Intervention de Gérard Rameix

Commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre — Réunion du 11 juin 2013 : 1ère réunion
Mardi 11 juin 2013

Gérard Rameix :

Je rappellerai brièvement les missions de l'Autorité des marchés financiers définies par la loi :

veiller à la protection de l'épargne investie dans les instruments financiers et les actifs offerts au public ou admis aux négociations sur un marché ;

veiller à l'information des investisseurs ;

veiller au bon fonctionnement des marchés ;

concourir à la régulation des marchés aux échelons européen et international ;

prendre en compte les objectifs de stabilité financière.

L'AMF compte 450 collaborateurs, principalement des cadres, répartis entre les services chargés de l'information financière et comptable, de la gestion d'actifs, de la surveillance, du contrôle et de l'enquête, des équipes qui interviennent a posteriori et sont dotées de pouvoirs d'investigation. Ces contrôles débouchent sur des lettres de suite voire sur des procédures de sanction en cas de manquement. Les enquêtes sont ouvertes par le secrétaire général de l'Autorité. Je préside la formation du Collège qui décide de notifier les griefs aux personnes présumées avoir manqué à leurs obligations, la Commission des sanctions décidant ensuite de l'attribution ou non de sanctions. Ces actions tendent à progresser. En 2012, 58 sanctions ont été prononcées pour un montant de 18 millions d'euros d'amende. 6 interdictions d'exercer ont été infligées. 7 compositions administratives ont été réalisées pour des manquements qui ont fait l'objet d'une transaction, suivant une procédure nouvelle introduite par la loi en 2010, plus rapide et très transparente.

Les missions visant les instruments et marchés financiers ne nous octroient pas un rôle direct dans la lutte contre l'évasion des ressources financières et l'évasion fiscale. En revanche, travaillant sur la matière financière sous un angle particulier, nous pouvons repérer des faits qui relèvent de ces problématiques. Si tel est le cas, les textes prévoient que nous les signalions au parquet et/ou à Tracfin. Chaque année, nous envoyons une vingtaine de dossiers au parquet et depuis 2009, nous avons transmis 12 dossiers à Tracfin (6 dossiers d'enquête et 6 dossiers de contrôle). Au plan international, nos enquêtes reposent pour une grande majorité d'entre elles sur une coopération internationale. Cette coopération s'effectue, le plus souvent, dans le cadre d'un MOU (memorandum of understanding) négocié bilatéralement avec chacun de nos homologues sur un modèle arrêté par l'Organisation internationale des commissions de valeurs (IOSCO). Ce dispositif fonctionne relativement bien, malgré quelques lenteurs ou restrictions dans certains secteurs ou pays.

Le parquet est informé soit dans le cas prévu par la loi, lorsque nous notifions des griefs pour des manquements qui peuvent être qualifiés en parallèle par le code pénal puisqu'entrant dans le champ de l'un des trois délits boursiers (manipulation de cours, diffusion de fausses informations ou utilisation d'informations privilégiées). Nous pouvons également informer le parquet sur la base de l'article 40 du code de procédure pénale ou de l'article L. 621-20-1 du code monétaire et financier quand nous détectons des faits que nous ne pouvons poursuivre directement, comme un abus de bien social ou une présomption d'un délit fiscal. Cette coopération avec le parquet s'avère fréquente et perdure depuis plusieurs années. Historiquement, nous sommes les héritiers de la Commission des opérations de bourse (COB) qui possédait à l'origine un pouvoir d'enquête. Toutes ses enquêtes étaient systématiquement transmises au parquet. Ce n'est qu'à la fin des années 80 que Pierre Bérégovoy, alors ministre de l'économie et des finances, a proposé au Parlement de conférer un pouvoir de sanction à la COB. Une même infraction peut d'ailleurs faire l'objet d'une sanction pénale et d'une sanction de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers.

Nous possédons par ailleurs une compétence spécifique en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Il ne s'agit plus d'enquêtes générales qui pourraient nous conduire à détecter des délits ou infractions relevant d'incriminations pénales. Nous devons, pour les personnes que nous régulons, c'est-à-dire essentiellement les sociétés de gestion de portefeuilles et les conseillers en investissements financiers, vérifier qu'elles se conforment à l'ensemble des règles professionnelles, au premier rang desquelles, depuis la loi de 2009, la mise en place d'un dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Nous procédons de plus en plus fréquemment à ces vérifications suivant deux approches différentes. Nous pouvons conduire des investigations ciblées pour vérifier le dispositif du prestataire. A l'occasion d'un contrôle plus général mené sur une société de gestion de portefeuilles, les équipes peuvent également opérer une revue des procédures de lutte contre le blanchiment. Voilà peu, nous avons notifié des griefs à la commission des sanctions après avoir constaté l'absence de procédure de lutte contre le blanchiment chez un conseiller en investissements financiers. L'affaire est en cours d'instruction devant la commission des sanctions. Cette mission tend à se développer, les obligations devenant de plus en plus précises en la matière.

Une coopération internationale s'opère entre les régulateurs de marché au niveau européen et international. L'autorité européenne des marchés financiers (ESMA) et l'OICV (IOSCO) au niveau international rassemblent les régulateurs de marché qui, selon les principes de l'OICV et comme l'AMF, constituent des régulateurs indépendants et spécialisés. Les accords de coopération sont signés entre ces régulateurs dans les limites de leurs compétences. Ces accords prévoient que les informations sont communiquées pour le bon exercice du métier de régulateur de marché. Nous sommes habilités par la loi à nouer ces échanges. Nous émettons des demandes nombreuses et recevons des demandes de nos homologues étrangers. Nous avons ainsi formulé 382 demandes d'assistance et reçu 159 requêtes de nos homologues étrangers l'an dernier. Ces échanges ont concerné 35 pays, signe d'une coopération active.

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