Effectivement, le seuil de pauvreté est fixé à 60 % du revenu médian pour tous les États membres, ce qui pose quelques problèmes de comparaison, car le revenu médian varie énormément selon les pays. En France comme en Allemagne, le seuil de pauvreté correspond à un revenu mensuel de mille euros, contre trois cents euros en Bulgarie. Même en termes de parité de pouvoir d'achat, les écarts restent importants.
Les chefs d'État et de gouvernement ont décidé d'élargir la définition de la pauvreté, en ajoutant une composante liée à ce qu'on appelle, en France, la pauvreté en conditions de vie, afin de pouvoir mesurer l'accumulation des difficultés pour subvenir à certains besoins (logement, électricité, biens de consommation, etc.) chez les personnes en situation de privation matérielle sévère.
En prenant en compte toutes ces considérations, au lieu des 80 millions de pauvres estimés selon le seuil de pauvreté relative à 60 %, nous parvenons à un total de 100 millions de personnes en situation de pauvreté, auxquelles il faut ajouter les personnes sans aucun emploi soit, au total, 125 millions de pauvres en Europe, c'est-à-dire 25 % de la population européenne - 17 % de la population en France. Il faut ici rappeler que l'objectif de l'Union européenne consistait à ramener le nombre de pauvres de 116 millions à 96 millions à l'horizon 2020. Nous sommes donc très loin de cet objectif.
Les chefs d'État et de gouvernement ont également constaté que nos données n'étaient pas du tout récentes. Ces 125 millions de pauvres correspondent ainsi aux chiffres de 2011. Ils ont mandaté la Commission européenne pour améliorer la fraîcheur des données et l'ont dotée d'un agenda de travail avec les offices statistiques publics. Nous avons ainsi développé des méthodes qui nous ont permis de constater que la pauvreté avait énormément augmenté en Grèce et en Espagne et qu'elle avait stagné en France depuis 2011. L'ambition ultime est de parvenir à publier un taux de pauvreté au même rythme que le taux de croissance ou de chômage, afin que les décideurs politiques puissent réfléchir en toute connaissance de cause avec ces trois composantes en ligne de mire. En effet, la croissance et l'emploi ne suffisent pas à eux seuls à réduire la pauvreté. Pour le dire autrement, la pauvreté n'est malheureusement pas uniquement le résultat de la crise.