Les femmes, les jeunes, les entrants sur le marché du travail, dont les immigrés, sont, en effet, davantage concernés. En Allemagne, où n'existait pas, jusqu'à présent, de salaire minimum, 60 % des jeunes ayant un diplôme inférieur ou égal au bac et qui ont un emploi ont un salaire inférieur au salaire minimum français. Le salaire minimum a donc, en France, un impact important.
Les politiques publiques ont connu des évolutions, notamment via la mise en oeuvre d'exonérations patronales ciblées sur les bas salaires. Les exonérations Fillon représentent ainsi un point de PIB. Depuis janvier 2014, le Cice, avec la réduction de 6 % sur la masse salariale brute en dessous de 2,5 Smic, représente également un point de PIB. Et 10 milliards supplémentaires, soit un demi point de PIB, sont en discussion. On en est donc à 2,5 points de PIB pour ces exonérations. Dans la période récente cependant, le coût du travail a continué d'évoluer, y compris au niveau des bas salaires, puisque les cotisations sociales ont augmenté de quatre points depuis 2008.
Ces allègements de charges contribuent-ils à créer des emplois ? Dans une étude conduite avec Stéphane Carcillo et Thomas Lebarbanchon, qu'une note de l'Institut Montaigne met en perspective avec d'autres études, nous avons pu évaluer cet effet au niveau des bas salaires. Le 4 décembre 2008, Nicolas Sarkozy annonçait que toute embauche jusqu'à 1,6 Smic dans les entreprises de moins de 10 salariés serait exonérée, avec une date limite au 31 décembre 2009. C'est le dispositif dit « zéro charges », qui réduisait le coût de travail de 12 % au niveau du Smic, avec un effet décroissant, s'annulant à 1,6 Smic. Cette mesure, ciblée, pour des raisons budgétaires, sur les petites entreprises avec l'idée qu'elles emploient davantage de salariés peu qualifiés, nous offrait le fameux groupe témoin dont nous manquions jusqu'alors. Le seuil d'éligibilité, fixé à une moyenne de 10 équivalents temps plein (ETP) entre janvier et novembre 2008, ne permettait pas aux entreprises, l'annonce étant faite le 4 décembre, de manipulations sur leur taille. Nous avons établi une comparaison, sur la période 2005-2009, entre les entreprises de 6 à 10 salariés, et celles de 10 à 14 salariés, sur la base des déclarations annuelles de données sociales et d'un fichier de Pôle emploi qui nous permettait de savoir quelles entreprises avaient été touchées, et pour quelles embauches.
Stéphane Carcillo, qui, comme membre du cabinet de Christine Lagarde, avait participé à la mise en oeuvre de cette mesure, savait que son annonce avait été une véritable surprise, le Président de la République ayant souhaité que le projet en reste secret. Cet effet de surprise est confirmé par les requêtes sur Google, qui enflent à partir de décembre 2008. Les entreprises n'ont donc pu ajuster leurs effectifs en amont, en retardant des embauches pour bénéficier d'une mesure connue d'avance. C'était pour nous la garantie que l'effet mesuré ne serait pas surévalué.