Intervention de Manuel Valls

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 13 novembre 2013 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2014 — Mission « sécurité » et mission « immigration et asile » - Audition de M. Manuel Valls ministre de l'intérieur

Manuel Valls, ministre de l'Intérieur :

Je vais d'abord répondre aux questions sur le droit d'asile.

S'agissant de l'allocation temporaire d'attente, ses crédits sont budgétés à 135 millions d'euros en 2014, et sa baisse, par rapport à 2013, s'explique par la mise en oeuvre des recommandations de l'audit réalisé par l'IGA et l'IGF. Le principal facteur déterminant est l'évolution de la demande d'asile, et les prévisions sont fragiles. Le budget 2013 avait été construit sur une hypothèse de croissance de la demande de 4%, or elle sera finalement de 14%. S'agissant des places d'hébergement d'urgence, 2 000 places ont été créées en juillet 2013 et 2 000 seront créées en 2014. Cela soulagera le dispositif mais on doit s'adapter. La politique visant à équilibrer sur le territoire l'offre d'hébergement est une question présente dans la concertation sur la réforme du droit d'asile, il faudra prendre des décisions mais d'abord attendre les conclusions du rapport, car il s'agit d'un sujet délicat.

Concernant le calendrier de cette réforme, les conclusions du rapport vont être remises sous peu, fin novembre. Ensuite j'engagerai une consultation politique et opèrerai des arbitrages pour une loi en 2014. Tout ce qui peut être fait par décret le sera sans attendre la loi.

S'agissant des directives européennes, l'impact sera important sur notre système d'asile, avec des modalités relatives à l'organisation de l'entretien, un délai de 6 mois encadrant l'instruction de la demande d'asile. Il y a là une contradiction entre les principes, les règles de droit, et la réalité ! Un atelier de la concertation a d'ailleurs été consacré à l'évolution et la mise en oeuvre des nouvelles procédures dans le cadre des directives.

L'OFPRA a été dotée de moyens supplémentaires, le nouveau directeur a très bien travaillé, il mène des missions foraines pour régler les problèmes sur le terrain, comme à Lyon ou à Metz. Tant que nous ne trouverons pas de solutions pour réduire les délais, nous serons face à des difficultés.

L'éloignement des déboutés, dans le respect de leurs droits, est aussi une nécessité. La réforme de l'asile devra permettre un service unifié des demandeurs pour que l'État puisse prendre ses responsabilités vis-à-vis des déboutés ayant épuisé toutes les voies de recours.

S'agissant de l'accès au travail, celui-ci sera de droit au bout de 9 mois de procédure en vertu des nouvelles règles européennes. Je reste néanmoins prudent, car un demandeur d'asile, certes a des droits, mais n'est pas pour autant dans un parcours d'intégration, cela n'aurait pas de sens s'il est au final débouté ! Attention à ne pas poursuivre des objectifs contradictoires.

Enfin, la simplification sera un des axes majeurs de la réforme, sans préjuger des conclusions de la concertation. Les missions entre les préfectures, l'OFII, l'OFPRA, et les associations, est à revoir, en particulier pour réduire les délais qui pèsent sur tous. Il faudra aussi revoir les moyens afin que les nouvelles procédures puissent être mises en oeuvre.

Concernant la sécurité routière, grâce notamment à l'engagement du Président Jacques Chirac et de ses successeurs, la situation s'est améliorée puisqu'en dix ans le nombre de morts sur la route a été divisé par deux, avec moins de 4 000 morts en 2012. Mon objectif est d'atteindre la barre des moins de 2 000 morts sur la route avant la fin de la décennie. Le Conseil national de la sécurité routière doit recevoir en novembre un rapport et le délégué interministériel doit étudier plusieurs pistes, comme par exemple la question de l'expérimentation des « boites noires » dans les voitures. On verra ensuite s'il est nécessaire de convoquer un Conseil interministériel. Il faut travailler sur plusieurs pistes, comme l'amélioration de la voierie, notamment sur le réseau secondaire, la prévention, notamment chez les jeunes, la lutte contre l'alcoolisme, les drogues ou l'utilisation du téléphone portable au volant. Mais il est aussi vrai qu'une partie des accidents est due à la vitesse excessive et qu'il ne faut pas exclure d'emblée l'idée d'une baisse de la limitation de vitesse, au moins sur certaines voies ou certains tronçons, même si je sais qu'une telle mesure serait certainement mal perçue par une partie de l'opinion publique.

J'en viens maintenant aux nombreuses questions portant sur la gendarmerie.

