Intervention de Jean-Marc Sauvé

Commission d'enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre — Réunion du 3 juillet 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Marc Sauvé vice-président du conseil d'état président de la commission pour la transparence financière de la vie politique

Jean-Marc Sauvé :

Je ne voudrais pas m'élever au-dessus de ma condition... Président de la CTFVP depuis 2006, je voudrais rappeler avec force que j'ai été sans cesse confronté à l'insuffisance de ses pouvoirs de contrôle et de ses moyens, qui contrastent avec la sensibilité de ses missions. Cela ne nous a pas empêchés de réaliser un travail aussi sérieux, méticuleux et approfondi que possible. Il reste que des personnes qui ont menti éhontément à la CTFVP n'ont pu être inquiétées... jusqu'à la loi du 14 avril 2011.

En effet, jusqu'alors, si l'absence de déclaration de patrimoine entraînait l'inéligibilité, une déclaration grossièrement mensongère ne pouvait pas être sanctionnée. Je suis reconnaissant au Parlement d'avoir comblé ce vide juridique, en créant, d'une part, l'infraction de déclaration mensongère et en ouvrant, d'autre part, à la CTFVP l'accès aux déclarations d'impôt sur la fortune et d'impôt sur le revenu, indispensables pour commencer à apprécier si un enrichissement est licite ou non.

Quelques jours après promulgation de la loi du 14 avril 2011, la CTFVP a demandé à la direction générale des finances publiques la communication des déclarations d'impôt de certains assujettis pouvant avoir fait l'objet de redressements fiscaux. Cette direction générale a refusé cette transmission, au motif, qui n'était pas erroné, que la loi ne le permettait pas. Il est par conséquent difficile de s'entendre brocardés comme la « commission des sourds, muets et aveugles », alors que c'est la loi qui a privé si longtemps la CTFVP de moyens d'action indispensables ! L'octroi de véritables moyens de contrôle et d'investigation à la Haute autorité qui doit succéder à cette commission est donc sans conteste l'enjeu de fond le plus important du moment, bien plus que la question de la publicité des patrimoines.

Je me suis toujours exprimé avec prudence sur cette dernière question. Je n'ai pas acquis la conviction que la publicité de ces déclarations rendrait les contrôles plus efficaces. Les patrimoines sont le plus souvent si peu visibles que les citoyens ne pourraient en règle générale rien conclure de la lecture d'une déclaration de patrimoine. Il reste que l'obligation de publicité peut être de nature à renforcer la sincérité des déclarations. Si certains assujettis mentent, il est clair aussi que l'immense majorité d'entre eux respecte loyalement leurs obligations légales. La publicité peut, à tout le moins, conduire à limiter les négligences.

L'Assemblée nationale a prévu de sanctionner pénalement la diffusion des patrimoines. Mais comment identifier le coupable ? Dans notre société de l'information, il sera impossible de dire qui, parmi ceux qui ont consulté le registre des déclarations, a rendu l'information publique. Les diffusions peuvent en outre partir de France, mais aussi de l'étranger. Je demeure donc très prudent et circonspect sur l'efficacité de la répression qui est envisagée. Le texte issu de l'Assemblée nationale comporte encore des lacunes : en tant que président de la CTFVP, j'ai exprimé devant la commission des lois du Sénat ses attentes concernant les pouvoirs d'investigation et les moyens de contrôle de la Haute autorité. Sur le reste, et en particulier sur la difficile question de la publicité des déclarations de patrimoine, c'est à la Représentation nationale de trouver par elle-même le juste équilibre entre des exigences contradictoires.

Je réponds à votre deuxième question. Le rapport de la Commission pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique préconisait un délai de cinq ans pour la déclaration des intérêts professionnels pour les seuls membres du Gouvernement, que cette commission considérait comme tenus à une particulière exemplarité, et un délai de trois ans pour la déclaration des intérêts professionnels des autres acteurs publics. Le délai de trois ans est en effet celui qui est retenu par l'article 432-13 du code pénal en matière de prise illégale d'intérêts. La vie moderne est faite de changements rapides. Un délai de trois années me semble raisonnable. Le degré d'exigence peut toutefois être plus élevé pour les juges ou les ministres que pour les membres du pouvoir exécutif ou les fonctionnaires. Ayant été membre du conseil d'administration du Louvre jusqu'en mai 2008, je me suis ainsi abstenu de participer au jugement par lequel le Conseil d'Etat s'est prononcé en 2012 sur la légalité du champ d'application de la gratuité pour les jeunes de moins de 25 ans.

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