Intervention de Fabrice Arfi

Commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre — Réunion du 2 juillet 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Fabrice Arfi journaliste à médiapart

Fabrice Arfi :

Je ne suis pas arbitre des élégances législatives. Je ne crois pas que les nouvelles règles concernant les déclarations de patrimoine auraient permis de dévoiler les pratiques de Jérôme Cahuzac. Cela étant, je pars du principe qu'un homme public doit rendre des comptes. Je n'ai pas toutefois de réponse sur la question de la publication du patrimoine. Il est tout à fait normal que des autorités puissent contrôler les personnes vivant de l'argent public. J'ai notamment apporté un billet de blog de Fabienne Sintes intitulé « Si Jérôme Cahuzac était américain ». Elle y explique le « vetting process » américain pendant lequel chaque ministre doit accepter de dévoiler toute sa vie privée avant de prendre des fonctions aussi importantes. Il existe une culture du parjure aux Etats-Unis. Il ne serait pas absurde de créer un délit de parjure pour les hommes et les femmes publics. Si ce processus avait été appliqué à Jérôme Cahuzac, il n'aurait jamais été ministre du budget. Est-ce transposable en tant que tel en France ? Je ne saurais dire, mais il faut s'y intéresser.

Il est évident que les lois comportent des avancées, mais les nouvelles grandes lois n'ont pas changé beaucoup les choses dans le passé. Il existe des statu quo insupportables, notamment concernant le lien incestueux entre le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire. La Cour européenne des Droits de l'Homme souligne pour sa part régulièrement le manque d'indépendance du parquet. Les affaires dont je parle ici n'ont prospéré que lorsqu'elles sont arrivées aux mains de juges indépendants. Dans le cadre de l'affaire Bettencourt, le procureur Courroye, qui avait reçu la médaille de l'Ordre du mérite des mains de Monsieur Sarkozy, a dépensé une énergie considérable à ne rien découvrir. Les juges indépendants ont réussi à découvrir les faits.

Mon métier ne consiste pas à juger moralement ou légalement les gens. En revanche, les faits recouvrent parfois des qualifications pénales. Le lien incestueux du pouvoir exécutif avec les pouvoirs d'enquête est problématique. TRACFIN est sous l'autorité directe du ministre de l'économie et des finances. Beaucoup de signalements TRACFIN ne sont pas transmis car la personne concernée est liée à une personnalité politique. Nous n'avons par ailleurs aucune culture du contre-pouvoir institutionnel dans notre pays. Le secret-défense est utilisé à outrance. Je le rencontre en permanence. Le secret-défense n'est pas utilisé dans l'intérêt supérieur de la nation. Les juges n'ont pas le moyen de savoir si ce qui leur est proposé correspond à la totalité des documents.

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