Intervention de Philippe Warin

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 19 février 2014 : 1ère réunion
Atelier de prospective : « comment enrayer le cycle de la pauvreté ? »

Philippe Warin, directeur de recherche au CNRS, responsable scientifique de l'Odenore :

Il s'agit d'une variable d'ajustement pour des budgets en compression. Comme l'indiquait très explicitement Jacques Attali en 2006 dans L'Express, il faut que 20 % de la population visée par une politique n'y accède pas pour que les budgets soient tenus.

Mme Diallo a raison lorsqu'elle met en avant l'importance de l'information, dans un système composé de millefeuilles administratifs incompréhensibles, y compris pour les agents eux-mêmes. Nous pouvons également citer les effets de stigmatisation et nous constatons des marges d'amélioration dans les procédures - nous travaillons dessus avec le Défenseur des droits - pour que les demandes aboutissent en temps et en heure. Dans la branche famille, nous constatons des déséquilibres notables entre les indus et les rappels de droits. Pour un euro d'indu, il y a en effet trois euros de rappel de droits. Cela correspond à des sommes colossales. De telles situations pénalisent grandement de nombreux ménages, qui sont contraints de se tourner vers l'aide d'urgence. Des transferts de charges s'opèrent donc entre acteurs sociaux.

Il faut en outre citer le non-recours par non-demande, par refus du véritable parcours du combattant à effectuer pour percevoir ne serait-ce que quelques euros, notamment en matière de RSA activité. À ce titre, d'autres éléments entrent en ligne de compte : le désintérêt même pour le système des personnes qui n'y recourent pas et qui souhaitent vivre, non de soutiens publics, mais d'une véritable politique de salaire.

Il existe donc des désaccords de fond sur les logiques à l'oeuvre aujourd'hui. Le reste à charge laissé aujourd'hui à l'usager en matière non seulement de santé mais aussi de loisirs et de culture apparaît comme une cause principale de renoncement, comme on le voit aujourd'hui en travaillant avec des acteurs de l'assurance maladie en Languedoc-Roussillon.

Le sujet du non-recours est donc massif, ancien, mais il n'est pas propre à la France. Ce phénomène est en effet particulièrement étendu, mais il a été laissé de côté, car il constitue une formidable variable d'ajustement.

La question est donc posée aujourd'hui : comment faut-il agir pour avoir une politique du juste droit, pour que les droits soient pleinement appliqués, comme le souligne M. Vaugrenard ?

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