Intervention de Christine Guillemaut

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 20 février 2014 : 1ère réunion
Stéréotypes dans les manuels scolaires — Table ronde

Christine Guillemaut, coordinatrice du Laboratoire des stéréotypes au Laboratoire de l'égalité :

Le Laboratoire de l'égalité est une association « loi de 1901 », créée en 2010. Si, comme l'a indiqué Emmanuelle Latour, l'Éducation nationale travaille depuis longtemps en faveur de l'égalité, les manuels scolaires restent largement empreints de clichés et de stéréotypes. Au-delà du travail que nous pouvons réaliser auprès des enseignants, il nous paraît essentiel d'aborder la question des stéréotypes de manière large : les enseignants sont aussi des parents, des citoyens et, en tant que tels, ils véhiculent des représentations stéréotypées.

Le Laboratoire de l'égalité s'est donné la mission de « rendre visible l'invisible ». En 2012, il a lancé une campagne de sensibilisation, en diffusant un film publicitaire et des cartes postales - que je vous distribue pour les faire connaître - sur le thème des stéréotypes et des inégalités de genre. Cette campagne a donné lieu au Pacte pour l'égalité entre les femmes et les hommes, présenté à tous les candidats à l'élection présidentielle. Certaines de nos propositions ont d'ailleurs été retenues par l'équipe gouvernementale actuelle.

En 2013, le Laboratoire a identifié trois champs principaux de diffusion des stéréotypes : l'éducation, les médias et le monde du travail. Des ateliers thématiques ont été organisés, associant la Ligue de l'enseignement, France Télévisions et l'Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH). Pour déraciner les stéréotypes, il convient en effet de ne pas déconnecter l'éducation des autres sphères de la vie que sont les médias et le monde du travail.

À défaut d'éliminer les stéréotypes, nous travaillons à favoriser le regard critique sur les représentations stéréotypées. Dans le cadre de nos ateliers de travail, nous avons identifié sept familles de représentations au fondement des stéréotypes :

- il existerait des compétences spécifiques des femmes et des hommes : or, c'est toujours la compétence des femmes qui est questionnée et non celle des hommes ;

- il existerait une complémentarité entre les hommes et les femmes, à utiliser et valoriser ;

- l'égalité risquerait de gommer les différences entre les femmes et les hommes ;

- le faible nombre de femmes occupant des postes à responsabilité résulterait d'une autocensure des femmes, liée à un manque de confiance en elles ;

- il existerait des « qualités » et des « compétences » naturelles des femmes et des hommes ;

- les hommes ne seraient ni disponibles, ni capables de s'occuper des enfants (en témoignent les publicités présentant les hommes dans des postures déplorables lorsqu'ils s'occupent d'enfants) ;

- l'égalité engendrerait un risque de masculinisation des femmes et de perte de virilité des hommes.

Le Laboratoire a élaboré un document intitulé « Les stéréotypes, c'est pas moi, c'est les autres », qui vise à comprendre les stéréotypes et les raisons de leur ancrage. Le document, élaboré avec Catherine Vidal, neurobiologiste française, auteure de l'ouvrage « Le cerveau a-t-il un sexe ? », aborde la « fabrication des filles et des garçons », questionne le lien avec les facteurs biologiques et propose des « clés de décryptage » des stéréotypes. À travers plusieurs exemples, parmi lesquels l'idée largement véhiculée que « les garçons seraient plus doués en mathématiques », le document montre en quoi les inégalités renforcent les stéréotypes, qui eux-mêmes outillent les discriminations. Celles-ci viennent à leur tour alimenter les inégalités. De la même manière, les stéréotypes légitiment les inégalités, qui inspirent des discriminations, celles-ci renforçant aussi les stéréotypes.

En termes de préconisations, s'agissant des manuels scolaires, si les éditeurs se montrent réticents quant à un label sur les résultats, nous proposons de réfléchir à une labélisation de la démarche, qui valoriserait les éléments de méthode et d'organisation mis en place par les éditeurs - par exemple, des comités de relecture - pour aboutir progressivement à une amélioration de la qualité des manuels du point de vue du genre.

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