Intervention de Daniel Béhar

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 25 février 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Daniel Béhar géographe

Daniel Béhar :

Je pense que, comme toujours en France, on a abordé la question des métropoles et des dynamiques territoriales sous l'angle institutionnel. De ce point de vue, et cela renvoie au sujet sur la décentralisation, il me semble que la loi de décembre 2013 a ouvert une brèche assez novatrice. Elle reconnaît en effet le fait urbain sur le plan politique. Mais elle s'inscrit aussi dans la logique historique de la décentralisation, et elle assimile la décentralisation à la régionalisation. Or, cela me semble être une fausse évidence. Jean-Paul Huchon avait parfaitement raison lorsqu'il écrivait récemment dans le journal Les Échos que le Président de la République invitait à aller vers un État fédéral. Mais il avait raison pour démontrer que cela n'est pas possible et que là n'est pas l'enjeu. On voit bien, par exemple avec la métropole du Grand Paris, que la question du rapport à l'État dans la décentralisation est fondatrice du modèle français. Ce qui se passe avec les métropoles est donc très intéressant car je pense que c'est l'alternative à la régionalisation. La modernisation du système des pouvoirs locaux en France se fera par le fait urbain, car avec le fait urbain nous ne sommes ni dans l'exhaustivité ni dans le systématisme territorial. Il y a des métropoles et des situations diverses, il n'y a pas de standardisation.

La loi de 2013 a engagé un processus de modernisation très nouveau, car non systématique. Je m'interroge donc sur ce qui va se passer avec la deuxième loi. Une fois traité l'aspect institutionnel, la question de fond porte sur le contenu du projet pour les métropoles. Quel projet au niveau national, et quels projets métropolitains pour chacune des métropoles ? Cela renvoie à la question des fonctions et donc à celle des systèmes territoriaux. Dès que l'on aborde la question des projets métropolitains, on constate qu'ils ne s'enferment pas dans les frontières des métropoles. Il me semble que si l'on avance le plus vite possible sur les projets métropolitains, on va se rendre compte que la catégorisation des 60 % de Français oubliés est une fiction. L'État et les milieux politiques sont très influencés par les thèses de Christophe Guilly car la catégorisation géographique est une façon d'incarner les choses et de mettre en évidence des phénomènes qui nous échappent. En effet, si on dit que 60 % des Français sont dans des territoires relégués, on identifie un endroit précis où il faut agir. On identifie à la fois le problème et la solution mais, en réalité, on ne décrit pas le problème et on ne donne pas la solution.

La question qui se pose est alors la suivante : comment fait-on pour aborder la question métropolitaine comme un processus d'innovation et de modernisation de l'action publique territoriale sans tomber dans cette catégorisation ? Il me semble qu'il y a là un enjeu essentiel.

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