Intervention de Simon Chignard

Mission commune d'information sur l'accès aux documents administratifs — Réunion du 10 avril 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Simon Chignard consultant auteur de l'open data comprendre l'ouverture des données

Simon Chignard, consultant, chargé de mission pour Etalab :

Sans être spécialiste de botanique, je ne doute pas que cela ait un sens pour beaucoup de réutilisateurs. Il serait sans doute tout aussi pertinent d'ouvrir les données sur les subventions attribuées aux associations ou les attributaires des marchés publics. Il n'y a pas de bonne ou mauvaise demande. Seule la pertinence des choix d'ouverture peut être questionnée.

Quant à la qualité des données, elle s'évalue en fonction des usages que l'on souhaite en faire. Or, outre leur format ou leur documentation, l'enjeu majeur reste la pauvreté ou le manque de profondeur des données disponibles. Malgré les efforts consentis, nous sommes loin de disposer d'une offre de données suffisante. Dès 2010, la ville de Rennes a publié un fichier complet des subventions attribuées aux associations, avec le nom des attributaires, l'adresse, le champ de l'action publique et le type de subventions accordées. C'est une bonne pratique au niveau national, mais trop souvent, dans beaucoup de territoires, le fichier des subventions publié se réduit à deux colonnes où ne figurent que le nom de l'association bénéficiaire et le montant de la subvention. Du coup, les réutilisateurs se demandent ce qu'on leur cache. Et si on ne leur cache rien, leur confiance dans la gestion des affaires publiques ne peut qu'être mise à mal. Un décalage existe entre l'ambition affichée et la réalité, le traitement des données contribuant à les appauvrir.

En quatre ans, les avancées juridiques sur l'open data ont été considérables. Alors que les licences standardisées n'existaient pas au départ, nous avons maintenant deux grandes licences à notre disposition (la licence ouverte et la licence ODbL), qui toutes deux partagent les fondamentaux des principes de l'ouverture des données, à savoir de larges autorisations de réutilisation, y compris à des fins commerciales, et la réaffirmation du principe de gratuité. La dualité de licence ne me choque pas, chacune correspondant à un choix politique fort.

Les évolutions attendues concernent surtout la généralisation de l'ouverture par défaut, la montée en qualité des données, l'introduction d'un dialogue direct entre réutilisateurs et producteurs des données et, enfin, la mise en cohérence des données disponibles au niveau national. L'amélioration de l'offre des données contribuerait à une plus grande cohérence, grâce à un effort d'harmonisation dans chaque grand domaine - transports, social, budget. Pour pouvoir comparer deux budgets dans deux territoires différents, leur présentation doit être identique. Il faut également que la donnée fournisse un référentiel commun partageable. Enfin, une meilleure articulation entre la loi Cada, la loi Cnil et le principe d'open data serait souhaitable.

La première lacune dans le domaine de l'ouverture concerne les données clefs, autrement appelées données pivot, qui jouent un rôle fondamental pour l'infrastructure informationnelle du pays - données du cadastre, du registre des entreprises, de la base des codes postaux. Elles sont au coeur de multiples services et de réutilisations possibles. Certains pays comme les Pays-Bas ou le Danemark, avec le programme Basic data, se sont fortement engagés, en ouvrant les données de ces registres. En France, la publication de ces registres clefs est rendue difficile par le statut des opérateurs qui les gèrent et le défi économique que représente la gratuité de leur mise à disposition. Une deuxième lacune tient au décalage entre les réalités de l'action publique et l'offre de données correspondante. Si l'on examine les trois grands postes de dépenses d'un acteur public local - routes, politique sociale, formation, par exemple - au vu des données disponibles, on observe un manque de cohérence entre les données ouvertes et les domaines d'intervention les plus importants. Une difficulté majeure résulte sans doute de la mauvaise articulation des corpus juridiques de la Cada et de la Cnil. Les réutilisateurs manquent de réponses à leurs questions pratiques. Les problématiques d'anonymisation se règlent dans le service producteur qui appauvrit les données dans une tendance à la surprotection par défaut.

Sur 100 décideurs publics, 10 se prononceront pour l'ouverture des données publiques, 10 seront farouchement contre, et 80 n'auront pas d'avis motivé. Cela, malgré nos efforts depuis quatre ans. La stratégie de réponse réside sans doute dans la riposte graduée. Un effort certain de pédagogie reste à faire pour expliquer le sens du mouvement d'ouverture des données publiques, au coeur d'un outil de travail, de la pédagogie pour ceux qui veulent bien entendre, de l'accompagnement pour ceux qui veulent bien faire, de l'obligation pour ceux qui ne souhaitent pas faire et, pourquoi pas, un pouvoir de sanction pour ceux qui délibérément ne souhaitent pas participer.

Deux chantiers s'ouvrent pour l'avenir. La modernisation de l'action publique n'entrait pas initialement dans le champ de l'ouverture des données publiques. Cette dimension prend du poids au niveau international. Pour ce faire, chacun des acteurs publics doit avoir compris que l'ouverture des données publiques constitue un outil de travail pour lui. La mise en place d'une vraie gouvernance de la donnée publique est également indispensable. Au même titre que le document, la donnée est un actif qui se gère, se gouverne et se valorise de multiples manières.

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