Intervention de Antoine Peillon

Commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre — Réunion du 27 juin 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Antoine Peillon journaliste au journal la croix

Antoine Peillon :

J'ai eu la chance de pouvoir participer à l'élaboration de ce qui était d'abord une proposition de loi. Le député Yann Galut m'avait demandé de l'aider à trouver des experts de l'évasion fiscale.

Le verrou de Bercy choque profondément tous les experts avec lesquels je suis en relation, et avant tout les magistrats. Ils ne comprennent pas qu'il soit interdit d'enquêter, y compris lorsqu'il s'agit de flagrant délit de fraude fiscale. Ils doivent attendre que la commission des infractions fiscales donne son feu vert et soit proactive sur le sujet, à discrétion de la très haute administration et du gouvernement. De l'avis unanime des policiers de police judiciaire et des magistrats, ceci est une aberration.

Un compromis avait notamment été construit entre le ministère de la Justice et Bercy. Des nuances importantes distinguaient le ministre de l'Economie et des Finances et le ministre du Budget. Monsieur Moscovici avait ainsi accepté un système permettant à la Commission des infractions fiscales de continuer d'exister et à la Justice d'enquêter normalement. Ce compromis a été défait au plus haut niveau trois semaines avant que le projet de loi ne soit présenté devant l'Assemblée Nationale. Cela a été un véritable choc pour la magistrature, ainsi que pour vos consoeurs et confrères de l'Assemblée nationale. Cette destruction a en effet des conséquences négativement fantastiques. Si la justice ne peut pas agir, la fraude fiscale ne sera pas réprimée. Le fraudeur ne craint pas la rectification fiscale, qui est négociée à très bas taux et qui n'attire aucun opprobre. La condamnation au tribunal et le regard des autres citoyens sont bien plus redoutés. Le fait que la justice n'ait aucun mot à dire sur la fraude fiscale en tant que délit est totalement aberrant.

Il existe un deuxième verrou qui concerne la police judiciaire. Comment se fait-il que le renseignement, qui sait tout très en amont, ne se soumette jamais à l'article 40 du code de procédure pénale ? Il ne signale jamais au procureur des faits délictueux qui n'ont pourtant rien à voir avec ce qui est couvert par le secret-défense. Les Renseignement dénoncent eux-mêmes cette réalité. Des officiers du renseignement intérieur me l'ont ainsi affirmé. Un document écrit sur ce sujet avait d'ailleurs été transmis à l'Assemblée Nationale. D'autres experts du métier partagent le même point de vue. Il n'y a en effet aucune justification pour placer sous le sceau du secret-défense des informations qu'ils récoltent sur des fraudes dont ils sont les premiers avertis et qui nécessiteraient un travail judiciaire.

Sur la question des amendements, une revendication portée par les douaniers et les policiers me semble intéressante. Ils aimeraient pouvoir demander la provenance d'une somme en liquide à partir du moment où celle-ci dépasse les 10 000 euros. Certaines personnes y ont vu une atteinte potentielle à la liberté de faire circuler la caisse d'un commerce. Je prends pour ma part très au sérieux l'expérience de douaniers parfaitement républicains et respectueux des libertés publiques qui assurent que cet outil serait très avantageux dans la lutte contre la fraude fiscale. La circulation de l'or est de fait totalement soustraite à des interrogations judiciaires. Cette question mérite une certaine attention de la part des parlementaires.

Le dispositif proposé sur les lanceurs d'alerte est satisfaisant. Il faut bien entendu un équilibre empêchant des dénonciations gratuites. Toutefois, quand des lanceurs d'alerte agissent de manière tout à fait gratuite et morale, il serait bon de prévoir une reconnaissance de la République. Ils prennent en effet des risques considérables. J'ai été très impressionné par la conscience civique de ces personnes.

J'aimerais finir sur la question des repentis. Quid de celui ou celle qui a fauté pour différentes raisons ? L'époque a changé. L'enjeu de la fraude fiscale pour la société a changé. Certains banquiers sont déterminés à dire la vérité. Vous en avez auditionné un, dont je ne sais pas à quel degré il a participé au système. Catherine Dubouloz a publié dans le journal Le Temps les confessions d'un banquier suisse qui raconte dans le détail comment il opérait sur le territoire français la récolte de l'évasion fiscale. Un certain nombre de gens ayant exécuté des ordres pourraient apporter beaucoup à la justice s'ils étaient admis aux conditions d'un dispositif pour les repentis.

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