10 % du total du contrat, l’imposition ne portera que sur 10 % des intérêts produits depuis l’ouverture de ce dernier.

Pour toutes ces raisons, plutôt que de taxer les détenteurs de livrets, dont l’épargne profite à la société, il serait préférable de flécher les encours de l’assurance vie.

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