Intervention de Edmond Hervé

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 25 février 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Daniel Béhar géographe

Photo de Edmond HervéEdmond Hervé :

Je voudrais dire à Daniel Béhar que nous sommes ici un certain nombre, et depuis très longtemps, à être opposés au principe du taylorisme comme critère de référence pour la distribution des compétences. En effet, l'analyse de toutes les politiques publiques démontre qu'elles sont toutes partenariales, y compris les plus régaliennes. En termes de finances publiques, je pense que le temps est fini où l'on pouvait distinguer les finances publiques de l'État, des collectivités territoriales et des organismes sociaux. Cela étant, vous avez raison de partir en guerre contre le duo centre et périphérie. Sans être historien ni géographe, je constate que ce duo a des racines très anciennes. Lorsque vous lisez certains textes du XVIIIe siècle, y compris dans les cahiers de doléances, sur l'opposition entre la ville et la campagne nourrissant la ville, il y a une permanence que l'on retrouve aujourd'hui dans certains discours très instrumentalisés contre la métropole et la métropolisation.

S'agissant de la métropolisation, j'observe qu'en France nous sommes restés très cartésiens et nous avons nos « cahiers Vidal de La Blache ». Lorsqu'il s'est agi de définir les métropoles, certains collègues ont avancé des dimensions démographiques. Je me suis toujours opposé à ce genre de définition démographique. En effet, ce qui fait la qualité d'une métropole, ce sont des activités, des comportements, un rapport à l'État, à l'autre et à l'avenir. Concernant le rapport à l'autre en tant que citoyen, le Sénat est bien placé pour en connaître la difficulté. Il m'a été donné de revoir un certain nombre de débats du Sénat, et j'ai été très frappé de l'hostilité de certains sénateurs à la notion de démocratie participative et consultative, supposée aller à l'encontre de la démocratie représentative. Je considère que ces trois types de rapports, à l'État, à l'autre et à l'avenir, ainsi que la définition d'une métropole par des activités, des phénomènes et des qualités, sont des choses essentielles.

Je suis heureux que vous ayez parlé de la métropolisation. Je vais faire un parallèle entre la métropolisation et les technopôles. Lorsque nous avons créé les technopôles, à l'époque du Premier ministre Pierre Mauroy, ceux-ci n'ont jamais été définis géographiquement. On disait, à juste titre, que le technopôle n'est pas une zone industrielle ni une zone artisanale, mais est un réseau, un flux. Ces flux que vous évoquez sont donc une évidence. D'autre part, on ne peut enfermer les compétences d'une collectivité ou d'un établissement public dans un seul et même territoire. Suivant que vous vous intéressez aux compétences de recherche, de transport, de sécurité, les territoires concernés sont différents. Je pense donc que l'élément essentiel, aujourd'hui, n'est plus dans une certaine verticalité, mais dans l'organisation de la transversalité. Pour que celle-ci fonctionne, il faut une autorité, une légitimité, un projet et une volonté.

Ces éléments me semblent en parfaite cohérence avec le propos de Daniel Béhar. Chacun s'exprime en fonction d'une expérience, et je m'exprime en fonction d'une expérience qui est particulière. La France, qui est un pays d'État, est pourtant essentiellement diverse. Mona Ozouf a employé une très belle expression à ce sujet : la composition française. C'est là qu'est notre génie.

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