Certains contribuables ont certes tenté l'aventure, mais d'autres ont objectivement manqué de vigilance.
Nous réfléchissons à la manière de faciliter l'incrimination de ces professions, au sens large, qui ne sont jamais inquiétées. J'ai ainsi de très lourds dossiers en tête...
Par ailleurs, nous sommes particulièrement attentifs aux montages mis en place par certains groupes. Nous avons proposé au Parlement, à l'été 2012, une réforme du dispositif sur les sociétés, qui bénéficient à l'étranger d'un régime fiscal privilégié. Cette première modification nous a permis de faciliter la découverte de certains montages, en renversant la charge de la preuve. Notre objectif est de lutter contre l'un des phénomènes les plus classiques de la fraude fiscale, qui est la délocalisation vers des pays à fiscalité privilégiée.
Cela nous permet d'imposer, en France, même lorsqu'ils ne sont pas distribués, des bénéfices réalisés par les entreprises contrôlées par des sociétés françaises, dès lors qu'elles sont dans des pays à pression fiscale très inférieure -moins de la moitié.
Nous avons également l'intention de lutter davantage contre les phénomènes d'endettement artificiel. Malgré un léger coup de rabot l'année passée, les charges d'intérêts sont déductibles pour une entreprise. Il est assez facile d'optimiser son assiette de l'impôt sur les sociétés par de la dette au passif, dont la seule motivation est fiscale. Le plaisir est complet lorsque cette dette est constituée auprès de sociétés du même groupe, qui sont donc créancières, et localisées dans un pays où l'on taxe peu les produits !
Nous luttons aussi contre ce phénomène dans la sphère internationale, en négociant des aménagements aux conventions de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur les produits hybrides, entre actions et obligations, entre capital et dette.
Avant de rejoindre l'administration fiscale, j'ai eu l'occasion de travailler sur ces produits hybrides. Il s'agit d'ingénierie financière classique en tout bien tout honneur, mais ils peuvent aussi constituer un moyen de réduire l'assiette fiscale de manière importante.
Quelques mots sur la dimension pénale et les relations avec l'autorité judiciaire...
Nous déposons environ mille plaintes pour fraude fiscale par an. Ce point a fait l'objet de longs débats ; le ministre du budget dispose, en matière de fraude fiscale, du monopole des poursuites. Nous sommes très attentifs à ce que nos directions, sur le terrain, nous fassent remonter des dossiers relevant du pénal et s'intéressent davantage la criminalité en col blanc.
Cela suppose que nos propres services ne se laissent pas déborder par la complexité, ni décourager, et ne se reportent pas sur les dossiers les plus faciles. Nos partenaires de l'autorité judiciaire doivent également poursuivre ces dossiers. Ceux-ci ne semblent toutefois pas représenter une priorité absolue, si j'en juge par le nombre de personnes incarcérées en France pour fraude fiscale -une seule pour mille poursuites par an ! Sans doute les choses vont-elles changer très vite -en tout cas, nous le souhaitons !
Nous avons d'autre part modifié le dispositif, grâce à l'aide du Parlement, et avons désormais accès à la police fiscale. Ce service est placé sous l'autorité du ministère de l'intérieur, mais composé de personnels venant à la fois de la police et de mon administration. Il dispose de pouvoirs bien plus importants que ceux de l'administration fiscale, proches des services de la police judiciaire, notamment en matière d'écoutes et de perquisitions. Nous nous saisissons désormais de cas plus complexes, comme ceux relatifs à la domiciliation fictive à l'étranger, alors que la personne réside en France.
L'évasion fiscale recourant à des comptes à l'étranger constitue un sujet que la police fiscale peut désormais étudier de près. La police fiscale compte treize agents de l'administration fiscale, et j'ai décidé, en liaison étroite avec mon collègue directeur général de la police, d'en renforcer les effectifs.
Je n'ai pas besoin d'insister sur les raisons qui font que la lutte contre les avoirs non déclarés à l'étranger est un sujet d'actualité. Jusqu'à fin 2010, il était certes connu des services fiscaux, mais pas tant que cela, les découvertes de tels comptes étant peu nombreuses, compte tenu du blocage complet d'accès à l'information des pays hébergeant ces comptes. Les choses ont beaucoup changé. Elles se sont extrêmement accélérées depuis quelques mois, même en matière internationale.
Nous constatons l'évolution d'un certain nombre de pays, parmi lesquels les plus rétifs historiquement à toute forme de coopération. Certains en arrivent même à affirmer qu'ils pourraient être favorables à l'échange automatique d'informations, alors qu'ils ne répondaient jamais à nos demandes ponctuelles... Singapour connaît ainsi un changement d'état d'esprit complet. Je ne sais si cela durera, mais c'est notable.
Nous revisitons notre portefeuille de conventions bilatérales pour y introduire des clauses anti-abus, et négocions également avec certains partenaires, comme la Suisse.
L'actualité sur la détention de comptes occultes à l'étranger est très importante. Nous assistons bien évidemment à un certain nombre de phénomènes médiatiques déclenchés par différentes affaires -Cahuzac, HSBC, Offshore Leaks, etc.
Le bilan des échanges d'informations est vraiment très contrasté. Nous avons d'immenses difficultés avec certains pays, qui ne répondent pas, ou qui le font dans un délai extrêmement long, pour dire, dans la plupart des cas, que nos demandes ne sont pas pertinentes, faute d'une documentation suffisante, ou l'adresse ne correspondant pas exactement... Il y a ainsi tout un tas de prétextes utilisés pour ne pas nous répondre. Avec d'autres pays, cela fonctionne en revanche très bien !
C'est un sujet extrêmement important, notre arsenal juridique passant par une certaine coopération des pays hébergeant ce type de comptes. Il y a encore beaucoup de travail à faire dans ce domaine. Nous maximisons l'utilisation de ces conventions. Depuis 2010, 4 500 demandes d'information ont été adressés par la DGFiP à ses homologues étrangers.