En première lecture, nous avions examiné deux dispositions de ce texte, l'article 16, relatif au respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle et l'article 19, visant l'égal accès des femmes et des hommes au sein des instances dirigeantes des fédérations sportives nationales.
Notre commission avait saisi cette occasion pour appeler l'attention du Gouvernement sur la situation très précaire, voire scandaleuse, des « matermittentes », ces femmes intermittentes pratiquement privées de leurs droits à indemnisation tant du point de vue de l'assurance chômage que des droits attachés à la maternité. Sur ce point, nous avions eu gain de cause puisque le Gouvernement s'était engagé à présenter un rapport sur le sujet dans le cadre plus général de la remise à plat des annexes VIII et X de la convention d'assurance chômage.
Ce texte nous revient en deuxième lecture et il me paraissait important de dresser ensemble un état des lieux, compte tenu des nombreuses modifications apportées au texte par l'Assemblée nationale.
Dans un premier temps, j'aborderai les dispositions résultant des délibérations du Sénat lors de la première lecture.
S'agissant de la parité au sein des instances dirigeantes des fédérations sportives, l'Assemblée nationale a hésité entre une plus large prise en compte des réalités de terrain et l'application stricte de la parité. À l'initiative de notre commission, le Sénat avait adopté une position intermédiaire. Car si nous sommes tous très attachés à la parité, nous savons aussi que certaines disciplines sont essentiellement pratiquées par des femmes, d'autres par des hommes. C'est pourquoi tendre vers la parité nous paraissait parfois difficile, qui plus est dès le prochain renouvellement des instances dirigeantes de toutes les fédérations. L'Assemblée nationale a d'abord semblé se ranger à notre position et même à la préciser en créant un nouveau seuil minimal à 15 % de licenciés d'un sexe alors que le projet s'en était tenu à 25 %. Mais elle a finalement renoncé, pour revenir à la parité pure et simple, tout en indiquant que la proportion de licenciés de chacun des deux sexes est appréciée sans condition d'âge ni de toute autre condition d'éligibilité aux instances dirigeantes.
Si l'Assemblée nationale est pour l'essentiel revenue au texte initial, sa commission des lois aussi bien que le Gouvernement avaient soutenu notre rédaction, que notre commission des lois devrait rétablir en ce moment même en vue de la deuxième lecture.
En matière de respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle, la navette a enrichi le texte sur la mise en place d'indicateurs chiffrés de progression de l'égalité entre les femmes et les hommes dans les programmes des chaînes privées. Cette disposition traduisait une recommandation de notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin dans le rapport d'information établi par la délégation aux droits des femmes sur le projet de loi. Alors que le Sénat avait confié cette tâche au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), celui-ci s'est déclaré dans l'incapacité d'élaborer ces indicateurs et l'Assemblée nationale a préféré charger les services de télévision et de radio à caractère national diffusés par voie hertzienne de définir des indicateurs sur la représentation des femmes et des hommes dans les programmes. Ce dispositif me paraît aller dans notre sens, mais il inquiète les diffuseurs, qui y voient une atteinte à leur liberté éditoriale. Le CSA, pour sa part, a précisé qu'en appliquant les nouvelles règles, il prendrait en compte le respect de l'identité des lignes éditoriales. Il n'y a donc pas matière à préciser le dispositif juridique adopté par l'Assemblée nationale.
En revanche, nous n'avons pas eu gain de cause sur l'extension aux radios et aux services locaux de communication audiovisuelle de l'obligation faite aux services nationaux de télévision diffusés par voie hertzienne de diffuser des programmes relatifs à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes.
À l'initiative de la commission des affaires culturelles, l'Assemblée nationale est revenue sur cette extension, mettant en avant, notamment, son coût pour les diffuseurs concernés.
Dernière disposition supprimée par l'Assemblée nationale, le rapport que nous avions obtenu sur la situation des « matermittentes », au nom de cette jurisprudence voulant qu'un article de loi ne pourrait se contenter de demander un rapport au Gouvernement. Dont acte. Cependant, elle a accepté notre demande d'un rapport portant, d'une part, sur une harmonisation des conditions d'ouverture et d'indemnisation des droits aux différents types de congés existants, tant parentaux que personnels, et, d'autre part, sur la portabilité de ces droits et le cadre de leur mise en oeuvre ce document ayant été prévu à l'article 11 de l'Accord national interprofessionnel. Reste à obtenir confirmation que le cas des « matermittentes » sera bien traité dans ce cadre, l'échéance prévue, c'est-à-dire le 31 décembre 2014, étant cohérente avec l'accord du 22 mars dernier relatif à l'assurance chômage, dont l'article 5 c prévoit une concertation, avant la fin de l'année, « sur les moyens de lutter contre la précarité dans les secteurs visés par les annexes VIII et X ».
J'en viens aux dispositions introduites par l'Assemblée nationale dans le champ de compétences de notre commission.
Une seule concerne la culture proprement dite. L'article 22 quinquies donne une base législative à l'observatoire de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la culture et la communication. Cet observatoire existe déjà ; cette disposition vise à en préciser les missions : d'une part, dresser un état des lieux annuel de la place des femmes dans les nominations aux instances de direction du ministère et des institutions publiques du secteur ainsi que dans les conseils d'administration, les conseils de surveillance ou les organes équivalents de ces institutions ; d'autre part, évaluer les caractéristiques de l'emploi des femmes dans le secteur de la culture et de la communication ainsi que la place des femmes dans la création, la production et la programmation culturelles et artistiques. D'après les informations qui m'ont été transmises, la commission des lois devrait adopter un amendement de suppression de cet article et je vous propose de nous en remettre à sa décision.