Je voudrais tout d'abord rassurer le Président Gérard Larcher car il n'y a aucun lien entre la réforme de la carte territoriale, et le nouveau découpage des cantons, et le maillage territorial assuré par la gendarmerie départementale. Il y a simplement des réaménagements, pour tenir compte notamment des évolutions de la délinquance, mais il s'agit là d'un processus habituel et non d'une remise à plat d'ensemble.

S'agissant des transfèrements, Monsieur le Sénateur Michel Boutant, le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice sont d'accord pour poursuivre le processus de transfert progressif de cette charge à l'administration pénitentiaire. La pierre d'achoppement porte sur le nombre de postes à transférer. Le ministère de la justice souhaiterait obtenir 1 350 postes supplémentaires, alors que le ministère de l'intérieur souhaite que ce nombre soit de 1 200, ce qui représente déjà une augmentation substantielle par rapport au précédent arbitrage. Nous attendons donc l'arbitrage du Premier ministre qui devrait intervenir prochainement.

Concernant la réserve opérationnelle de la gendarmerie, elle représente effectivement un apport important aux unités de la gendarmerie, notamment en période estivale. Compte tenu des difficultés budgétaires, nous sommes contraints de réduire le montant de sa dotation, qui passera à 35 millions d'euros en 2014, mais, contrairement aux années précédentes, cette diminution sera compensée par la création de postes supplémentaires de militaires de la gendarmerie et de gendarmes adjoints volontaires.

Enfin, l'intégration de la gendarmerie au sein du ministère de l'intérieur s'est déroulée dans de bonnes conditions et la gendarmerie n'a pas perdu son identité et son statut militaire. Avec le ministre de la défense, nous venons d'assister aux obsèques du militaire de la gendarmerie, membre du GIGN, décédé lors d'un exercice avec la marine nationale, et je peux témoigner de l'attachement des gendarmes à ce statut militaire, y compris dans de telles circonstances tragiques. Le statut militaire est en effet indissociable de l'identité de la gendarmerie et il existe une vraie complémentarité entre les deux forces de sécurité.

Je partage naturellement vos préoccupations, Monsieur le Président Gérard Larcher, concernant l'état de l'immobilier domanial de la gendarmerie, qui nécessiterait 200 millions d'euros pour la réhabilitation et 100 millions d'euros pour les opérations de maintenance lourde, et je connais bien la situation de vétusté de certaines casernes, qui ne date pas d'aujourd'hui.

Malgré un contexte budgétaire contraint, j'ai obtenu que la gendarmerie puisse bénéficier d'une dérogation afin de pouvoir bénéficier d'une partie importante du produit de cessions, avec un taux de 75%, que je souhaiterais porter à 100%.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 nous avons également prévu une dotation de 6 millions d'euros pour les subventions aux collectivités locales pour la construction de casernes locatives et apporté notre soutien à un amendement visant à reconduire le dispositif des baux emphytéotiques (BEA).

Plus généralement, je suis favorable à une plus grande implication des collectivités locales en matière d'immobilier de la police et de la gendarmerie nationales. Il est d'ailleurs frappant de constater le décalage, lorsque l'on se rend dans les territoires, entre l'état des bâtiments de l'Etat, comme les préfectures, les commissariats ou les casernes de gendarmeries, et celui des immeubles appartenant aux collectivités locales ou à leurs services, comme les casernes des pompiers.

Concernant les moyens de fonctionnement et l'application des mesures de gel et de surgel sur le budget pour l'année 2014, nous serons naturellement vigilants.

Enfin, s'agissant des crédits d'investissement, la situation ne permet pas de renouveler les équipements dont dispose la gendarmerie, mais nous avons engagé une réflexion, à la suite d'un rapport d'inspection remis au printemps dernier, sur une meilleure mutualisation des deux flottes d'hélicoptères du ministère, la flotte d'hélicoptères de la gendarmerie, qui se compose de 56 appareils, et celle de la sécurité civile, qui compte 35 appareils, dans l'objectif de renforcer la mutualisation, notamment du soutien, rationaliser en préservant la capacité opérationnelle, et renforcer les synergies, tout en préservant les missions et l'identité de chacune des deux forces.

J'ai souhaité, M. Christian Cambon, ouvrir une réflexion sur les missions de la police et de la gendarmerie, notamment afin de renforcer la présence des policiers et des gendarmes sur le terrain. Il s'agit d'une réflexion sur la police et la gendarmerie de demain, avec notamment la question de l'utilisation des nouvelles technologies, la diversité du recrutement, etc.

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