À mi-chemin entre culture et éducation, l'article 18 B, adopté contre l'avis du Gouvernement et du rapporteur au fond, prévoit que les formations dispensées par les écoles d'architecture, les établissements d'enseignement supérieur de la musique, de la danse, du théâtre et des arts du cirque et par les établissements d'enseignement supérieur d'arts plastiques comportent un enseignement sur l'égalité entre les femmes et les hommes. Cette disposition traduit une des recommandations du rapport fait en juin 2013 par la délégation aux droits des femmes de notre assemblée sur la place des femmes dans l'art et la culture.
En matière de formation des élèves journalistes, l'article 16 bis, qui figure au sein d'un autre chapitre du projet de loi celui consacré aux atteintes à la dignité et à l'image à raison du sexe dans le domaine de la communication va plus loin. Il prévoit que cette formation comprend un enseignement sur l'égalité entre les femmes et les hommes mais aussi sur la lutte contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein des couples.
À l'Assemblée nationale, seule Marion Maréchal Le Pen s'est opposée à l'adoption de cet article que, je crois, nous acceptons tous.
Mais cette disposition constitue une entorse au principe de l'autonomie pédagogique et scientifique, administrative et financière des établissements d'enseignement supérieur, qu'ils soient publics ou privés. N'est-il pas délicat d'imposer, par voie législative, des obligations concernant l'organisation des enseignements et des parcours de formation aux établissements quels qu'ils soient ? Le principe de prévention des discriminations à l'égard des femmes concerne toutes les formations et pas seulement celles visées dans cet article.
Il est fondamental que l'égalité entre les femmes et les hommes fasse l'objet d'un enseignement dans toutes les écoles. Ce qui vaut pour les écoles d'art, d'architecture ou de journalisme vaut aussi pour les écoles d'ingénieurs ou de commerce.
J'ajouterai que ces dispositions n'ont fait l'objet d'aucune concertation préalable avec les écoles intéressées, notamment les écoles de journalisme alors que l'article 16 bis a prévu des dispositions particulières - plus contraignantes - pour elles. Dans ces écoles, qu'elles soient publiques ou privées, sous contrat ou pas avec l'État, les formations dispensées devront également comprendre un enseignement sur la lutte contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein des couples.
Je crois savoir que la commission des lois a décidé d'adopter des amendements de suppression de ces deux articles et je vous propose donc de nous en remettre à sa décision.
Un mot de l'article 15 bis, qui avait été introduit par le Sénat à l'initiative de notre commission des lois. Il a pour objet d'inscrire dans la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants l'obligation de formation des professionnels qui y sont confrontés. Parmi ceux-ci figurent notamment les médecins, les personnels médicaux et paramédicaux, les personnels enseignants et d'éducation et les personnels d'animation sportive, culturelle et de loisirs.
L'Assemblée nationale s'est contentée d'étendre le principe général de l'obligation de formation aux fonctionnaires et personnels de justice.
Dernière disposition relevant de l'enseignement supérieur, l'article 15 quinquies A relatif à la procédure disciplinaire à l'université. L'Assemblée nationale a complété le dispositif que nous avions adopté lors de la première lecture, à l'initiative de notre collègue Françoise Laborde, très attachée à la lutte contre le harcèlement sexuel et les violences sexuelles dans le monde universitaire, auxquels les étudiantes et, parmi elles, les doctorantes plus particulièrement, peuvent se trouver confrontées. Nos collègues députés ont ajouté à la possibilité de dépaysement pour cause de partialité de la section disciplinaire la possibilité de demander la récusation en cas de doute sur la partialité d'un membre de la section. Ils ont également prévu que la demande de récusation ou de renvoi à une autre section disciplinaire pouvait être formée par la personne poursuivie ou par le médiateur académique. Ces dispositions constituent une réponse aux objections juridiques qu'avait soulevées la commission des lois lors de nos débats en première lecture.
Enfin, l'Assemblée nationale introduit dans le texte une disposition qui n'est pas que symbolique, à savoir la parité à l'Académie française et au sein des autres académies qui composent l'Institut. Certains ont objecté à cette proposition du rapporteur de la commission des lois à titre personnel qu'il fallait préserver le principe d'indépendance stricte de l'Institut et des académies, personnes morales de droit public à statut particulier, placées sous la protection du Président de la République. Mais indépendance ne signifie pas liberté de ne pas respecter les principes généraux de notre Constitution, c'est-à-dire, ici, au cas présent, l'égalité entre les femmes et les hommes. D'autant qu'en la matière, si nous ne sommes plus en 1980, lorsqu'à propos de la candidature de Marguerite Yourcenar, Jean Guitton avait trouvé intelligent de dire que la candidate « est une femme et qu'en tant que femme elle a autre chose à faire que de siéger parmi quarante hommes », le chemin est encore long : dans l'académie « la plus paritaire » si j'ose dire, c'est-à-dire l'Académie française, les femmes représentent moins de 16 % des membres (6 sur 38). Mais elles ne représentent que 3,7 % des membres de l'Académie des inscriptions et belles lettres (2 sur 54). Lors de la visite que nous avons faite au Panthéon avec la commission, j'avais interrogé nos interlocuteurs sur le faible nombre de femmes qui y sont inhumées...